François Hollande est-il en train de nous préparer à l'échec qu'il verrait venir de la COP 21 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une source de blocage porte sur les promesses des pays en termes de réduction des émissions
Une source de blocage porte sur les promesses des pays en termes de réduction des émissions
©www.flickr.com/photos/planeta/16451794648

La main verte (ou pas)

Lors de la conférence de presse lundi 7 septembre, François Hollande a évoqué un possible échec de la COP 21, projet phare de son quinquennat qui devait consacrer la France en tant que leader de l'écologie mondiale.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Atlantico : "Il y a des risques d'échec": ce sont les mots que François Hollande a utilisé hier au sujet du sommet sur le climat, Cop 21, qui se tiendra en novembre prochain. Difficulté de financements, soucis de visibilité, quels sont les principaux points de blocage qui risquent de conduire à un échec de ce rendez-vous?

Christian Gollier :Il y a deux sources potentielles de blocage. La plus forte porte sur le financement du « fonds vert », dont l’ambition est de financer des projets d’adaptation et de prévention du changement climatique dans les pays en développement pour 100 milliards de dollar par an. On est aujourd’hui très loin du compte, et ces pays risquent de claquer la porte de la COP21 si cette promesse faite imprudemment en 2009 à Copenhague n’est pas satisfaite.

La deuxième source de blocage porte sur les promesses des pays en termes de réduction des émissions. Une certaine frustration se développe aujourd’hui, certains pays étant prêts à s’engager beaucoup plus que d’autres. Que va-t-il se passer quand on va réaliser qu’il y a beaucoup de pays qui ne voudront rien faire, ou si peu ? Beaucoup de pays proactif s’inquiètent en particulier des « fuites de carbone » qui se produiront forcément si trop peu de pays s’engagent. Ce jargon fait référence au fait que si un pays pénalise comparativement plus fortement les industriels les plus polluants, ces derniers risquent de délocaliser leur production dans les pays moins contraignants, emportant avec eux les emplois et les recettes fiscales, avec un bénéfice net climatique nul. Ce risque réel peut faire capoter la négociation internationale, comme elle a eu la peau des accords de Kyoto durant la dernière décennie.

Pourquoi les sommets climatiques ont, par essence, beaucoup de difficultés à porter un projet de coopération internationale? Aujourd'hui, où en est-on des négociations?

Parce que les coûts de la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont portés par chaque pays, alors que les bénéfices de ces efforts vont à tous. Dans un tel contexte, chaque pays a intérêt à en faire le moins possible, en espérant que les autres fassent les efforts à leur place. C’est ce que les économistes appellent le problème du passager clandestin, qui conduit à la « tragédie des biens communs ». On retrouve ce problème par exemple dans la surexploitation des ressources sous-marines et halieutiques.

Pour lutter contre ce problème de passager clandestin, il faut créer une institution supranationale capable d’inciter chacun à intégrer dans son propre comportement le coût global de son inaction. Idéalement, il faudrait pouvoir imposer un prix du CO2 à tous les émetteurs de la planète, égal au dommage climatique que ce CO2 va causer à la planète et ses habitants. Un principe pollueur-payeur en quelque sorte. Mais la création d’une telle institution supranationale n’est certainement pas pour demain. Il y a trop de suspicion, trop de procès d’intention, trop d’incertitude sur qui portera concrètement les coûts d’une politique mondialement concertée de lutte contre le changement climatique.

Le processus de négociation de la COP21 n’a pas du tout pris cette orientation. Les négociateurs se limitent à attendre la bonne volonté des Etats à promettre de faire un effort. La COP-21 risque bien de se transformer en une instance passive d’enregistrement de promesses sans engagement, peu crédibles sans la création d’une instance supranationale disposant d’une vraie autorité sur l’évaluation, le contrôle, et les incitations à la réduction des émissions. Mais peut-être faut-il s’en satisfaire.

En août, François Hollande déclarait que ce serait une catastrophe si aucun accord n'était trouvé: l'aveu d'un possible raté est-il un aveu de la difficulté qu'a François Hollande à s'imposer en leader politique internationale?

Un accord sera trouvé, mais il sera à minima, avec un fort risque de délitement dans les mois et années qui suivront. Hollande et la France n’y peuvent rien. Même Obama va devoir subir un pilonnage de son « Clean Power Plan »  par les Républicains, alors même que ce plan de réduction des émissions annoncé début août  est loin de ce qu’on pourrait espérer des Etats-Unis en termes d’engagement climatique. 

En quoi l'échec de ce sommet pourrait peser dans le bilan du quinquennat de François Hollande?

Je crois qu’on surestime l’impact de cette conférence sur le bilan de Hollande. Ce qui intéresse les Français, c’est le chômage, la fiscalité et la croissance. Leur préoccupation environnementale est inconstante. La « taxe carbone » de Sarkozy, initialement plébiscitée, est très vite devenue impopulaire dès que les gens ont compris que cela allait coûter cher. Tout cela reste hélas encore très abstrait pour beaucoup.

Qui pourrait avoir le pouvoir de mener une vrai politique incitative en matière de climat? Est-ce un problème de personnalité ou de volonté? 

L’homo oeconomicus étudié par les économistes reste quand même une bonne approximation de l’être humain réel, centré sur ses préoccupations personnelles avant de rajouter une couche plus ou moins épaisse d’altruisme. L’homme politique ne peut pas défendre des politiques qui iraient à l’encontre des intérêts de ses concitoyens, sinon il ne pourra pas se faire réélire. S’il n’y a pas de volonté populaire, la volonté politique se délite rapidement.  Je ne vois pas aujourd’hui émerger d’homme providentiel capable de transcender la volonté des peuples pour sauver l’avenir de l’homme sur cette terre. 

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