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Guerre du pétrole : les efforts de l’Opep pour tirer les prix du pétrole vers le haut anéantis par les capacités de production américaines
©Reuters

Piégés

Malgrès les effrorts entrepris par OLEP pour soutenir les prix du pétrol en coupant sa production, la production pétrolière américaine est aujourd’hui à son plus haut depuis le mois d’août 2015, ce qui a pu entraîner une nouvelle glissade des prix au cours de ces derniers jours.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Peut-on estimer que les efforts entrepris par l'OPEP pour soutenir les prix du pétrole, en coupant sa production, sont voués à l'échec ? 

Stephan Silvestre : Oui, la production américaine, actuellement à 9,3 millions de barils par jours, est en train de se rapprocher de nouveau de ses plus hauts historiques. En conséquence, les stocks américains grimpent eux aussi à des niveaux record, bien au-dessus de leurs niveaux moyens (voir le graphique de l’EIA ci-dessous). Or, le niveau des stocks est le principal indice qui impacte de prix de référence américain, le WTI. C’est la raison pour laquelle le WTI est en chute depuis deux semaines, entraînant avec lui le Brent. 

Cette situation était prévisible : le nombre de puits en activité sur le territoire américain est reparti à la hausse depuis l’été dernier. Cette hausse est elle-même consécutive à la remontée des cours amorcée en janvier 2016. Comme on peut le voir sur le second graphique, l’activité de forage américaine est fortement liée au cours du pétrole, avec un retard de 4 à 5 mois. 

Dans ces conditions, il devient effectivement impossible pour l’OPEP d’agir durablement sur les prix. Dès qu’elle parvient à une hausse, celle-ci entraîne un redémarrage de l’activité américaine qui, à son tour retourne les prix à la baisse. Il faut préciser qu’il s’agit là d’un mécanisme naturel du marché, qui n’est aucunement contrôlé par l’État fédéral américain, sous Obama aussi bien que sous Trump. 

Quels sont les pays les plus touchés par la hausse de la production américaine ? Quels sont les pays ayant les coûts de production les plus élevés, se trouvant dans une situation inextricable ? 

Il résulte de ce mécanisme que lorsque l’OPEP s’efforce de limiter sa production, ce sont d’autres pays producteurs qui en profitent. Pour ce qui est des parts de marché, les principales victimes sont donc les pays alliés du Golfe persique, le fameux Conseil de coopération du Golfe. Sur le plan des coûts de revient, les plus élevés se trouvent sans surprise dans les pays du nord, en Grande-Bretagne, au Canada ou en Norvège, ainsi qu’au Brésil en raison de l’exploitation offshore. Ce sont ces pays qui pâtissent le plus des faibles cours. Mais les pays qui souffrent le plus sont surtout ceux dont la rente pétrolière pèse le plus dans le budget de l’État : le Yémen, l’Algérie, l’Iran, le Nigeria, le Venezuela, l’Angola, l’Irak ou l’Arabie Saoudite. Parmi eux, ceux qui ont le couteau sous la gorge (voire déjà dedans…) sont ceux qui ne disposent pas de réserves financières et qui sont déjà très endettés, à savoir le Venezuela, l’Angola, le Nigeria, l’Algérie et l’Irak. Pour eux, l’absence de perspective de cours élevés laisse présager de sombres années. 

Sur le plus long terme, une envolée des prix est-elle envisageable ? Quelles en seraient les conditions ? 

À moyen terme, la croissance de l’activité de forage aux États-Unis devrait, donc de la production, devrait ralentir en fin d’année, surtout si les prix restent bas. En l’état actuel du marché, une envolée des prix est peu probable. Les producteurs américains sont très réactifs à toute hausse des prix et disposent de moyens techniques, logistiques et financiers très rodés. L’Agence Internationale de l’Énergie prévoit un pic de la production américaine en 2020, suivi d’une décroissance. Mais ce genre de prévision s’est souvent avéré erroné. L’industrie pétrolière américaine s’est montrée redoutablement inventive pour baisser ses coûts et améliorer la rentabilité de ses installations et nul doute que les Américains poursuivront dans cette voie. Par ailleurs, la concurrence internationale est de plus en plus aiguë et de nombreux pays sont présents sur le marché, prêts à sauter sur toute part de marché qui se libère. Enfin, d’ici peu, la demande finira par se tasser dans les pays émergeants, comme c’est déjà le cas dans les pays développés. La Chine va développer son parc de véhicules électriques, ce qui l’amènera à réduire ses importations. Ce moment sonnera le glas de l’ère du pétrole cher. 

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