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Qui achète encore à gauche le catalogue de mesures vendues par François Hollande ?
©Reuters

Méthode Coué

Depuis quelques jours, François Hollande a lancé la reconquête. Il ne se déplace plus sans un cadeau. Petit ou gros. Peut-il ainsi renouer avec les Français ? "Un lien s'est rompu, on ne le retissera pas avec de l'argent", souligne un socialiste.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Assis dans un large fauteuil qui meuble l'un des nombreux salons de Bercy, Christian Eckert sourit. A la journaliste qui vient de lui demander si François Hollande, attendu au Congrès des maires qui se tiendra du 31 mai au 2 juin, allait s'engager à aider les collectivités locales, il répond : "Vous connaissez le Président, c'est un garçon bien élevé, il n'arrive jamais sans un cadeau". Surtout à un an d'une élection présidentielle, oserait-on ajouter. En effet, depuis trois semaines, alors qu'a sonné l'heure de la reconquête, le président de la République s'est transformé en Père Noël, le traîneau en moins.

Ce mardi, invité à clôturer une matinée de débat organisée par la fondation Jean Jaurès, François Hollande a multiplié les promesses. Il s'est notamment engagé à baisser les impôts des ménages les plus modestes dès 2017. La veille, il gratifiait les instituteurs d'une augmentation de quelques dizaines d'euros. Quelques jours plus tôt, c'est aux jeunes qu'il promettait la mise en place d'un "plan pour la jeunesse" doté de 400 à 500 millions d'euros. Ainsi va François Hollande. En pleine tentative de reconquête depuis trois semaines, il ne se déplace plus sans un cadeau. Petit ou gros. Peu importe le poids ou la forme, c'est l'intention qui compte car François Hollande est en campagne, cette fois le doute n'est plus permis. Et l'heure de la redistribution tant annoncée a enfin sonné. Mais cela suffira-t-il ? Lundi soir, les profs qui auraient dû se réjouir, grognaient à la sortie du Palais Brongniart : "Ce dont l'école a besoin, c'est une vision, un projet. Il faut que l'on nous explique vers où on doit aller, à quoi sert l'école d'aujourd'hui", expliquait un inspecteur d'académie. Et n'est-ce pas cela dont souffrent aujourd'hui les électeurs socialistes et les Français en général ? Une absence de vision commune ?

Conscient qu'il faut racheter quatre années en 12 mois tout juste, le chef de l’État a aussi lancé une grande opération de médiatisation de son bilan sur l'air de "regardez tout ce que l'on a fait pour vous. On n'a pas su vous l'expliquer, mais on va s'y mettre". "De nouveaux droits ont été instaurés : droit à la formation, à l'assurance-chômage, compte personnel d'activité", a martelé hier le chef de l’État et d’enchaîner : "La pénibilité est dorénavant prise en compte dans le calcul des droits à pension", "Moderniser, c'est créer de nouveaux droits : mariage pour tous, fin de vie digne et apaisée, IVG anonyme et gratuit", "Moderniser, c'est réformer l'organisation de nos territoires, 13 régions, des métropoles à taille européenne"...

La veille, Jean-Christophe Cambabélis, Premier secrétaire du Parti socialiste, et Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée, avaient préparé le terrain lors d'une conférence de presse. Vantant déjà le bilan de leur leader : "Le désamour des socialistes fut le prix à payer du renouveau français", a commencé un brin grandiloquent Jean-Christophe Cambadélis avant de présenter quelques outils de communication supposés défendre le bilan de la gauche au pouvoir : une série de cartes postales ont ainsi été éditées afin de mettre en lumière les réalisations de ces quatre années de pouvoir : "les villes doivent compter au moins 25% de logements sociaux", "maintenant quand on exerce un métier pénible, on peut partir plus tôt à la retraite", "maintenant, là où il est difficile de se loger, les loyers sont encadrés" et ainsi de suite. Soixante mesures sont ainsi égrainées, expliquées dans les clips vidéo…

Alors certes, ce travail de pédagogie et l'annonce de ces cadeaux permettent à François Hollande d'entonner l'air du retour à la croissance et de souffler une bouffée d'optimiste. De faire vivre son désormais célèbre "ça va mieux" lancé sur France 2 le 14 avril dernier, ce "ça va mieux" qu'il a décliné lundi soir devant les professeurs réunis au palais Brongniart. Un mantra répété encore hier : " La croissance revient, la consommation repart, l'investissement redémarre".

Les socialistes restent pourtant dubitatifs. Un frémissement de la croissance et une série de mesures passées inaperçues durant quatre ans ne font pas un récit. Une fierté, un espoir. Ce que les électeurs demandent, c'est bien sûr de voir leur situation personnelle s'améliorer mais surtout d'adhérer à un projet qui les réunisse. Un projet de société, un projet d'avenir qui leur permette de s'arracher au réel, de s'élever vers une cause commune.

"Que le PS fasse ce travail d'explication, c'est légitime et indispensable, mais ça n'a aucune espèce de portée", juge le proche de l'un des concurrents de François Hollande au sein du PS. "Ça n'est pas l'addition de mesures qui permettra de dessiner un bilan et un projet, d'autant que la faiblesse de ces mesures est en total décalage avec l'attente, l'espoir suscité en 2012. Quelque chose s'est rompu avec les électeurs et s'il est possible de retisser ce lien, on ne peut pas le faire par une addition de mesures et même des cadeaux électoraux, on ne peut pas le faire avec de l'argent".

La politique n'est, en effet, pas qu'affaire de comptable. La seule mesure qui fait aujourd'hui l'unanimité chez les électeurs de gauche, le mariage pour tous, n'est pas quantifiable en monnaie sonnante et trébuchante et ne concerne même pas directement la plupart des électeurs. La politique n'est pas l'addition d'intérêt particuliers. Il ne suffit pas de saupoudrer, de donner aux uns et aux autres pour l'emporter. Il faut incarner l'avenir, un avenir commun.

Christophe Caresche, proche de Manuel Valls, pense pour sa part que François Hollande a commencé, cette semaine, à écrire ce récit, replaçant son quinquennat dans l'histoire de la gauche, entre Blum, Jaurès et Jospin. Pour le député de Paris, "François Hollande n'a pas voulu s'exprimer tant qu'il n'obtenait pas un minimum de résultats". Mais hier, "il a donné une vision assez précise de ce qu'il était et il n'a rien occulté. Une sorte de cohérence a commencé à prendre forme, une méthode réformiste qui récuse les grands soirs".

Il s'est raconté, certes, a dessiné les contours du hollandisme, mais n'a toujours pas expliqué vers où il guidait la France. Quel grand dessein il visait. En conclusion de son intervention, il affirmait : "Avançons sans regret, sans calcul, sans répit. La récompense ne sera pas dans l'Histoire, elle sera dans l'avenir". Comme s'il avait abandonné l'idée de marquer l'Histoire ?

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