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François Fillon annonce vouloir lutter contre le racisme anti-Français : quelle est l’ampleur réelle de ce phénomène ?
©Reuters

Tabou

François Fillon a déclaré jeudi 16 mars à Caen vouloir lutter contre le racisme anti-Français, un phénomène d'un réelle ampleur et largement sous estimé.

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Atlantico : François Fillon reprend à son compte le "racisme anti-français" en déclarant jeudi 16 mars à Caen : "Je refuse la progression de l'antisémitisme. J'exècre tous les racismes dont le racisme anti-français." Quelle est l'ampleur réelle de ce racisme ?

Guylain Chevrier : Avec cette déclaration, il lève un tabou politique, qui pourrait bien être un nouveau tournant dans la campagne. C'est une autre façon d'aborder la question identitaire que le FN, qui réintroduit l'enjeu de la nation. C'est-à-dire, d'interroger la volonté que nous avons de vivre ensemble à travers le partage et la défense de certains biens communs (libertés et droits politiques, civiques, sociaux-démocratie-Etat laïque-nationalité...), d'écrire une histoire commune, de se considérer comme partageant une même culture et un même destin. On a pu voir à travers un reportage diffusé sur France 2, "Les Français c'est les autres", enquêtant dans des classes de collèges de quartiers populaires à forte présence de population immigrée, des classes entières de jeunes Français de différentes origines dire qu'ils ne se reconnaissaient pas dans leur pays, y compris même qu'ils le rejetaient, tout en bénéficiant pourtant des bienfaits auxquels, dans le pays d'origine de leurs parents, ils n'auraient pu prétendre, à commencer par l'école publique, sans compter encore avec les aides sociales massives qui soutiennent leurs familles. Un rendez-vous manqué avec une France qui les a faits Français. Ces jeunes mettaient avant tout leurs origines et religions en avant, installés dans un discours de déni de leur pays, la France. 
On peut y voir le reflet de la montée des affirmations identitaires depuis une bonne vingtaine d'années. Du premier voile islamique apparaissant dans une  école à Creil en juin 1989  à la loi d'interdiction des signes religieux ostensibles dans l'école publique du 15 mars 2004, il a fallu 15 ans pendant lesquels la laïcité a flotté et avec elle les valeurs collectives, la République a tangué. On a laissé s'installer derrière cela, une logique des minorités en opposition totale avec les Droits de l'homme, le caractère imprescriptible des droits et libertés individuelles pris dans les nœuds d'un communautarisme qui aujourd'hui se revendique ouvertement, à travers le refus du mélange au-delà de la communauté de croyance dont l'extension du port du voile, peu ou prou, élargi chaque jour le cercle. Nous en sommes arrivés aujourd'hui à ce que, comme l'Institut d'opinion Sociovision a pu le révéler  en 2014, dans une de ses enquêtes, qu'une majorité de musulmans considèrent comme normal que leur religion prévale sur la société dans laquelle ils vivent. Dans ce contexte, le Parti des Indigènes de la République a pu, avec d'autres mouvement qui l'ont suivis, développer une véritable idéologie de la victimisation, présentant la France comme raciste, la République elle-même comme telle, l'accueil des migrants comme un dû propre à la réparation d'un passé colonial faisant de chaque français un raciste potentiel, jusqu'à l'organisation de réunions non-blanches pendant le mouvement anti-loi El Khomri, c'est-à-dire interdites aux blancs. Suggérant que l'on ne peut être antiraciste en étant blanc.
D'un autre côté, le Collectif contre l'islamophobie en France n'a cessé de faire le procès de la France comme "islamophobe". Toute une frange de la gauche fonctionne sous la pression de ce courant multiforme, à l'intimidation et à la culpabilisation. Côté clientélisme politico-identitaire, la gauche est loin d'être seule concernée, des élus de tous bords accordant des prébendes à des communautés derrière lesquelles disparaissent des millions de citoyens français. Que pouvait-il en advenir? Sinon le rejet de la France par un nombre croissant de ceux issus de l'immigration et avec elle, celui d'être Français. On voit régulièrement, en forme de témoignage électrique de cette situation, des écoles prises à parti par des jeunes des quartiers, symbole de la France républicaine et de l'intégration, comme récemment en Seine-Saint-Denis, prenant prétexte de l'affaire Théo.

Quelle proportion occupe cette forme de racisme par rapport aux autres ?

