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Fuite des militants, voire des élus : mais pourquoi les partis politiques français sont-ils devenus des zombies ?
©Reuters

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Les partis sont désormais incontournables dans notre modèle électoral, puisqu'ils constituent un maillage local sur lequel le candidat peut se reposer. Pour autant, les militants les quittent, et les élus s'en vont. En devenant à ce point inévitables, ils ont pu s'éloigner de leurs bases électorales jusqu'à la perdre tout à fait.

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : Le député Pouria Amirshahi a annoncé qu'il quittait le PS ce vendredi 4 mars, estimant que les partis étaient "au mieux incapables, au pire dangereux". La fuite des militants est également un fait connu. Comment les partis en sont-ils venus à être aussi déconsidérés, alors qu'ils sont indispensables dans une démocratie représentative. Paradoxalement, ne sont-ils pas plus utiles que jamais dans une période de crise du politique ?

Raul Magni-Berton : Les partis politiques ne sont pas indispensables dans une démocratie libérale. Au contraire, dès le départ, ils sont une sorte de mal à contenir. En effet, si nos démocraties se sont bâties sur le principe de la division des pouvoirs, les partis politiques naissent comme associations libres qui visent à investir tous les pouvoirs pour pouvoir changer la société selon leurs souhaits. C'est donc dans leur ADN de vouloir concentrer le pouvoir. En cela ils sont par essence subversifs par rapport à nos systèmes politiques : ils veulent concentrer un pouvoir dans un système basé sur sa division. 

Contre cette tendance, chaque système a prévu des dispositifs. Le plus courant d'entre eux consiste à favoriser la multiplication des partis afin qu'ils se fassent concurrence, ce qui empêche à chacun d'entre eux de prendre tout le pouvoir. Cette défense a néanmoins échoué car, à force, les partis apprennent à coopérer entre eux et créent un oligopole. Les principaux partis, donc, s'approprient du contrôle des ressources publiques, des sélections des fonctionnaires de l'Etat, jusqu'à devenir moins vulnérables aux aléas électoraux, à la concurrence de nouveaux partis, et à l'entrisme de citoyens contestataires par le biais du militantisme. Dans beaucoup de démocraties occidentales, les militants diminuent, les financements publics des partis augmentent et, fatalement, la sensation de ne pas pouvoir changer le cours des choses s'accroit chez les citoyens, qu'ils soient militants ou non. 

Aujourd'hui, les partis politiques ont donc tout fait pour devenir incontournables dans le fonctionnement de notre régime. Cela les dispense de devoir prouver qu'ils servent à quelque chose, puisque cela va, pour tout le monde, de soi. Ils n'ont plus besoin, alors, du consentement des citoyens pour exister.

Pouria Amirshahi fustige le manque d'idées du PS. Est-ce la disparition des idéologies, au profit de l'assemblage de clientèles électorales, qui pousse finalement à fuir les partis ?

Les idéologies n'ont pas disparu. Mais les partis politiques ont moins besoin d'elles pour survivre. De manière générale, les idéologies se développent dans la société civile et sont reprises par les partis parce qu'elles permettent de mobiliser les individus autour d'une cause, gratuitement si je puis dire. A la sortie de la seconde guerre mondiale, avoir des militants était essentiel dans l'équilibre des forces, parce que tous les partis partaient quasiment à égalité. Aujourd'hui, certains partis contrôlent tellement de ressources économiques et institutionnelles qu'ils n'ont pas besoin de militants. Donc, ils n'ont pas besoin d'idéologies non plus. Ces dernières foisonnent dans la société civile, mais elles ne parviennent pas à investir les partis politiques, surtout les grands. 

Concrètement, quel pourrait être l'impact d'une désertion (tant des militants que des élus) des partis politiques, à long terme ? Jusqu'où pouvons-nous nous affranchir des idéologies ?

Nos systèmes peuvent aller dans une direction encore beaucoup plus oligarchique, où un petit nombre de gens gouverne sans que les élections puissent changer grande chose. Mais ils peuvent également aller dans un sens beaucoup plus inclusif, en privant des partis politiques des avantages qu'ils ont aujourd'hui. Dans les pays où les partis politiques ont moins de pouvoir les hommes politiques sont mieux considérés et les militants plus nombreux. Je crois que la France se retrouve dans une situation instable, qui peut aller vers plus d'inclusion ou plus d'exclusion. 

L'inclusion passe, selon moi, par l'utilisation systématique de procédures législatives de démocratie directe qui peinent à se mettre en place. L'initiative populaire explose dans des pays comme l'Allemagne, et, chez nous, elle reste encore inconnue. Ce type de projet inclusif pourrait être porté par des petits partis, désavantagés dans l'équilibre des forces actuelles.

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