Guerre en Ukraine : les sanctions occidentales commencent à impacter sérieusement la production de pétrole russe <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le président russe Vladimir Poutine visitait l'usine de Yamal LNG dans le port de Sabetta sur la péninsule de Yamal au-delà du cercle arctique, sur cette photo d'archive.
Le président russe Vladimir Poutine visitait l'usine de Yamal LNG dans le port de Sabetta sur la péninsule de Yamal au-delà du cercle arctique, sur cette photo d'archive.
©Alexey DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Effet domino

La Russie tente de dissimuler l’impact des sanctions économiques depuis l’invasion de l'Ukraine. Selon des informations de Bloomberg, la production de pétrole russe est en baisse de 10 % par rapport à son niveau avant le début du conflit.

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

Voir la bio »

Atlantico : Selon des informations de Bloomberg, la baisse de la production de pétrole brut a été constatée par des imageries satellitaires en Sibérie. Quelle est la réalité de la situation en Russie sur la production de pétrole ? Quelle est l’ampleur de ce recul ?

Jean-Pierre Favennec : La baisse de la production en Russie est liée à la difficulté croissante de la Russie à écouler et exporter son brut sur les marchés. Il y a un embargo américain sur les exportations russes. En d’autres termes les Etats Unis ont cessé toute importation de brut et de produits pétroliers ce qui a un impact très limité car les importations d’hydrocarbures des Etats Unis depuis la Russie étaient très faibles. En revanche la menace d’embargo européen aurait des conséquences beaucoup plus graves. La Russie exporte environ 8 millions de barils par jour de pétrole et de produits pétroliers (pour une consommation mondiale totale de pétrole et de produits pétroliers de 100 millions de barils par jour). Un arrêt – pour le moment inenvisageable – des exportations russes aurait un effet dévastateur sur les marchés et sur le prix du pétrole car il est absolument impossible de trouver 8 millions de barils par jour rapidement chez les autres pays producteurs. 

Pour l’instant le recul des exportations russes semble limité, de 1 à 2 millions de barils par jour. L’impact de ce recul est cependant déjà sensible car le prix du pétrole qui était revenu à 100 dollars par baril, son niveau d’avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie est à nouveau orienté à la hausse.

Comment expliquer cette baisse de la production dans les champs pétrolifères de la Sibérie notamment ? Les sanctions économiques et leur impact sur l’industrie et les entreprises sont-elles les principales causes de ce recul de la production que la Russie tente de dissimuler ?

À Lire Aussi

Les géants pétroliers portent un coup extrêmement sévère à la Russie de Poutine

La baisse de la production est due à la baisse des exportations liée aux menaces d’embargo de l’Europe. L’Europe importe chaque jour plusieurs millions de barils de pétrole et produits pétroliers. Du fait de l’embargo américain les opérateurs sont plus réticents à importer du pétrole russe. D’autre part les sanctions affaiblissent le système productif et peuvent aussi conduire à une baisse de la consommation intérieure, entrainant à nouveau une baisse de la production.

Ce phénomène pourrait-il s’amplifier à l’avenir avec la fin de certains contrats d’approvisionnement et suite aux départs de raffineurs et de négociants occidentaux ?

Vraisemblablement ce phénomène va s’accentuer sans qu’il soit possible de dire quelle sera la baisse de la production russe.

La Russie peut-elle tenter de surmonter cette crise en trouvant d’autres ressources ? Des pays alliés peuvent-ils aider la Russie ou lui permettre de compenser sa production de pétrole ?

La Russie pourrait chercher en particulier à vendre davantage de pétrole en Chine et en Inde qui sont les principaux importateurs de pétrole dans le monde actuellement. La Chine et l’Inde pourraient d’autant plus être intéressées par des importations supplémentaires car elles se feraient à des prix très attractifs, la Russie devant diminuer de 20 à 30 dollars par baril le prix de ses produits pour trouver preneur. Cependant la Chine et l’Inde sont soumises à de fortes pressions des Etats Unis et de l’Europe pour ne pas atténuer l’effet des sanctions contre la Russie.

L’Europe et les consommateurs vont-ils être pénalisés à terme par cette crise et ce recul de production ? Faut-il s’attendre à une flambée des prix cet hiver ?   

À Lire Aussi

Les pays européens cherchent toutes les solutions pour s’affranchir des hydrocarbures russes, y compris le rationnement

L’Europe a décidé un embargo sur les importations russes de charbon, sachant qu’il est sans doute possible de trouver d’autres sources de charbon. Un embargo sur les importations de gaz aurait des conséquences très sérieuses car 40 % du gaz consommé en Europe vient de Russie. L’Union Européenne s’est fixé des objectifs de réduction des importations russes à court et moyen terme sans envisager un arrêt total de ces importations russes.

En ce qui concerne le pétrole la situation est complexe : un recul important de la production et des exportations russes aurait des conséquences importantes sur le marché international et se traduirait par des hausses de prix sans doute importantes car les pays de l’OPEP, qui pourraient suppléer une partie du manque de production de la Russie, régulent le marché mondial le font en étroite collaboration avec la Russie. La Russie maintient des liens étroits avec l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis qui sont les plus à même d’accroître leur production mais qui ne le feront vraisemblablement pas pour sauvegarder leurs relations avec la Russie 

Notons enfin qu’une diminution des exportations russes de pétrole n’aurait pas forcément des conséquences graves pour les ressources financières russes car la Russie exporterait moins de pétrole … mais à un prix plus élevé ! Seul un arrêt total, ou quasi-total des exportations aurait un impact important pour la Russie.

À Lire Aussi

La Russie pourrait bien ne jamais retrouver son statut de superpuissance de l’énergie

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !