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Guerre du pétrole : malgré ses réserves pétrolières, le Venezuela n'est pas assez économiquement compétitif pour concurrencer l'Arabie Saoudite
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Or noir

Le Venezuela est devenu le premier détenteur de réserves prouvées de pétrole devant l'Arabie Saoudite. Durant ses 14 années de pouvoir, Hugo Chavez a renforcé le contrôle de l'État sur le secteur pétrolier, tout en bénéficiant d'une hausse sans précédent des cours mondiaux du brut. Pour autant, pas si sûr que le Venezuela puisse concurrencer l'Arabie Saoudite... (Épisode 3/3)

Philippe Sébille-Lopez

Philippe Sébille-Lopez

Philippe Sébille-Lopez est docteur en géopolitique et directeur fondateur du cabinet Géopolia créé en 1995. Il est spécialiste des enjeux énergétiques et notamment des pays producteurs d'hydrocarbures. Il réalise des analyses géopolitiques et missions de consulting en intelligence économique sur ces questions pour des entreprises, institutions et personnes privées. Il est l'auteur de Géopolitiques du pétrole paru aux Éditions Armand Colin.

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De son côté, Hugo Chavez, du fait notamment du déclin des zones de production de pétrole lourd conventionnel du bassin autour de Maracaïbo, le berceau pétrolier historique situé dans l'ouest du pays, doit fortement augmenter la production d'huile extra-lourde, dans le centre et l'est, pour pérenniser ses revenus pétroliers, indépendamment des fluctuations des cours mondiaux du brut. Les compagnies nationales asiatiques et le Venezuela ont donc toute latitude pour trouver un terrain d'entente. Mais comme certains pays producteurs africains, le Venezuela, pour redévelopper sa production pétrolière, doit gager partiellement sa production future. Mais qu'importe, car à la différence des Etats africains, les réserves vénézuéliennes sont potentiellement les plus importantes au monde et les ressources futures sont donc d'une certaine façon assurée, pourvu que les investissements dans la production suivent, ce qui est aujourd'hui la priorité.

Ces investissements étrangers indispensables sont donc les bienvenus d'autant qu'il en faudra toujours plus, non seulement pour le pétrole, mais aussi pour exploiter les importantes réserves de gaz naturel du pays, et alors que, malgré son énorme potentiel en hydrocarbures, le pays connait souvent des coupures de courant du fait notamment d'une production électrique insuffisante.

Quant aux prix des carburants et grâce aux subventions payées par PDVSA, ce qui obère d'autant ses bénéfices, le Venezuela affiche le prix du super à la pompe le plus bas au monde, autour de 3 centimes d'euro le litre. Mais avec une hausse de la consommation pétrolière autour de 5% par an en moyenne (559.000 b/j en 2000; 832.000 b/j en 2011), le coût des carburants subventionnés devient un cadeau de plus en plus onéreux pour PDVSA et constitue aussi un sérieux manque à gagner pour le budget gouvernemental qui dépend à 50% des recettes pétrolières. Mais cette dépense est politiquement assumée depuis des décennies et personne ne veut prendre le risque de la remettre en cause.

Cette hausse de la consommation pétrolière, conjuguée à une stagnation, voire des baisses de la production pétrolière nationale sur la même période (2,7 Mb/j en 2011 contre 3,2 Mb/j en 2000), contracte d'autant les capacités d'exportation disponibles. Au sein de l'OPEP, le Venezuela d'Hugo Chavez est donc plus dépendant que certains autres pays membres de l'évolution des cours mondiaux du brut, d'où sa politique constante, au sein de l'organisation, en faveur d'un soutien radical aux cours du brut par une réduction de la production de l'OPEP. Il est donc d'autant plus urgent pour le Venezuela de développer le potentiel de ses huiles extra-lourdes de l'Orénoque pour être moins dépendant des fluctuations des cours mondiaux du brut.

