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Grève dure en vue : quels moyens de pression pourraient bien avoir dans une démocratie d’opinion ceux qui soutiennent les réformes envers et contre la rue ?
©JEFF PACHOUD / AFP

Bras de fer

De nombreuses grèves vont débuter ce mardi en France. Mais après plusieurs semaines de sévices, les citoyens pourraient être nombreux à vouloir exprimer leur soutien aux réformes dans la rue.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Atlantico : Alors que de nouvelles perturbations sont attendues ce mardi 3 avril en raison du début de la grève des cheminots, comment évaluer les moyens de pression dont disposeraient les Français qui soutiennent des réformes ? Plus globalement, si le résultat des élections peut être contesté par la rue, quels sont les moyens de riposte de cette "majorité silencieuse" ?

Aurélien Véron : Les grandes centrales syndicales de la fonction publique ont souvent fait reculer les gouvernements, quand ils ne les ont pas fait tomber. En 1995, l’abandon des réformes Juppé par Jacques Chirac a non seulement fait perdre 20 ans à la France, mais a aussi semé le doute dans l’esprit des Français sur la capacité du monde politique à affronter les enjeux de la mondialisation. La défiance et le repli sur soi ont pris le dessus. Le populisme a progressé, rejetant les causes des faiblesses de notre modèle social sur les autres pays et l’Europe. Dans ce contexte trouble, affronter une fois de plus la majorité parlementaire et présidentielle dans la rue menace notre édifice démocratique fragilisé par l’effondrement des partis traditionnels de pouvoir.

Certes, Emmanuel Macron dispose d’une pleine et entière légitimité pour imposer cette réforme vitale pour l'avenir de la SNCF. Ce négociateur redoutable ne semble pas sensible aux sondages quotidiens. Mais cela ne suffira peut-être pas. S’il met son mandat sur la table avec cette réforme des statuts, les syndicats jouent, eux, leur avenir. Ainsi que le décrochage définitif de la tentation socialiste qui a figé le temps dans notre pays depuis 40 ans au détriment de la prospérité et de l’emploi. La grève pourrait durer.

Après plusieurs semaines de sévices, les citoyens pourraient être nombreux à vouloir exprimer leur soutien aux réformes dans la rue, à l’instar des syndicats. C’est ce qui est arrivé il y a 15 ans lorsqu’une petite réforme des retraites leur a fait subir la même paralysie qu’aujourd’hui. Les Français ne voulaient pas revivre 1995. Avec Liberté Chérie et notre porte-parole, Sabine Herold, nous sommes parvenus à mobiliser le pays en faveur des réformes.

Le 15 mai 2003, des dizaines de milliers de Français sont descendus spontanément dans la rue à notre appel pour manifester leur ras-le-bol de l’obscurantisme des syndicats de fonctionnaires. Ils n’avaient ni tracts, ni banderoles, seulement leur bonne volonté et leur foi dans le changement. L’opinion les a soutenus. La réforme est passée.

En quoi les réformes portées lors de la campagne électorale ont-elles déjà pu être "revues à la baisse" par la pression de la rue ? Au-delà de ce qui peut relever de la négociation, quels sont les atouts dont pourrait disposer le gouvernement pour ne pas céder à la rue ? ​

Les réformes portées par Macron pendant la campagne étaient très vagues. Il est par conséquent difficile de jauger leur ampleur à l’aune des promesses. Le seul changement perceptible, en l’occurrence, concerne le processus de réforme – ordonnance ou examen à l’Assemblée - et son délai. Mais en recourant au Parlement acquis à la cause présidentielle, les syndicats risquent de se retrouver en conflit frontal avec nos institutions inscrites dans le Constitution. Pas certain que Macron soit si conciliant que ses prédécesseurs avec cette opposition anti-démocratique propre à l’extrême-gauche.

Personne ne sait en faveur de quel camp jouera le temps. Mais le président de la République sait qu’il dispose d’atouts décisifs pour abréger ce rapport de force. En particulier la carte du financement des syndicats, assuré à 97% par le contribuable à ce jour à défaut d’avoir suffisamment de membres. La réforme de la formation continue menace déjà de tarir significativement les ressources des syndicats. Macron peut pousser le curseur plus loin et mettre les centrales sur la paille, ce qui réduirait considérablement leur pouvoir de nuisance.

​​Quels sont les risques pour le gouvernement actuel d'être "piégé" par la rue alors même qu'il a pu créer son image sur les "cendres d'un vieux monde" ?

Les blocages ne sont possibles qu’en situation de monopole. Le nouveau monde doit se construire sur la concurrence étendue à tous les secteurs. De même qu’Air France ne peut plus bloquer le transport aérien, les trains en grève de la SNCF de demain seront remplacés par les rames des concurrents. Sachant que l’ouverture annoncée depuis 15 ans du transport ferroviaire à la concurrence n’a rien de révolutionnaire. Nous fêtons les 30 ans de la libéralisation du rail en Suède. La France ne fait que rattraper son retard sur ses voisins afin d’améliorer la qualité du service rendu par le train et son coût. Le train français coûte 30% plus cher que ses concurrents pour une fiabilité moindre.

Le gouvernement doit être patient et faire comprendre à ce syndicalisme d’un autre siècle que la rue n’a plus de prise sur une majorité élue il y a moins d’un an sur un programme de réformes. Les Français ont bien compris eux aussi l’enjeu de ce bras de fer. Et si la prise d’otage du pays par la CGT et Sud-Rail se poursuit tout de même, peut-être aurons-nous droit à un nouveau 15 mai ensoleillé.

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