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Guerre du pétrole : la gestion de la rente par Hugo Chavez et les difficultés d'investissement de la PDVSA
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Or noir

Le Venezuela est devenu le premier détenteur de réserves prouvées de pétrole devant l'Arabie Saoudite. Durant ses 14 années de pouvoir, Hugo Chavez a renforcé le contrôle de l'État sur le secteur pétrolier, tout en bénéficiant d'une hausse sans précédent des cours mondiaux du brut. Pour autant, pas si sûr que le Venezuela puisse concurrencer l'Arabie Saoudite... (Épisode 2/3)

Philippe Sébille-Lopez

Philippe Sébille-Lopez

Philippe Sébille-Lopez est docteur en géopolitique et directeur fondateur du cabinet Géopolia créé en 1995. Il est spécialiste des enjeux énergétiques et notamment des pays producteurs d'hydrocarbures. Il réalise des analyses géopolitiques et missions de consulting en intelligence économique sur ces questions pour des entreprises, institutions et personnes privées. Il est l'auteur de Géopolitiques du pétrole paru aux Éditions Armand Colin.

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Sur le plan quantitatif, le pétrole vénézuélien est donc à l'évidence un atout majeur de très long terme pour le pays. Mais c'est la gestion sur la durée de cette manne pétrolière, et notamment les capacités d'investissement de la compagnie pétrolière nationale vénézuélienne PDVSA dans son propre pays ces dernières années, qui pose question. Depuis son accession au pouvoir en 1998, Hugo Chavez a très largement ponctionnés les bénéfices de PDVSA pour financer sa politique. Au début il s'agissait de financer les programmes sociaux en direction des plus pauvres, un objectif louable dans un pays qui en avait bien besoin. Grâce à ces programmes, les résultats obtenus en matière de réduction de la pauvreté sont incontestables, même si l'inflation, qui s'établit annuellement a plus de 25% ces dernières années, frappe en priorité les plus démunis. Mais s'il veut garder son électorat, Hugo Chavez doit maintenir ces grands programmes sociaux que sont les misiones sociales, principal fleuron de la révolution bolivarienne. Ces dernières années, l'ensemble des dépenses sociales absorbent environ 35% du budget national, alors que dans le même temps, les recettes fiscales restent très dépendantes des revenus du pétrole pour environ 50%.

Beaucoup plus discutable est le virage idéologique amorcé autour du milieu des années 2000, avec une politique économique qui a consisté à nationaliser des secteurs de l'économie vénézuélienne ou certaines entreprises étrangères bien spécifiques au nom du socialisme bolivarien, sans que cela ne règle les problèmes du pays.

Pour financer cette politique, Hugo Chavez a notamment imposé aux compagnies pétrolières étrangères présentes dans le pays, plusieurs réformes pétrolières, d'abord fin 2001 puis en 2004/2005, se traduisant par des hausses de la fiscalité pétrolière ainsi que des modifications des conditions contractuelles au profit de l'Etat vénézuélien et de PDVSA, y compris dans les contrats pétroliers sur les huiles extra-lourdes de l'Orénoque. En 2007, les compagnies américaines, Exxon et ConocoPhillips ont refusé ces nouvelles conditions et ont quitté le pays. Le litige est encore partiellement pendant devant le Centre d'arbitrage de la Banque mondiale (ICSID) entre PDVSA et Exxon.

D'autres, comme Chevron, BP, Total, ou la norvégienne Statoil les ont accepté et sont restées. Elles ont été rejointes par le gotha des compagnies nationales des pays émergents et d'autres compagnies privées comme Repsol ou Eni, qui toutes se sont accommodées de ces nouvelles conditions contractuelles en se positionnant à leur tour sur les huiles extra-lourdes de l'Orénoque en 2010, lors du seul round d'enchères pétrolières réalisé par le président Chavez depuis son accession au pouvoir en 1998. Certaines de ces compagnies ont aussi bénéficié d'accord de gré à gré négociés en direct avec les autorités vénézuéliennes.

Bien que la production et les exportations pétrolières du Venezuela aient baissé ces dernières années, les revenus des exportations pétrolières vénézuéliennes se sont établis, au gré des cours mondiaux et des volumes exportés, à 89 milliards de dollars en 2008,  54 milliards en 2009 et 62 milliards en 2010, d'après le dernier Bulletin statistique de l'OPEP de 2011.

En 2012, année électorale oblige, le budget va augmenter de 43% pour atteindre 69 milliards de dollars. Dans ce budget prévisionnel 2012, la part des recettes pétrolières, pourtant voulue et annoncée en baisse, sera encore malgré tout de 45%. Ce budget a été établi sur la base d'un prix moyen du baril de 50 dollars et une production pétrolière de 3,1 Mb/j. Si le cours prévisionnel du baril semble très conservateur, y compris en intégrant la décote liée à la mauvaise qualité du brut lourd vénézuélien, le volume de production semble lui au contraire plutôt optimiste.

