Hausse du pouvoir d’achat en 2023, la prévision de Bercy est inaudible mais réaliste. Pour trois raisons<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pouvoir d’achat des ménages pourrait en effet être non seulement protégé mais amélioré en 2023.
Le pouvoir d’achat des ménages pourrait en effet être non seulement protégé mais amélioré en 2023.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

ATLANTICO BUSINESS

Le gouvernement s’engage sur une promesse de hausse de pouvoir d’achat des ménages en 2023 de 0,9 % malgré toutes les incertitudes. L’opinion est très sceptique, les responsables politiques ne le croient pas. Et pourtant, les chiffres et les faits peuvent permettre à Bercy de gagner son pari.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Bruno Le Maire ne manque pas de surprendre la classe politique. Avec son col roulé et ses tableaux de chiffres, il essaie de piloter l’économie française sans provoquer trop de dégâts. Il ne nie pas que la situation est risquée mais considère que la France aura fait ce qu’il faut pour échapper à la tempête. 

Mieux, il a rendu public en annexe du projet de loi de finances qui va être discuté au Parlement, un état des lieux de l’économie française. Mais cet état des lieux provoque encore plus de scepticisme que le col roulé. Et pourtant, ce document est le rapport économique, social et financier (RESF). C’est un rapport annuel qui, d’ordinaire, ne fait pas débat puisqu’il fait une synthèse de tout ce qui sort de l’INSEE et des instituts de conjoncture. 

En bref, ce rapport ne nie pas toutes les incertitudes qui s’amoncellent sur l’économie française... Le risque de récession ou de ralentissement très sérieux de l’activité, le risque d’inflation, d’endettement, le risque de pénurie sur certaines énergies, sans parler des risques géopolitiques et des risques politiques et sociaux…

Mais ce qui va à l’encontre du climat très pessimiste, c’est que le gouvernement estime que le pouvoir d’achat qui doit se stabiliser à la fin 2022, devrait légèrement progresser l’année prochaine de 0,9%.Et cela, malgré l’inflation (de 4% en moyenne), ce qui met la France parmi les premiers de la classe en ce qui concerne le pouvoir d’achat, selon les calculs du FMI.

Cette prévision est évidemment rejetée par beaucoup d’économistes, et surtout par les syndicats et les responsables politiques de l’opposition qui ont construit toute leur stratégie et leur communication sur la perspective d’une aggravation de la situation liée à une récession internationale, alimentée par des politiques monétaires très restrictives etc. 

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On se serait cru au début de la crise du Covid, quand le ministre de l’économie orchestrait son « quoi qu’il en coute » face à une opinion chauffée à blanc par tous ceux qui font le commerce de la peur et qui nous annonçaient une catastrophe économique et sociale avec une déferlante de faillites d’entreprise et des vagues de chômage. Le Cvid a presque disparu et le système économique ne s’est pas effondré, bien au contraire. 

Bercy, aujourd’hui, se retrouve un peu face à la cohorte d’opposants qui surfent sur les mauvaises nouvelles. Pas étonnant alors qu’il ne soit pas entendu sur ces prévisions de loi de finances. 

Le pouvoir d’achat des ménages pourrait en effet être non seulement protégé mais amélioré en 2023 pour trois raisons. 

1ère raison : La première est que le pic des hausses de prix sur l’énergie, le pétrole, le gaz et l’électricité a sans doute été atteint. Les prix des énergies fossiles n’augmentent plus depuis six mois et si les pays producteurs de pétrole préparent une réduction importante des productions de pétrole (avec une baisse de 2 millions de barils), ça n’est pas pour provoquer une hausse, c’est pour éviter une baisse brutale des prix compte tenu du ralentissement de la demande mondiale. Un ralentissement acté et constaté par la Réserve fédérale américaine. 

Donc, l’inflation qui était principalement concentrée sur une gamme de produits et de services très définis, va donc se tasser. D’autant que cette explosion de prix a entrainé une remise à plat de beaucoup de dépenses de consommation et un nouvel équilibre des budgets de consommation. 

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2e raison : La politique des boucliers tarifaires très généreuse en France a beaucoup contribué à amortir le choc inflationniste. Le plafonnement des prix du gaz et du pétrole dans tous les pays européens devrait garantir une certaine stabilité. La direction du Trésor a calculé que le bouclier tarifaire et la remise carburant avaient diminué l’inflation de 2 points. Les effets seront sans doute plus fort l’an prochain, tout en coutant moins cher au budget. Les prix de l’électricité et du gaz vont augmenter de 15% en 2023, alors qu’ils ont été stabilisés cette année pour le consommateur. Le plafonnement va fonctionner mais les prix de départ seront moins élevés, compte tenu du tassement des prix internationaux. 

3e raison : La France, par sa politique d’intervention, s’est sans doute protégée contre la contagion inflationniste. En clair, on va assister en 2023 à une accélération des hausses de salaires dans les entreprises, mais principalement dans les secteurs en tension et les activités qui étaient très sous-rémunérées ou mal organisées, comme dans la restauration.

On ne va entrer dans cette mécanique infernale, cette spirale où les hausses d’indice entraineraient automatiquement une hausse de salaire.

Dans la crise actuelle, les hausse de prix de l’énergie sont limitées pour le consommateur par les boucliers et de ce fait, cette hausse n’alimente pas la revendication d’une hausse de salaires. D’autant moins que les entreprises ont été fortement invitées à distribuer un pouvoir d’achat sous forme de primes exceptionnelles ou des liquidations de fonds d’intéressement ou de participation. Le système de production n’est pas entré dans un cycle de négociations généralisées. 

Le seul moteur interne capable d’alimenter l’inflation en France reste certaines prestations sociales indexées, mais leur impact est assez limité. 

Ajoutons en complément de cette politique de neutralisation de l’inflation deux phénomènes :

D’une part, le budget va avoir besoin d’argent puisqu’il prend à sa charge une grande partie du cout de la politique de protection inflationniste. La discussion sur l’impôt va donc se durcir. L’idée de Bercy est d’ailleurs de récupérer auprès des énergéticiens une partie de la rente qu’ils perçoivent à l’occasion d’un marché qui est devenu délirant. L’Union européenne pourrait aussi mettre en place une mutualisation des couts de l’énergie un peu comme elle avait innové en trouvant à l’échelle européenne une mutualisation pour le financement des mesures de soutien aux secteurs touchés par le Covid (le premier emprunt européen avait porté sur 750 milliards). 

Par ailleurs, on peut aussi imaginer que la banque centrale ralentisse un peu sa politique de hausse des taux. Si la situation sur le front de l’inflation se tasse, elle pourra considérer que le « job » a été fait. 

D’autre part, cette politique anti-inflation, qui empêche la contagion générale à tous les prix et tous les secteurs, protège la compétitivité des entreprises françaises. Puisque les entreprises françaises ne se retrouvent pas obligées de répondre mécaniquement aux hausses d’indices, si beaucoup d’entre elles optent pour des primes exceptionnelles, le système français pourra protéger ses conditions de production, protéger ses marges et gagner en compétitivité, un peu comme si on leur avait offert une dévaluation de la monnaie. Pour un pays comme la France, qui est structurellement déficitaire au niveau de sa balance commerciale, c’est plutôt un avantage comparé à ce qui va se passer en Allemagne, par exemple, où l’industrie est complètement piégée par la politique antérieure qui avait fait le choix exclusif de s’approvisionner en Russie. 

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