François Bayrou : du vote blanc au parti fantôme, 15 ans d’échecs ininterrompus<!-- --> | Atlantico.fr
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François Bayrou : du vote blanc 
au parti fantôme, 
15 ans d’échecs ininterrompus
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La chute

Les résultats de la présidentielle auront été décevants pour François Bayrou. Entre autres erreurs d'analyses, les médias ont vu en lui le troisième homme. Le candidat du centre semble pourtant poursuivre une descente aux enfers qui dure depuis 15 ans : ces législatives finiront-elles par l'achever ?

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann a été journaliste dans la presse financière et trésorier d'un parti politique. Depuis 18 ans, il est associé d'un cabinet de consultants indépendants, spécialisé en gestion de risques et en crédit aux entreprises. Il est executive chairman d'une structure active dans 38 pays à travers le monde. Il est l'auteur d’une enquête très documentée : Ils ont acheté la presse, nouvelle édition enrichie sortie le 13 janvier 2015, éditions Jean Picollec.

Le débat continue sur Facebook : ils.ont.achete.la.presse et [email protected].

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"Sarkozy a couru derrière les voix de l’extrême droite non républicaine, et résultat : les électeurs du Modem se sont écartés de lui au deuxième tour, à  l’image de Bayrou qui a voté PS. L’éloignement du Modem a couté la victoire à Sarkozy, car une présidentielle se gagne au centre ». Voici bien le genre de cliché répété à l’envie par la plupart des grands médias en guise « d’analyse électorale », qui une fois encore ont confondu leur désir personnel et  la réalité des faits qui contredit en bien des points cette analyse partisane.

Premièrement, ces médias qualifient inlassablement le Front National de « parti d’extrême droite non républicain », en dépit de l’évolution profonde de son électorat. Chaque élection présidentielle donne lieu à son traditionnel reportage télévisé pour mettre en garde contre le nombre de pro-nazis à l’origine de ce parti. « La peste brune est à nos portes, réveillons-nous… ». Oui, mais voilà, le monde a changé, et le FN aussi. Celui-ci a aujourd’hui gagné sur le terrain de la gauche, étant devenu le premier parti de France des jeunes et des ouvriers, son cœur de cible historique. Pire encore, Nicolas Sarkozy a perdu du fait du faible nombre d’électeurs FN qui a voté pour lui au deuxième tour : 12% de report de voix en moins par rapport à 2007 (source Ipsos) , jamais le FN n’a aussi peu voté pour le candidat de droite. A l’inverse, jamais autant d’électeurs FN n’ont voté pour le candidat socialiste au second tour. Couleuvre difficile à avaler pour des journalistes qui n’aiment pas qu’on leur rappelle cette réalité qui leur gâche la fête. Pourtant, de 22% à 28% des électeurs FN du premier tour se sont exprimés en faveur de François Hollande au second tour (chiffres Ipsos, CSA et BVA), un niveau de report de voix FN en faveur du PS jamais atteint jusqu’à ce jour. Eussent-ils voté Sarkozy au lieu de Hollande, puisque ce sont des « dangereux extrémistes de droite » et « des racistes, proches de Sarkozy » selon bien des médias, que François Hollande n’eut pas été élu … Mitterrand serait fier de sa progéniture, qui a tout compris de l’intérêt à garder un Front National aussi haut, et en rupture avec la droite traditionnelle. Une recette que le PS ne manquera pas d’appliquer scrupuleusement aux législatives pour assurer son succès, pendant que lui nouera tranquillement ses alliances avec le Front de Gauche

Rappelons que la majorité des journalistes continue à hésiter de qualifier « d’extrême gauche non républicaine » des partis qui font ouvertement allégeance au drapeau rouge en chantant l’Internationale, et dont le suffrage des électeurs se reportent à 93% des exprimés sur le candidat de gauche du deuxième tour. Mais, dans le même temps, ils refusent toujours d’admettre que le FN, qui défile sous le drapeau tricolore en chantant la Marseillaise, n’est plus réductible à une extrême droite antirépublicaine, mais est devenu un parti « nationaliste » et « anti mondialiste », qui a grossit par un apport croissant d’électeurs de gauche. (Ceux derrière lesquels le Front de Gauche court aujourd’hui, comme le montre la candidature de Mélenchon à Hénin Beaumont).