Le pétrole vénézuélien, les États-Unis et la Chine

Le fait que le pétrole vénézuélien soit pour l'essentiel du brut lourd donne toute son importance à la question du raffinage. Cette question explique en partie pourquoi depuis 2002, date de la rupture entre Hugo Chavez et George W. Bush, et les menaces à répétition de réduction des exportations de brut vénézuélien vers les Etats-Unis, ces dernières n'ont que faiblement et très progressivement baissé. Dans la seconde moitié des années 1980, PDVSA avait racheté la compagnie américaine Citgo, prenant le contrôle au passage de son parc de 6 raffineries aux Etats-Unis idéalement adaptées au traitement du brut lourd très soufré du Venezuela, soit une capacité totale de raffinage de 1,1 million de baril par jour (Mb/j). Citgo, filiale à 100% de PDVSA, est aussi devenue depuis une machine à cash pour PDVSA et accessoirement un moyen d'obtenir des accords financiers plus favorables que ceux de PDVSA.

Le Venezuela est encore en 2011 le quatrième fournisseur pétrolier des USA avec un total de près d'1Mb/j d'exportations pétrolières annuelles. La relation pétrolière historique entre les deux pays ne peut donc se terminer brutalement et les interdépendances perdurent dans l'intérêt des deux parties d'où une certaine inertie au-delà des déclarations politiques tapageuses et des provocations
.

Même lenteur dans la réalisation des promesses faites par Hugo Chavez à la Chine, s'agissant de la hausse des exportations pétrolières vénézuéliennes vers ce pays, une promesse qui tarde à se concrétiser. Si certains ont pensé (sous réserve de la question du raffinage) que la baisse des exportations pétrolières vers les États-Unis pourraient permettre d'augmenter plus ou moins mécaniquement les exportions pétrolières du Venezuela vers la Chine, on constate que le rythme de cette augmentation n'est pas non plus celui attendu. Car malgré la forte hausse des capacités de raffinage en Chine, passées de 6,3 Mb/j en 2003 à 10,8 Mb/j fin 2011, les compagnies pétrolières chinoises ne dirigent pas toujours la totalité du brut vénézuélien qui leur est livré vers les raffineries en Chine où le prix de vente des carburants raffinés est fixé et contrôlé par l'Etat central. D'après les chiffres officiels, les joint-ventures sino-vénézuéliennes ne produisaient au Venezuela que 110.000 b/j courant 2011. Mais des deux côtés on espère pouvoir porter ce chiffre à 1 Mb/j pour 2014, un chiffre qui semble néanmoins bien optimiste à cet horizon.

En attendant, fin novembre 2011, la Banque chinoise de développement débloquait un nouveau prêt de 4,5 milliards de dollars au profit de PDVSA, portant l'encours des prêts chinois au Venezuela à 32 milliards de dollars fin 2011. D'après l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les compagnies pétrolières chinoises détiendraient environ 15% des actifs pétroliers étrangers au Venezuela. Pour sa part, Rafael Ramirez, qui cumule les fonctions de président de PDVSA et de ministre de l'énergie depuis 2004, annonce des objectifs de production pour le pays de 4 Mb/j en 2015 et 6 Mb/j en 2019. Il n'est pas sûr que le renforcement de la présence des compagnies pétrolières nationales étrangères suffisent seul à assurer de tels résultats.

Et tous les autres…

Décote sur le brut exporté, ponction du gouvernement sur les bénéfices de PDVSA, lourdeur des investissements requis dans les huiles extra-lourdes, au final PDVSA n'a pas les moyens d'honorer toute sa part de financement dans les investissements requis. De plus en plus, ce sont donc les compagnies pétrolières nationales, plus ou moins partiellement privatisées pour certaines, qui sont partenaires de PDVSA sur les permis de l'Orénoque.

Preuve du dynamisme du secteur, malgré les nouvelles conditions contractuelles, on retrouve à présent dans les permis de l'Orénoque, la plupart des grandes compagnies nationales des pays émergents: les compagnies chinoises bien sûr, CNPC, Sinopec et CNOOC, la russe Loukoïl, les indiennes ONGC et d'autres, la malaisienne Petronas, mais aussi les japonaises Mitsubishi et Inpex, PetroVietnam, etc. Certaines de ces compagnies nationales avancent directement des fonds pour la partie vénézuélienne, ou bien ce sont leurs Etats de tutelle qui accordent des prêts au gouvernement vénézuélien, via leur Banque de développement, sur fond d'accords stratégiques ou commerciaux éventuels et de coopérations diverses, le tout gagés et/ou remboursés sur la production future de pétrole du pays.

A la différence des compagnies privées, comme les majors, qui doivent donner des gages de bonne gestion et verser des dividendes conséquents aux actionnaires pour maintenir leur assise financière, les compagnies pétrolières nationales des pays émergents, même partiellement privatisées, visent prioritairement la sécurisation de leurs approvisionnements pétroliers futurs

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