Les réserves du Venezuela et l'OPEP

Par rapport à l'OPEP, le Venezuela, l'un des cinq pays membres fondateurs de l'organisation créée à Bagdad en 1960, cherche surtout à maintenir son influence politique déclinante au sein de l'organisation depuis l'arrivée d'Hugo Chavez, qui a clairement inscrit son pays dans le camp des faucons, à l'opposé des positions soutenues par la plupart des pays du Golfe et singulièrement de l'Arabie saoudite ces dix dernières années. Lorsqu'Hugo Chavez milite, au côté de l'Iran, pour une réduction des quotas de production de l'organisation, pour soutenir les cours mondiaux du brut, il sait aussi que son pays n'est pas en mesure, contrairement à certains autres membres de l'OPEP, d'augmenter ses capacités de production.

En 1998, lors de l'arrivée au pouvoir d'Hugo Chavez, le Venezuela produisait presque 3,5 Mb/j avec un cours du Brent redescendu temporairement sous les 20$/b. En 2011, la production stagnait à 2,7 Mb/j mais avec un cours moyen du Brent sur l'année au dessus des 100 $/b. Hugo Chavez défend donc résolument et de façon pragmatique les intérêts de son pays, par delà tout positionnement dogmatique ou idéologique. Il y parvient assez bien, surtout aidé en cela par la conjoncture pétrolière mondiale depuis 2003 et son impact sur la hausse tendancielle des cours mondiaux du pétrole, malgré la crise économique depuis 2008.

La situation néanmoins délicate de la production pétrolière au Venezuela explique que la hausse croissante des réserves pétrolières prouvées du Venezuela, par BP surtout ces deux dernières années, ou par d'autres, n'est pas de nature dans l'immédiat à modifier en quoi que ce soit le pouvoir du Venezuela au sein de l'organisation. Les capacités de production et plus encore les capacités additionnelles de production donne le véritable pouvoir au sein de l'organisation en ce qu'elles permettent éventuellement et jusqu'à une certaine limite de compenser une baisse des cours du brut par une hausse de la production. Ce sont ces capacités additionnelles de production, a fortiori lorsque la demande mondiale s'accélère, qui renforcent le pouvoir et le statut d'un pays exportateur de pétrole. Or, indépendamment de toute considération politique, peu de pays parmi les 12 pays membres de l'OPEP disposent actuellement de façon significative d'un tel pouvoir, sauf l'Arabie saoudite qui détient ainsi le véritable pouvoir au sein de l'organisation.

Les chiffres des réserves prouvées de pétrole brut conventionnel des Etats sont avant tout un chiffre politique qui conditionne notamment les quotas de production au sein de l'OPEP. Les huiles extra-lourdes, n'étant pas intégrées dans ce calcul, elles ne sont donc pas directement concernées pour le moment. Mais à plus long terme, à mesure que l'offre mondiale de pétrole conventionnel se raréfiera, entraînant logiquement le prix du baril à la hausse, et que la part de production de l'OPEP dans la production mondiale augmentera, il est plus que probable que les réserves d'huiles extra-lourdes du Venezuela permettront au pays d'accroitre son influence au sein de l'organisation et au-delà.

Même si Hugo Chavez peut à nouveau, si sa santé le permet, remporter les élections présidentielles du 7 octobre prochain, il est probable qu'au terme de cet éventuel nouveau mandat, le potentiel considérable des huiles extra-lourdes de l'Orénoque ne sera exploité qu'à la marge. En attendant, son principal rival pour la présidentielle d'octobre, Henrique Capriles Radonski, a d'ores déjà indiqué qu'il reverrait, en cas de victoire, tous les contrats pétroliers passés durant les 14 années de pouvoir d'Hugo Chavez, à commencer par les accords pétro-politiques préférentiels, comme le pacte énergétique Venezuela-Cuba de 2000 ou l'initiative PetroCaribe de 2005 au profit de plusieurs Etats d'Amérique centrale et des Caraïbes, emblèmes de la révolution bolivarienne à l'international. Si au Venezuela comme ailleurs les politiques passent, les réserves d'huile extra-lourde de l'Orénoque pourraient contribuer à satisfaire durablement une part croissante des besoins futurs du Venezuela. Mais il faudra éviter le syndrome de la "maladie hollandaise" en développant parallèlement le reste de l'économie du pays.

Dans l'immédiat, malgré les réserves pétrolières considérables du pays, et du fait de leur nature mais aussi des interventions d'Hugo Chavez dans la gestion du secteur pétrolier vénézuélien depuis plus de dix ans, les performances du secteur restent encore modestes au regard de ce formidable potentiel

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