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Google fait fi de tous les avertissements de la communauté internationale pour "abus de position dominante".
Google fait fi de tous les avertissements de la communauté internationale pour "abus de position dominante".
©DR

Big Brother

Google passe à la vitesse supérieure : depuis le mois de mars dernier, la firme s'accorde le droit de consolider toutes les données prospectées sur les utilisateurs, couvrant sous l'argument de l'adaptation plus pointue à leurs besoins, une opération d'espionnage. Mieux : Google fait fi de tous les avertissements de la communauté internationale pour "abus de position dominante".

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Depuis quelques années, nombreux sont les observateurs indépendants à avoir alerté l’opinion sur l’inquiétante montée en puissance de Google. Cette entreprise dont le nom propre est presque devenu un nom commun jouit d’un quasi-monopole de fait sur la recherche d’informations sur Internet. Elle étend une emprise grandissante sur nos vies et sur l’économie. En initiant contre elle une enquête approfondie pour « abus de position dominante », la Commission européenne a, dès 2010, mis le doigt sur le volet commercial de cette domination.

D’autres commentateurs ont abondamment souligné le danger pour le pluralisme que représente l’extrême hégémonie d’un seul opérateur sur l’information, ce que Google trahit d’ailleurs en se donnant expressément pour mission « d'organiser l'information à l'échelle mondiale ». La Firme aux jumelles vient de franchir un nouveau cap en matière de contrôle de notre vie privée en annonçant la réforme radicale de sa politique de confidentialité : depuis le 1er mars, Google s’adjuge le droit de consolider l’ensemble des informations recueillies sur les individus. Concrètement, cela signifie qu’elle peut faire le rapprochement de toutes les données engrangées sur chaque utilisateur à travers différents outils. On imagine la puissance de connaissance qu’une telle consolidation représente, et le ciblage marketing juteux que cela permet.

L’association nationale des procureurs généraux des Etats-Unis s’est émue dès le mois de février de cette mesure annoncée par Google, et la CNIL a initié une investigation au nom de ses 27 homologues européens au regard des règles de protection des données personnelles. Il faut dire que cette mesure fait naître des inquiétudes majeures.

La première concerne le respect de la vie privée. En croisant vos échanges via gmail et l’historique de vos recherches sur Internet par exemple, Google en saura probablement plus sur vous que votre meilleur ami et sans doute plus que la CIA et les Etats pourtant si avides de fichiers croisés. Le cloisonnement entre vos différentes activités disparaît et vous devenez totalement transparent aux yeux de la Firme américaine. Bien sûr, l’argument de Google est que cette transparence absolue est réalisée dans votre intérêt : il deviendra possible d’adapter de plus en plus finement à vos goûts et à vos besoins les produits proposés, les réponses aux requêtes et de façon générale tout le service fourni. Pourquoi s’en plaindre ?

L’efficacité y gagnera ce que la protection citoyenne y perdra. Notre conception de la liberté repose en effet sur l’idée que nous partageons ce que nous voulons avec qui nous voulons, mais sans contrainte. Aucun avantage du ciblage des offres ne compensera jamais la perte de cette liberté fondamentale ; aucun service sur mesure ne doit faire oublier le risque que représente une vision panoptique d’un opérateur sur une population.

La nouvelle politique de confidentialité (ou plutôt de non confidentialité devrions-nous dire) est également problématique en cela qu’elle est imposée de façon unilatérale. C’est-à-dire sans réel moyen de s’y opposer. En pratique, la seule façon de refuser ce fichage consolidé est tout simplement d’arrêter l’utilisation de tout outil Google, soit donc, du fait de la position de « facilité essentielle » acquise par l’entreprise, un pari social délicat. Le changement annoncé est d’autant plus condamnable qu’il entre en violation manifeste des engagements de confidentialités précédents de Google envers les usagers de ses services : « Nous ne réduirons pas vos droits en matière de politique de confidentialité sans votre consentement explicite » disait l’ancienne charte de Google signée par les usagers… Et quand la CNIL lui demande de sursoir à cette nouvelle politique, elle reçoit une fin de non-recevoir à peine polie.

Google n’en est certes pas à son coup d’essai en matière de pratiques contestables concernant la collecte et l’utilisation de nos informations : en 2010 déjà elle avait exprimé ses regrets pour avoir collecté frauduleusement des données envoyées par des personnes physiques sur des réseaux wi-fi non cryptés ; ce qui lui avait valu une sanction de 100 000 euros prononcée par la CNIL. Et la FCC vient de proposer d’infliger à « l’espion venue de Mountain View » une amende de 25 000 $ pour obstruction à son investigation sur ce sujet. Une goutte d’eau pour cette machine à cash… Aujourd’hui, la firme est passée à la vitesse supérieure, imposant sa volonté par un passage en force qui en dit long sur sa nouvelle assurance. Au point que la seule question posée aujourd’hui n’est pas de savoir s’il faut arrêter la folle dérive de Google mais quand et comment. Sauf à subir une forme inédite de « totalitarisme publicitaire ».

L’écrivain et spécialiste des médias Dave Winer écrivait en 2004 que l’industrie de la technologie était « bâtie sur un socle d’arrogance et de mépris envers les utilisateurs ». Les faits semblent hélas lui donner raison. Et pourtant, on se prend à rêver qu’une réaction suffisamment coordonnée de ces mêmes utilisateurs, des régulateurs et des institutions démocratiques, accompagnée de l’émergence souhaitable d’un concurrent crédible pourrait changer les choses et contraindre cette industrie à en rabattre.

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