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François Hollande, le président qui reprochait ses échecs aux Français (et en fait même une méthode)
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C’est pas ma faute

Ces derniers temps, par exemple dans sa dernière allocution télévisée, qu'il s'agisse d'échecs économiques ou de chômage, notre président n'a de cesse de détailler ce que les autres pourraient faire pour rendre notre pays merveilleux.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : "Les entreprises doivent être en capacité d'investir, c'est le moment." déclarait François Hollande aux Français, le 12 janvier 2016, en direct du 20h de TF1 et de France 2. De la même façon, le Président a déclaré : "La baisse des charges et des cotisations permet de donner des marges aux entreprises". Il s'est également plaint des changements trop lents, de l'incapacité du pays à suivre. En quoi ces déclarations semblent reporter la responsabilité politique vers les acteurs économiques ? 

Christophe de Voogd : Les exemples que vous donnez ne sont pas les plus sévères. Mais la distorsion entre parole et réalité y est déjà forte. Les taux de marge français restent nettement inférieurs aux pays voisins et le président se garde bien de rappeler le report jusqu'au 1er avril prochain de l'élargissement du Pacte de responsabilité aux cotisations sur les salaires moyens. Or il prend la parole au milieu même de ce report, qui relève bel et bien de sa propre décision. J'ai été particulièrement frappé par l'expression "si ça ne tenait qu'à moi"; or il y a bel et bien des choses qui ne tiennent qu'à lui dans une République hyper-présidentielle, notamment le choix des hommes, de l'agenda, des procédures... et de la fiscalité. Ce n'est pas rien. Le président des Etats-Unis n'a pas le quart de ces pouvoirs.

Quels sont les autres exemples permettant d'étayer ce qui peut apparaître comme une véritable méthode ? 

Les exemples sont innombrables: depuis 2012, l'on a droit au refrain du c'est la "faute à Sarko", à l'Europe, à l'Allemagne, à la grande distribution, à Uber, à "pas de chance"... Lors de cette intervention comme dans tant d'autres l'on est frappé par l'attitude de commentateur plus que d'acteur chez François Hollande. Comment déplorer les lenteurs sur la réforme du code du travail ou la situation de l'emploi, alors que sur tous ces sujets les décisions gouvernementales ont été hésitantes, changeantes, voire contradictoires, et toujours tardives ? Si le président veut aller vite – "aussi vite que possible" comme dit sa formule préférée qui ne l'engage à rien  il dispose d'armes nombreuses : 49.3, ordonnances, procédure d'urgence, voire référendum.  Qu'est-ce qui, après tout, l'obligeait à une révision constitutionnelle pour l'état d'urgence et la déchéance de la nationalité ? Pourquoi tous ces atermoiements gouvernementaux sur le contenu du texte ? La réponse du Président a été tout sauf convaincante sur un sujet perclus de calculs politiciens. Quant à Notre Dame des Landes, le dossier est bouclé sur le plan juridique et le Pouvoir n'a qu'à exécuter les décisions de justice. Or c'est bien François Hollande qui retarde encore les choses avec son projet de "référendum local" : on va débattre des mois encore sur sa légalité et son extension géographique. Bref, nous voilà repartis pour une nouvelle discussion sur le sexe des anges au lieu de régler le problème. 

Lors du débat télévisé entre les deux candidats à la présidentielle de 2012, François Hollande avait lui même reproché à Nicolas Sarkozy d'un ton sarcastique "Ce n'est jamais de votre faute". Ce report de responsabilité est il tout simplement une habitude gouvernementale ? En quoi le quinquennat de François Hollande se différencie sur ce point ?

C'est le b.a.-ba de la politique que de tenter de se dédouaner et après tout le pouvoir n'est pas responsable de  tout, surtout en ère de globalisation. Inversement il est de bonne tactique pour l'opposition de taxer le pouvoir en place de tous les maux. Nicolas Sarkozy a essayé de mettre tous ses échecs sur le dos de la crise de 2008 et François Hollande de les imputer au seul Sarkozy...  Avec succès d'ailleurs, comme on sait. L'équité voudrait que l'on tienne compte à chaque fois du contexte: Le président précédent a été sans nul doute plus contraint que l'actuel par la conjoncture mondiale. Il n'y a plus de crise dans le monde depuis 2010 et en Europe depuis 2013 ( jusqu'à présent !). La vraie question est donc : qui a fait le mieux - ou le moins mal - compte tenu du contexte ? La réponse est claire et tous les graphiques le montrent : la France faisait mieux que la moyenne de la zone euro avant 2012 ; elle fait pire depuis. L'idée, longtemps taboue, commence à faire son chemin. 

Ce qui est également frappant dans l'actuel quinquennat c'est le dévoiement du mot de "responsabilité", véritable leitmotiv du discours de Manuel Valls, revenant quasiment dans chacune de ses phrases, alors que justement ce gouvernement n'est jamais responsable de rien. Remarquons qu'aucun ministre n'a été contraint à la démission pour un échec dans son secteur ou son désaveu public de la politique gouvernementale. Christiane Taubira est partie d'elle-même. La reconduction de Stéphane le Foll au Ministère de l'agriculture, où il n'a plus aucune crédibilité, en est un nouveau signe. Et les couacs, déjà, recommencent dans la nouvelle équipe. Le seul "crime" fatal est celui de lèse-majesté, c'est à dire d'attaque directe contre le Président : cf. Montebourg et Hamon à l'été 2014. L'équité là encore impose de dire que ce défaut est général dans les élites françaises, pas seulement politiques et pas seulement de gauche : la fuite devant ses propres responsabilités est sans doute l'une des causes les plus sûres du fameux divorce actuel avec "le peuple". Le "système Hollande" en marque juste le paroxysme.

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