Guylain Chevrier : Il est bien difficile de répondre à cette question qui reste un tabou, car s'il y a discrimination, cela ne peut être selon certaines idées dominantes, qu'envers celui qui est différent, l'étranger, dans le prolongement d'un prétendu post-colonialisme français largement fantasmé. Mais ce racisme anti-français a pris une ampleur certaine, qui rejoint, et François Fillon ne s'y est pas trompé, l'antisémitisme, à l'image de la quasi disparition de nos écoles publiques des enfants de familles juives, ressentie comme immigration qui a réussi, et ainsi, comme complice de l'État français, au regard d'une autre immigration qui se victimise, en portant l'accusation d'être exclue par racisme d'Etat.

Quelle est son origine ?

Guylain Chevrier : On n'a cessé de flatter la montée des minorités par le passage de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme à la lutte contre les discriminations, en laissant des forces centrifuges en embuscade opérer, faisant croire à des discriminations massives pour expliquer des difficultés d'intégration liées à la crise économique et sociale. Dans cet état d'esprit, on n'a cessé d'étendre l'enseignement du fait religieux à l'école en voulant intégrer par leurs différences les élèves, croyant par là résoudre le problème, au lieu de donner pour seule priorité, l'enseignement de ce qui nous est commun. On sait pourtant que dans ce domaine de la lutte contre les discriminations, on a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en 2005, remplacée depuis 2011 par le Défenseur des droits, avec la possibilité du testing, ce qui a permis de mettre en évidence des discriminations qui restent à la marge de l'intégration réussie de l'essentiel des étrangers s'installant en France. À ce titre, 1500 plaintes par ans, environ 10.000 réclamations, et même en multipliant par 10 ce chiffre en prenant en compte le fait que toutes les discriminations ne peuvent être démontrées, cela reste modéré même si c'est toujours trop, en tous cas rien à voir avec une prétendue exclusion de masse d'une partie de la population en raison de ses différences, par un racisme Français. Le dernier rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme, faisant le bilan du racisme et des discriminations pour l'année 2015, rend compte du fait que l'indice de tolérance des Français vis-à-vis des étrangers n'a jamais été aussi bon malgré les attentats, ce qui est souligné comme assez remarquable. Ce qui est rejeté, c'est le refus de l'intégration, c'est vouloir faire passer sa différence avant la règle commune.
L'origine de cette situation tient dans l'opposition peu mise en évidence entre droits universels et droits statutaires. On a de plus en plus affirmé les Droits de l'Homme comme universels, hors sol, tels un dû, en ignorant les frontières et les nations, justifiant même de les rejeter, en même temps qu'avec l'Europe, on n'a aussi cessé de faire croire à la fin des nations et à l'effacement des États, derrière des principes universels communs, de façon illusoire, pour faire passer une politique économique commune. Nous atteignons avec la crise des migrants dans ce domaine un point de paroxysme, justifiant d'accueillir en masse sans plus réfléchir aux enjeux de l'intégration, de la façon dont chacun peut prendre sa place dans notre pays, par exemple, en devenant citoyen français. Ceci, alors qu'ils sont 100.000 par an à être naturalisés, ce qui est considérable et une folie si on ne prend pas la mesure de la différence qui existe entre un pays d'où l'on vient, qui connait l'absence de liberté et de démocratie, et un pays où on s'installe, où tout est de ce point de vue à apprendre. L'enjeu en est d'autant plus grand qu'il s'agit de faire des individus égaux et non de les prédestiner à des communautés comme au Royaume-Unis ou en Allemagne, pays pratiquant le multiculturalisme. La France républicaine défend une toute autre cause, idéal de l'Homme,  dont nous avons un peu trop perdu de vue la mesure.
Il n'existe de droits pour les individus que ceux que leurs donnent des États, des nations, ce qui est vrai de ceux qui en franchissent les frontières pour s'y installer, des droits statutaires qui relèvent des lois de chaque pays, qui n'ont rien d'un dû, mais d'une conception politique et morale de l'accueil et de l'intégration, par-delà des accords internationaux qui posent des principes mais que seuls les États mettent en œuvre à leur façon, selon ce qu'il sont et n'ont nullement à en venir pour cela  à en perdre leur propre identité. On peut voir à travers cette volonté affichée  de François Fillon de lutter contre le racisme anti-français un angle d'attaque qui créé une nouvelle donne, en réintroduisant par voie de conséquence, la nation dans le débat politique. C'est la juste réaffirmation aussi, d'une impérative maîtrise des flux migratoires. Mais pour aller au bout de cette démarche, il faudra sans doute que les élus LR et autres, autour du candidat de la droite, s'engagent à ce retour de la nation dans le politique, en rompant entre autres, avec des pratiques clientélistes encourageant le communautarisme, et plus généralement, que soit modérée une Europe à tendance fédérale qui lui coupe les ailes.

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