François Bayrou, seul successeur vraiment possible à Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Bayrou.
François Bayrou.
©Ludovic MARIN / AFP

Toutes choses égales par ailleurs

François Bayrou peut être très têtu, mais il sait aussi qu’il ne peut apparaître comme le dynamiteur de la majorité, même relative.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : A l’heure actuelle, François Bayrou accédant à l’Elysée est-il, par élimination, le scénario le plus probable en l’état pour 2027 ?

Jean Petaux : On peut toujours imaginer et concevoir des scénarii. En politique comme en amour, tout est envisageable. Dans cette optique, l’hypothèse d’un François Bayrou entrant à l’Elysée (par la « grande porte » s’entend) n’est pas plus farfelue qu’une autre. Elle ne l’est pas moins non plus. La question de l’âge n’est même plus un obstacle désormais. Né le 25 mai 1951, le Béarnais aura 76 en 2027 et 81 ans à la fin de son éventuel quinquennat. En 1965, cela fera 62 ans en 2027, pour sa réélection (la première au suffrage universel) le général de Gaulle avait 75 ans (deux ans de moins que Bayrou s’il était élu en 2027) et, s’il n’était pas parti, de son plein gré suite au « non » des Français au référendum du 27 avril 1969, il aurait eu 82 ans à la fin de son septennat, en 1972. Sauf que c’était de Gaulle. On évoque, aujourd’hui, le « cas Joe Biden », au point que certains, plaisamment, ironisent désormais sur « Joe Baillerou » : 77 ans lors de son élection à la Maison-Blanche, 81 ans à la fin de son mandat. Je ne dirai surtout pas que le scénario que vous évoquez est le plus probable pour 2027. Il fait partie des possibles en revanche. D’autant que, fait nouveau en France, le président de la République « sortant » est forcément « sorti » autrement dit « empêché » de par la réforme constitutionnelle de l’été 2008, de se représenter. Encore une modification de la Constitution du 4 octobre 1958 qui en aura dénaturé le fond et en déséquilibré la nature.

Si l’on regarde actuellement les oppositions, RN, LR, Nupes ou Reconquête. Y-a-t-il qui que ce soit pouvant espérer prétendre à l’Elysée ?

Jean Petaux : La prochaine élection présidentielle, sauf événement qui viendrait perturber la marche « normale » du temps et bouleverser l’agenda élyséen, est fixée au printemps 2027 (avril ou mai). Autrement dit dans 4 ans et demi. En 54 mois il peut se passer tellement d’épisodes que les quatre propositions que vous formulez peuvent totalement se retourner et contredire la situation actuelle. Qui connaissait, en dehors des quelques passionnés de la vie politique française, le nommé Emmanuel Macron 54 mois avant la présidentielle d’avril-mai 2017 ? Qui savait qu’il avait été nommé en mars 2010 membre de la Commission pour la libération de la croissance, dite « Commission Attali » créée par le Président Sarkozy en août 2017 ? Qui savait même, 54 mois avant son élection à l’Elysée, qu’il en était le secrétaire général adjoint sous le Président Hollande ? On pourrait multiplier les exemples. Se dire d’ailleurs que, peut-être en ce moment, une femme ou un homme, échappant aujourd’hui à la connaissance d’une large majorité de Françaises et de Français, s’installera peut-être dans le fauteuil d’Emmanuel Macron dans 4 ans et demi. C’est cela qui est passionnant dans la démocratie. En tous les cas ce qui la rend nettement plus intéressante à observer et à analyser que le régime de la Corée du Nord… En tous les cas, pour être juste, différemment digne d’intérêt…

Du côté de la majorité, les figures de proues et prétendants potentiels, Edouard Philippe, Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin notamment peuvent-ils vraiment espérer succéder à Emmanuel Macron ?

Jean Petaux : Ces trois personnalités ont quelques longueurs d’avance sur leurs concurrents potentiels dans la majorité présidentielle actuelle en effet. Disons qu’en comparaison avec Franck Riester, Marlène Schiappa ou Dominique Faure (si internet n’existait pas, la réponse à la question : « quelle fonction gouvernementale exerce de Monsieur aujourd’hui ? » aurait valeur de question « super-banco » au « Jeu des Mille Euros » de France Inter…). Plaisanterie mise à part, bien sûr que Philippe, Le Maire ou Darmanin figurent parmi les « possibles » pour succéder à Macron. Tout comme Juppé, Fillon, Copé et quelques autres, en leur temps, pouvaient apparaitre comme des successeurs potentiels à Sarkozy, à droite, après le quinquennat Hollande. On sait ce qu’il en est advenu. Je plaide pour une absence de pronostics désormais. A tout le moins pour une grande modestie dans cet exercice. Il faut, sans doute, aux personnalités que vous citez, une dose de confiance en leur propre destin très supérieure à la moyenne pour s’imaginer président de la République en 2027. Mais s’ils ne le veulent pas à plus de 200%, ils ne parviendront pas à décrocher le trophée. « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre » dit l’adage populaire. Sans doute avec raison. Par contre on ajoutera, sans risque d’être démenti, « Qu’il est vain de vouloir gagner sans l’espérer ».

Le chemin jusqu’à 2027 est encore long, mais l’état de la situation devrait-il encourager à agir pour que l’offre présidentielle ne se fasse pas par élimination ?

Jean Petaux : Vous avez raison : le chemin est encore long. Je l’ai dit. Je ne sais pas ce que vous entendez par « encourager à agir ». Celles et ceux qui ont l’ambition de se présenter à l’élection présidentielle en 2027 doivent déjà échafauder des stratégies, une démarche, un parcours. Autrement dit elles et ils agissent » déjà, même si « on » ne les voit pas. C’est non seulement logique mais sans doute indispensable. D’autres se découvriront, d’abord à eux-mêmes, plus tard, au gré des circonstances, des hasards de la vie politique et, d’abord, des contingences de la vie tout simplement. Mais il est une chose qui, selon moi, relève de l’invariant structurel : une élection présidentielle, tout comme toute compétition, est une « course par élimination ». Un « marathon » dur, darwinien, avec une violence symbolique, parfois même physique, permanente. C’est le propre de la concurrence entre les individus qui représentent plus ou moins des groupes d’intérêt, des communautés, des classes sociales en lutte pour la prise du pouvoir. La démocratie, heureusement, permet de réguler tout cela. D’en codifier le fonctionnement. Tout comme les règles du jeu, dans n’importe quel sport (de combat ou pas) interdisent des gestes, des comportements, l’emploi d’outils interdits ou non prévus, etc. Il arrive parfois que des joueurs trichent, ne jouent pas le jeu, transgressent les règles. Trump et l’ultra-droite américaine ont fait cela en novembre 2020  en poussant le viol de la loi jusqu’à la tentative de prise du Capitole à Washington, le 6 janvier 2021. Ceux-là doivent être punis à la hauteur du crime commis : volonté de détruire la démocratie tout simplement. Cela ne signifie en rien que l’élimination ne demeure par l’une des règles principielles dans  la compétition. Une élimination par le moyen des urnes, autrement dit par ce qui constitue, en dernière instance, la volonté du peuple souverain. Que cela plaise ou non à toutes et tous ceux qui se trouvent ainsi renvoyés dans leurs foyers.

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