Mots, expressions, obsessions : petit lexique de la déclaration de politique générale d'Ayrault<!-- --> | Atlantico.fr
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"Je", "redressement", "Jeunesse", "justice"... Autant de mots qui ont composé le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault.
"Je", "redressement", "Jeunesse", "justice"... Autant de mots qui ont composé le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault.
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Quesaco ?

Analyse lexicale des termes employés ce mardi par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale.

Pascal Marchand

Pascal Marchand

Professeur en Sciences de l’information et de la communication à Toulouse, Pascal Marchand a publié plusieurs études sur le discours politique dont "Analyse de l’échange verbal en situation de dialogue fonctionnel : étude de cas", "L’engagement politique : du leader aux valeurs" et "L’engagement dans le champ politique : analyse du discours militant".

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Jean-Marc Ayrault est le 20ème Premier ministre de la Vème République, et il a prononcé, ce mardi 3 juillet 2012, la 38ème « déclaration de politique générale » (DPG). Depuis une douzaine d’années, nous analysons ces discours. Les questions que nous nous posons ici, à propos de la déclaration de politique générale de Jean-Marc Ayrault, sont les suivantes : 

 - Quels sont les apports et les abandons de ce discours par rapport aux précédents ? 
 - Quelle est la structure et quels sont les moments particulièrement significatifs de ce discours ? 
 - De quel discours de ses prédécesseurs se rapproche-t-il et s’éloigne-t-il le plus ? 
 - S’inscrit-il dans une continuité ou marque-t-il une rupture ?

S’agissant d’un Premier ministre socialiste, ce discours prend un intérêt particulier, puisque, en cinq ans passés à Matignon, Lionel Jospin n’en avait prononcé qu’un, pour son « investiture », en 1997. Auparavant, il faut remonter aux septennats Mitterrand de 1981-1995, marqués par des périodes de cohabitations.

Les dernières DPG avaient laissé des souvenirs variés. Pour n’évoquer que le discours d’« investiture » de François Fillon (3 juillet 2007), il a pu être qualifié de terne, alors que nos analyses montraient qu’il s’agissait du plus riche (lexicalement parlant) de la Vème République (plus encore que Raymond Barre et Michel Rocard). Il offrait sans doute moins d’effets de communication que ses prédécesseurs et, surtout, il venait après la « feuille de route » de Nicolas Sarkozy, qui avait été, à tort, qualifiée de discours de politique générale (voir notre analyse).

C’est, une fois de plus, le logiciel Iramuteq (Pierre Ratinaud, Toulouse) qui a été utilisé pour l’analyse. Les premiers résultats révèlent un discours long : avec plus de 9 500 mots, c’est le quatrième de la Vème République (après Alain Juppé, Pierre Mauroy et Edouard Balladur et à égalité avec Jacques Chirac).

Si on le compare à toutes les autres DPG, le discours de Jean-Marc Ayrault se situe dans une continuité chronologique : il puise davantage dans le lexique des années 2000 (François Fillon, Jean-Pierre Raffarin) que dans celui des premiers ministres socialistes.

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Parmi les mots spécifiques, on retient surtout « aimer », et notamment dans la séquence suivante :

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Cette séquence est intéressante à au moins deux titres : d’une part, elle mobilise le « je », que Damon Mayaffre définit comme une marque des discours de François Mitterrand, qui était aussi une caractéristique des Premiers ministres socialistes, notamment Pierre Bérégovoy et Laurent Fabius, et qui se trouve aussi spécifique de Jean-Marc. Ayrault. On peut y voir aussi un certain volontarisme, comme pour marquer la rupture avec le rôle de « collaborateur » dévolu au Premier ministre dans le précédent « quinquennat » :

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On note, pour confirmer ce volontarisme, l’absence significative de « il faut », qui marquerait une nécessité mais pas l’engagement personnel. D’autre part, on peut être tenté d’y voir une référence (implicite) au débat sur l’identité nationale, peut-être pour revendiquer un patriotisme (terme spécifique également ici) d’un Jaurès contre un nationalisme maurassien, ainsi que l’écrivait Gérard Noiriel en préface de notre ouvrage d’analyse du « Grand débat ».

D’autres termes sont notables : le « redressement », qu’on ne trouvait que chez Jacques Chirac, est ici éventuellement « productif ». La « jeunesse » est sans doute une reprise du discours présidentiel, ébauché dès les primaires socialistes. Des concepts plus consensuels, qui marquent la communication politique des années 2000 : « écologie »,« justice »… Quelques évitements sont remarquables : « entreprise » (une dizaine d’occurrences, pour une moyenne de 14 sur l’ensemble des DPG), que l’on trouvait abondamment chez Pierre Mauroy en 1981, mais c’est vrai que la gauche devait alors établir sa crédibilité. 

La « liberté », qui est souvent perçue comme une marque du discours de droite, mais que l’on pouvait trouver au singulier chez Pierre Mauroy et au pluriel chez Laurent Fabius, est totalement absente ici, alors qu’on en trouve habituellement cinq ou six occurrences.

La structure même du discours sera analysée dans les prochains jours, mais elle peut d’ores et déjà être représentée de la façon suivante :

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Une classification lexicale permet de définir cinq classes :

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1. Une première classe s’organise autour des termes « justice », « travail », « action », « sécurité »…

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2. Une deuxième classe s’organise autour des termes « pays », « homme », « redressement », « jour », « Europe », « femme »…

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3. Une troisième classe s’organise autour des termes « produire », « capacité », « richesse », « difficulté », « activité », « banque »…

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4. Une quatrième classe s’organise autour des termes « social », « grand », « conférence », « ambition », « concertation » …

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5. Une cinquième classe s’organise autour des termes « local », « ensemble », « part », « loi », « dépense », « collectivité »…

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Cet article a été préalablement publié sur le site pascal-marchand.fr

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