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Green Deal et énergies renouvelables : ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
©JOHN THYS / POOL / AFP

Monde d'après

La crise économique et l'impact du Covid-19 ont-ils enterré le projet de Green Deal de la Commission européenne ? L'un des objectifs concernait notamment la neutralité carbone en 2050. L'engagement en faveur d'une croissante verte est pourtant plus que jamais nécessaire.

Nicolas Mazzucchi

Nicolas Mazzucchi

Nicolas Mazzucchi est conseiller scientique de Futuribles international et géoéconomiste spécialiste des questions énergétiques. Il est aussi docteur en géographie économique, professeur de relations internationales au sein de l’Enseignement militaire supérieur spécialisé et technique, intervenant à Sciences Po et à Polytechnique. Il est l'auteur de Energie, ressources, technologies et enjeux de pouvoir, chez Armand Colin (2017) et avec O. Kempf et F-B. Huyghe, Gagner les cyberconflits, Economica, 2015.

 

 

 

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La crise économique a-t-elle tué le Green Deal ? Colonne vertébrale de la Commission européenne dirigée par Ursula Von der Leyen, le Green Deal postulait une élévation importante d’objectifs européens en matière de climat et d’environnement dont le principal était la neutralité carbone totale en 2050, conformément aux dispositions de l’Accord de Paris de 2015, au travers notamment mais non exclusivement d’un développement accéléré de la production d’énergie issue des renouvelables. Signe de cette inquiétude, le Vice-Président de la Commission Frans Timmermans, chargé du Green Deal, déclarait en amont du sommet européen du 23 avril sur le plan de relance : "Ne tombons pas dans le piège de penser que le Pacte vert est un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir pendant cette crise".

Disons-le sans ambages : avant même l’éclatement de la crise économique, beaucoup, jusque dans les rangs de la Commission, estimaient que le Green Deal pêchait par un excès d’ambition. La question de son financement restait sur la table, alors même que les États-membres de l’Union européenne (UE) n’avaient pu que constater leur désaccord sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. À l’évidence, alors que les mêmes États se déchirent sur la nature et l’ampleur d’un plan de relance européen, il est évident qu’une part des ressources initialement prévues pour financer le Green Deal devra être allouée à d’autres objectifs. 
Dans un contexte aussi difficile, il faut prendre garde à ce que le redimensionnement du Green Deal ne revienne à « jeter le bébé avec l’eau du bain », notamment pour ce qui concerne les renouvelables, pour les raisons suivantes.

Tout d’abord, les réalités qui ont justifié le développement des renouvelables n’ont pas disparu avec la crise. Les effets négatifs du réchauffement climatique sur les sociétés, les économies, les systèmes politiques, qui sont à la racine du changement de paradigme en matière d’environnement de la part des décideurs européens, restent valident. 

Ensuite, il faut mesurer le message politique délétère que renverrait l’UE si elle renonçait à son ambition dans le domaine environnemental. Alors que la zone euro n’en finit pas de démontrer sa fragilité, que le taux de croissance potentielle de l’Europe est plus bas que celui de ses rivaux américains et chinois, augurant mal de la sortie de crise, l’environnement est l’un des très (trop) rares domaines dans lequel l’UE assume une véritable exemplarité. Y renoncer aurait à l’évidence un coût politique très fort et enverrait un message désastreux.

Mais le plus important n’est pas là. La crise majeure qui se déroule sous nos yeux remet certes au premier plan des considérations autres que la seule protection de l’environnement, telles que l’indépendance stratégique, l’emploi, l’aménagement du territoire. Or, le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, qui comme toute chose exige un investissement réel et des choix assumés, est largement à l’intersection de tous ces points.

L’indépendance énergétique d’abord. Bien sûr, il ne faut pas être naïf. Il ne s’agit nullement de faire une croix sur les énergies fossiles dès demain. Elles garderont un rôle important pour des années. Sans parler de l’énergie nucléaire, dont même le GIEC, pourtant peu suspect de sympathie à son égard, a reconnu qu’elle était une partie de la solution du problème de réchauffement climatique. L’on pourrait aussi évoquer le gaz, dont les potentialités restent largement à explorer. Quoi qu’il en soit, il est clair que les énergies renouvelables sont une pièce maîtresse pour contrecarrer la dépendance énergétique de l’UE qui n’a cessé de s’accroître au cours des dernières décennies.

L’emploi également. Alors que l’on assiste – hélas – à une remontée spectaculaire du chômage partout en Europe, l’apport des énergies renouvelables doit être doublement pris en considération. D’abord, au travers des emplois qu’ils mobilisent : pour l’éolien terrestre, à titre d’exemple, le montant des emplois directs et indirects que charrie le secteur s’élève à 200 000 personnes.  Ensuite, il faut tenir compte de la mobilité des emplois en question : les emplois induits dans ce secteur sont pour partie non-délocalisables. Plus de 60% de la valeur ajoutée de la filière éolienne est européenne, que ce soit pour la fabrication ou l’installation, l’entretien et l’exploitation, largement françaises.

L’aménagement du territoire, enfin. Grande oubliée de la mondialisation, la crise des gilets jaunes a cruellement remis au goût du jour la question de l’aménagement du territoire. Là encore, les énergies renouvelables ont un rôle à jouer, quand elles trouvent à se déployer, à l’initiative des élus et des industriels, en plein accord avec les équilibres territoriaux et les spécificités locales auxquels les populations sont légitimement attachées. Que l’on songe ici au rôle d’un barrage hydroélectrique. Au-delà de la production électrique décarbonée, - sans parler en outre de leur rôle dans le stockage d’énergie -, les barrages hydroélectriques structurent les territoires de moyenne et de haute montagne. Elles sont autant de petits écosystèmes dont l’influence dépasse largement les seules considérations énergétiques.

Au total, l’Europe, tout au traitement d’une crise dont nul ne sérieux ne nie plus la gravité, ne doit pas se tromper : son engagement en faveur d’une croissance plus verte reste plus que jamais nécessaire. Les technologies énergétiques décarbonées sont une partie importante de la solution.

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