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Hausse des tarifs bancaires : pourquoi ça n’est que le début
©REUTERS/Alexander Demianchuk

Taux bas, frais hauts

Pour la première fois depuis deux ans, les frais de tenue de compte repartent à la hausse et ramènent ceux-ci à leur niveau de 2013. En raison de stagnation, et de baisse, des marges d'intérêts, les banques se retrouvent contraintes de faire peser de plus hauts tarifs sur les consommateurs.

Eric  Lamarque

Eric Lamarque

Eric Lamarque est Professeur à l'Université Paris 1 Sorbonne - IAE et directeur du Master Finance.

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Atlantico : Comment expliquez-vous cette hausse des frais de tenues de compte ? Pourquoi certaines banques se mettent à facturer pour la première fois ces frais ? 

Eric Lamarque : La période post crise bancaire 2008 a été marquée par le maintien de marges d'intérêt (marge entre les taux préteurs et les taux emprunteurs) suffisantes pour permettre la réalisation de profits qui ont permis notamment de renforcer les fonds propres des banques. Les rentabilités financières (mesurée en comparant le bénéfice / fonds propres) ont cependant fortement chuté par rapport à la période avant 2008 pour se situer entre 6 et 10 % pour les principales banques françaises contre plus de 15% avant 2008. Les distributions de dividendes ont également diminué. Depuis 2014 un phénomène nouveau est apparu avec la baisse des taux d'intérêt et leur maintien à des niveaux très bas voire négatifs. La première conséquence a été l'afflux de demandes de renégociations des conditions de crédit par les clients pour bénéficier de taux faibles. Les banques les ont pour la plupart acceptées ce qui a conduit à ne pas réaliser les marges prévues. Ensuite les rémunérations offertes par un certain nombre de produits financiers présents dans les bilans de ces banques ont également baissé. Aujourd'hui il y a donc une stagnation et parfois une baisse de ces marges d'intérêt et le risque est de les voir quasiment disparaître si jamais les taux venaient à remonter. Face à ce constat, la seule façon de consolider des revenus est de faire croitre les commissions payées par les consommateurs pour la fourniture de services bancaires, dont la tenue de compte fait partie.


Les banques peuvent-elles faire autrement ? Quelles sont les contraintes auxquelles elles sont soumises ?

Pour les raisons que j'ai indiquées et si l'on rajoute à cela la poursuite de la croissance des exigences réglementaires pour la constitution de fonds propres et de réserves de liquidité suffisantes, l'activité de financement de l'économie par le crédit devient un exercice assez délicat. Non seulement les marges se réduisent mais une part plus importante de  celles-ci doit être maintenue dans les fonds propres. On voit se développer des offres de financement alternatives de type crowfunding voir des pratiques de shadow banking aussi pour ces raisons. Pour assurer le maintien de leurs marges elles n'ont donc comme solutions que de faire progresser les commissions facturées sur des services actuels, de créer de nouveaux services payants ou de réduire fortement leurs coûts grâce à la digitalisation de nombreuses offres ou processus bancaires.

Gagnent-elles assez d'argent sur le risque pour assumer la banque de service du quotidien ?

Une banque tire ses revenus de quatre types d'activités : le crédit, les facturations de service, les revenus des opérations sur les marchés financiers, les revenus d'activités complémentaires (assurance, immobilier...). Les marges sur les crédits se réduisent et ce mouvement risque de s'accélérer, les facturations de services sont difficilement acceptées par une majorité de client dans les services de banque au quotidien. Avant la crise, on multipliait les opérations de marché risquées pour accroitre les revenus avec les conséquences que l'on sait. On ne le fait plus aujourd'hui. Et finalement les métiers de l'assurance ou de l'immobilier n'ont pas connu de croissance importante ces dernières années. Donc aujourd'hui on gagne assez d'argent pour payer les salariés, les charges, et couvrir le risque avéré mais il ne reste plus beaucoup de possibilités pour continuer à investir, continuer à renforcer les fonds propres et rémunérer les actionnaires quand il y en a. En tout cas, le risque existe que les actionnaires se détournent des banques traditionnelles en France et en Europe. Les banques coopératives, qui n'ont pas d'actionnaires, gardent une marge de manœuvre mais font face à la même situation.

Où en est le modèle économique des banques dans un monde aux taux faibles ou négatifs ? 

Il faut ici bien distinguer deux types de banques: les banques conventionnelles (sociétés par actions) et les banques coopératives. Les premières sont celles qui font face à une réelle remise en cause du modèle à très court terme en raison de la situation que je viens de décrire. Les possibilités de multiplier les sources de revenus sont limitées dans les pays développés. La facturation des comptes courants permettra juste un maintien de celles-ci. On constate par ailleurs des annonces de fermetures d'agences et une transformation digitale qui aura pour ambition de limiter les coûts. Les banques online vont encore monter en puissance car ce sera la seule opportunité de rentabiliser la banque au quotidien. Une autre solution réside dans l'internationalisation vers certains pays émergents d'Afrique ou d'Asie où la croissance économique est forte et le taux de personnes bancarisées encore faible. Cela passera par des acquisitions d'établissements locaux mais les risques d'instabilité locale restent réels. Pour les banques coopératives qui ne doivent pas distribuer de dividende, il encore possible de garder des dispositifs classiques en maintenant le nombre des agences, en réfléchissant à leur évolution, en mixant d'une manière un peu différente avec les évolutions digitales qu'elles devront aussi entreprendre. Elles ont donc l'occasion de se différencier encore sur ce registre là pendant un moment. Mais est-ce que les clients (souvent membres de ces coopératives) resteront attachés à ce type de structure? Cela reste une interrogation.

Quel impact cela peut il avoir sur les banques en lignes ? Qu'en est-il des acteurs extérieurs comme Renault, Carrefour ou encore Orange ? 

Les banques en ligne vont se renforcer car ce sera le seul moyen de rentabiliser de la banque au quotidien pour la clientèle grand public. Pour une clientèle plus haut de gamme il est encore possible de garder un contact physique significatif car c'est une clientèle qui recherche des conseils et peut payer pour cela des commissions. Cette montée en puissance des banques en ligne est aussi l'occasion pour des grands acteurs non bancaires comme ceux que vous citez de se renforcer. Renault ou Carrefour, qui le font depuis longtemps, n'ont pas besoin de réseaux physiques et peuvent accéder malgré tout à un nombre important de clients. En vendant deux types de produits assez différents ils cherchent aussi à fidéliser ou plutôt capter la clientèle. Mais l'expérience montre que pour le moment ces acteurs sont très actifs sur quelques produits et ne font pas concurrence aux banques classiques sur l'ensemble de la gamme des produits.

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