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Harcèlement scolaire  : la violence subie par les adolescents impacte profondément le développement de leurs cerveaux
©Flickr/IsaacMao

Impact

Une équipe de chercheurs américains et australiens a publié une étude dans Nature, qui étudie les impacts du harcèlement, notamment à l'école, sur le cerveau des adolescents. Un des auteurs de l'étude répond à nos questions.

Erin Burke Quinlan

Erin Burke Quinlan

Le Dr Erin Burke Quinlan est maître de conférence au King's College de Londres. Son domaine d'expertise concerne les neurosciences et l’utilisation de la neuroimagerie pour comprendre la plasticité / le développement du cerveau et leur relation avec le comportement. Elle a exploré l'influence de l'environnement sur le développement des troubles du cerveau et de la santé mentale des adolescents. Elle est également coordinatrice de projet du troisième suivi de l'étude IMAGEN (www.imagen-europe.com). 

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Atlantico.fr : . Pouvez-vous nous expliquer votre étude en quelques mots? Quelles sont ses conclusions et quelles sont ses limites ?

Dr Erin Burke Quinlan : Notre étude explique les effets du harcèlement chronique d'adolescents par des pairs (âgés de 14 à 19 ans) sur le développement de leur cerveau et si ce changement accentue la corrélation entre harcèlement et santé mentale. C'est la première étude qui a permis de démontrer que le harcèlement chronique à l'adolescence impacte la santé mentale, généralise l'anxiété, et modifie la structure du cerveau. A l'aide d'IRM, nous avons découvert une diminution plus importante de certaines parties du cerveau tel que le striatum - partie du cortex responsable des mouvements - chez l'adolescent harcelé que chez l'adolescent qui n'a pas subi de harcèlement. 

Nous n'avons pas pu prendre en compte les épisodes de harcèlement ou de violence chez l'enfant avant l'âge de 14 ans. Egalement, l'utilisation des IRM ne nous permet pas d'étudier les modifications du cerveau à plus petite échelle (cellules, molécules). Enfin, nous n'avons pas pris en compte les changements dans l'activation cérébrale par IRM fonctionnelle qui pourraient nous aider à comprendre les changements neurobiologiques reliant le harcèlement et l'anxiété. TEST

Vous dites que le "cerveau est semblable au plastique", donc modifiable. Cela veut-il dire que le cerveau d'un adolescent harcelé peut retourner à sa forme initiale à un moment de sa vie, ou est-ce qu'une fois endommagé, pas de retour en arrière possible? 

Effectivement, le cerveau est sensible aux expériences de la vie mais l'adolescence est l'une des périodes clés dans le développement et la maturation du cerveau, voilà pourquoi nous nous concentrons la-dessus. 

Il n'est pas approprié d'utiliser le mot "normal" car il n'y a pas de norme biologique, pas de définition de ce qui est "normal" pour le cerveau d'une personne. De plus, il est important de noter que les différences que nous avons observées ne sont pas des "dommages". Le volume de la structure cérébrale que nous avons étudiée (striatum) diminue au cours de l'adolescence dans le cadre du développement et de la maturation typiques du cerveau ; le volume  du cerveau des adolescents qui ont subi du harcèlement par des pairs a également diminué, mais la différence notable est qu'il semble diminuer plus rapidement - par conséquent, il semble être sur une voie de développement différente que ceux qui ne l'ont pas subi de façon chronique. Nous ne pouvons pas savoir à l'aide de l'IRM ce qui se passe aux niveaux cellulaire et moléculaire pour influencer une plus grande diminution du volume du striatum.

Ce que nous espérons, c'est que des interventions précoces pour limiter le harcèlement par des pairs puissent atténuer les changements de développement du cerveau de l'adolescent, peut-être à l'origine du développement de l'anxiété.

L'étude concerne uniquement les pays européens. Pourquoi ne pas avoir pris en compte certains pays comme le Japon par exemple, connu pour son taux de suicide élevé chez les adolescents?

Cette étude a été fait sous le patronage financier d'IMAGEN, un colloque de chercheurs européens qui a pu suivre ces adolescents depuis qu'ils ont 14 ans. Les adolescents venaient d'Angleterre, de France, d'Allemagne et d'Irlande. Le but d'IMAGEN a toujours été d'étudier le développement du cerveau dit "adolescent" et des troubles de la santé mentale. Egalement, le projet IMAGEN est un précurseur dans l'étude de la modification du cerveau lié au stress, et nous sommes ravis de voir que d'autres chercheurs rejoignent nos rangs. 

Ce type de projet doit évidemment être élargi à d'autres pays, d'autres cultures. Par ailleurs, notre équipe est actuellement entrain de faire une étude de cet ordre à travers l'Inde, mais aussi en Chine et aux Etats-Unis. 

Pensez-vous que cette étude puisse influencer les pouvoirs publics à aller dans le bon sens? Comme la prévention par exemple.

Etant donné que cette étude est unique en son genre, je ne sais pas quelle influence elle aura ou peut avoir sur les pouvoirs publics. Cependant, je crois qu'il s'agit d'un bon premier pas et j'espère que nous pourrons continuer à comprendre comment des facteurs de stress comme le harcèlement affectent le cerveau. Cela permettra sûrement aux pouvoirs publics de changer, sur le long terme, de prendre des décisions plus réfléchies et importantes concernant le harcèlement. 

Cette étude montre que plus tôt nous arrêtons le harcèlement, moins le cerveau des adolescents est changé.

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