Et pourtant, il est une attitude que les journalistes pourraient dénoncer comme pratique anti-démocratique : l’appel à l’abstention ou au vote blanc au second tour. Cette façon populiste de refuser de faire un choix au second tour, de refuser les règles démocratiques une fois que l’on est sorti du jeu, au prétexte que les autres, c’est « tous les mêmes ». Cette consigne de vote est une insulte aux millions d’électeurs qui ont placé en tête deux autres candidats, deux candidats souvent qualifiés par les partis peu démocrates « de peste et de choléra » entre lesquelles ces déserteurs de la démocratie s’enorgueillissent de refuser de choisir.

Près de 35% des électeurs FN du premier tour se sont abstenus ou ont voté blancs, en hausse vertigineuse, alors que Laurent Fabius, au nom du PS, a réclamé par démagogie la comptabilisation du vote blanc. Et que fera-t-on lorsque le vote blanc sera devenu majoritaire dans un pays devenu incapable de faire autre chose que critiquer, rejeter, s’indigner, résister, renvoyer dos-à-dos… et se prétendre « ailleurs » que dans le champ des deux candidats arrivés en tête par les urnes ? Cette abstention et ce vote blanc massifs, comparativement à 2007, sont la principale raison de la défaite de Sarkozy au second tour.

Mais le pire est que pendant très longtemps, cette consigne de non choix était l’apanage des partis clairement anti-parlementaristes, à l’image de Lutte Ouvrière refusant de voter Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, ou du faible report de voix d’électeurs d’Olivier Besancenot sur Ségolène Royal en 2002. Le vrai succès de la candidature Mélenchon de 2012 n’est pas d’avoir « récupéré des votes FN populaires », comme il en aurait rêvé, mais c’est simplement d’avoir fait baisser de 12% l’abstention et le vote blanc de l’extrême gauche au second tour, pour les transformer quasi intégralement en des votes apportés au candidat socialiste.

Le problème de Nicolas Sarkozy est que le centre s’est mis à adopter cette attitude anti-démocratique, au nom de la morale, à en croire son président. Peu avant le second tour, les médias nous ont majoritairement expliqué que la majorité des électeurs Modem voterait François Hollande au second tour. Ainsi, le 22 avril, l’institut CSA expliquait-il que les électeurs Modem qui voteraient le feraient à 62% pour François Hollande et à 38% seulement pour Nicolas Sarkozy. Incompétence ? Incantation ? Le fait est quelques jours plus tard, les électeurs du Modem votaient en réalité très majoritairement en faveur de Nicolas Sarkozy, ne suivant que minoritairement le choix personnel de François Bayrou et des médias. Mais en fait, avec des niveaux de votes blancs et d’abstention cumulés de 25% à 30% pour les électeurs Modem du premier tour, ceux-ci ont désormais adopté le comportement des partis extrémistes et non démocrates. Le résultat de cette stratégie « révolutionnaire » est connu : alors qu’en 2012, les électeurs Modem ont majoritairement voté Sarkozy en finale, François Bayrou l’a fait battre. Le centre se retrouve rétrogradé au rang de 5eme parti de France, alors que depuis un demi-siècle sans interruption, il était dans les 3 premiers.

Fort de la sympathie dont il bénéficie là aussi dans les médias, François Bayrou avait réussi à faire croire que son score de 18,6% de 2007 était une victoire personnelle, alors qu’il ne s’agissait jamais que d’un score historiquement classique pour le centre droit Français : Giscard d’Estaing fit 32,6% au premier tour de 1974, il fit 28,3% en 1981, Raymond Barre fit 16,5% en 1988 , Edouard Balladur (investi UDF) fit 18,6% en 1997, avant que François Bayrou l’amène à 6,8% en 2008 et 9,1% en 2012…

A la veille des législatives, rappelons le bilan plus global de François Bayrou depuis 15 ans :

-          En 1997, François Bayrou était secrétaire général de l’UDF, un parti composé de 210 députés

-          Puis il divisa l’UDF et prit la tête d’une Nouvelle UDF à laquelle il restait alors 110 députés

-          En 2003, il refusa de se joindre à l’UMP, il lui restait alors 30 députés

-          En 2007, il créa le Modem. Suite à cela, en 2011, il lui restait 3 députés.

-          En 10 ans, il aura donc mené le centre de 210 députés à 3 députés. Pouvait-on faire pire ?

Nos lois actuelles rappellent qu’un vote blanc est l’équivalent d’un vote nul. On ne saurait mieux dire… 

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