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François Bayrou : "Les pouvoirs de Nicolas Sarkozy ne vont pas jusqu'à me dicter ce que je dois faire"
©Reuters

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Nicolas Sarkozy a récemment sommé François Bayrou et Jean-Christophe Lagarde de "s'engager à respecter la règle de la primaire", dans la mesure où tous deux ont décidé de soutenir Alain Juppé. Le président du MoDem a décidé de faire part à Atlantico de sa réponse.

François Bayrou

François Bayrou

François Bayrou est le président du Modem. Il a notamment été député des Pyrénées-Atlantiques de 1986 à 2012 et ministre de l'Education de 1993 à 1997.

Il s'est présenté aux élections présidentielles de 2002, 2007 et 2012.

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Atlantico : Hier, Nicolas Sarkozy vous a demandé de respecter les règles de la primaire et de soutenir le vainqueur quel qu'il soit. Comment comprenez-vous cet appel ?

François Bayrou : Les pouvoirs de Nicolas Sarkozy sont considérables, du moins le croit-il. Mais, en vérité, ces pouvoirs ne vont pas jusqu'à me dicter ce que je dois faire. Je me détermine uniquement en fonction de ma conscience et de l'idée que je me fais de l'avenir du pays. J'ai indiqué depuis deux ans déjà que je ne participerai pas à cette primaire. Je l'ai fait précisément parce que j'avais des doutes sur son principe autant que sur ses résultats.

J'ai donc affirmé que si Alain Juppé sortait vainqueur de la primaire, je le soutiendrais. Cependant, ne participant pas à cette compétition ni à cette consultation, je reste absolument libre de ma décision dans le cas – de moins en moins probable il faut le dire – où le vainqueur ne correspondrait pas à mes principes, à ma vision de l'avenir. Ceci est une décision irrévocable.

Cette mise en demeure est donc déplacée, comme si souvent les déclarations de son auteur.

Le rassemblement derrière le vainqueur, n'est-ce pas la seule manière de faire gagner la droite en 2017 ?

La question, pour moi, n'est pas une question de camp politique. À mes yeux la seule question qui se pose est celle de l'intérêt général. Le seul moyen de faire gagner un candidat, c’est que ce candidat soit convainquant et respecté. Il faut qu'il soit capable de rassembler parce qu'il comprend et applique les principes qui ont fait de la France ce qu'elle est.

Sa vision doit être claire. Son tempérament doit être celui d'un rassembleur, capable de réunir des sensibilités différentes. C'est cela qui lui permettra de l'emporter.

Ne craignez-vous pas de porter la responsabilité de l'échec de la droite en 2017 si vous vous présentez contre Nicolas Sarkozy ?

Le seul risque d'un échec en 2017 c'est le suivant : que les Français se retrouvent avec des candidats qu'ils  n'acceptent pas. Dans ce cas-là, le danger serait immense : il faudrait donc pour conjurer ce risque avancer devant les citoyens et devant la nation une proposition politique différente. Une proposition politique qui permette à la nation de se rassembler et de réformer en même temps. Cela serait le seul moyen d'éviter une catastrophe.

Jean-Christophe Lagarde semble vouloir faire le même choix que vous, soutenir Alain Juppé et pas Nicolas Sarkozy si celui-ci est désigné, n'avez-vous pas le sentiment de ne pas respecter le choix des électeurs à la primaire ?

Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Je vous ai déjà dit à plusieurs reprises que je ne participais pas à la primaire de la droite. Je ne suis d'ailleurs pas étonné de voir que Jean-Christophe Lagarde fasse le même choix que moi. J'ai, depuis longtemps, exprimé la certitude que toutes les sensibilités du centre se retrouveraient derrière Alain Juppé, qui est aujourd'hui le candidat le plus crédible et le plus compatible avec notre sensibilité.

Est-ce que cela signifie que, dans la même configuration qu'en 2012, Nicolas Sarkozy contre François Hollande au second tour, vous appelleriez à nouveau à voter François Hollande bien qu'il vous ait beaucoup déçu ?

C'est une hypothèse non pas improbable, mais "improbabilissime". Il y a à peu près autant de chance de revisiter le match Nicolas Sarkozy-François Hollande au second tour de la présidentielle que d’avoir de la neige le 14 juillet. Cette éventualité est aujourd'hui, et heureusement, totalement écartée. Elle n'est pas envisageable et ne l'est même plus par les rares supporters les plus optimistes de ces deux candidats.

Si vous vous présentez, Alain Juppé a dit qu’il ne vous soutiendrait pas puisqu'il s'est engagé à soutenir le vainqueur de la primaire mais espérez-vous séduire une partie de ses amis actuels ?

Il est normal qu'Alain Juppé s'engage à respecter les règles de la primaire à laquelle il participe et à soutenir le candidat qui en sortira vainqueur.

Néanmoins, je n'ai aucun doute sur ce que serait l'état d'esprit des Français dans l'hypothèse que vous évoquez. Mais comme vous le voyez, ce n'est pas aujourd'hui l'hypothèse probable. L'hypothèse qui se renforce tous les jours, c'est celle d'une victoire d'Alain Juppé, ce qui montrera qu'il sait gagner même en situation risquée.

Dans quelle mesure est-ce que l'on peut voir dans cette dénonciation faite par Nicolas Sarkozy un moyen pour lui de revenir sur ces règles en cas d'échec à la primaire ?

Je suis souvent en conflit avec Nicolas Sarkozy, mais je n'imagine pas que quelqu'un puisse, après avoir orchestré autant de tintamarre autour de cette primaire, s'abstraire du résultat de cette compétition. 

Plus globalement, et quand on voit les questions d'alliances qui se posent, qu'imaginez-vous de l'avenir de la droite ? Le parti des républicains peut-il vraiment faire tenir cette alliance entre ses différents courants ? 

La question très importante qui se pose est évidemment celle de l'organisation de la future majorité. Cependant avant, de savoir quelle sera l'organisation, il faut savoir quel sera le périmètre de cette majorité future. Cela dépendra largement de la configuration du deuxième tour et c'est pourquoi beaucoup de spéculations qui sont formulées aujourd'hui apparaîtront obsolètes quand le moment viendra.

Ce que je sais en tout cas, c'est qu'il est impossible de résoudre les problèmes du pays en l'absence d'une majorité large, susceptible de rassembler des sensibilités différentes. Dans le cas contraire, nous nous retrouverions au bout de quelques semaines avec une minorité pour gouverner, qui serait fragilisée à chaque instant. C'est précisément ce que nous avons eu à voir ces cinq dernières années. Je pense qu'il faut avoir une vision complètement différente de la manière dont les choses seront organisées. La majorité doit être large, elle doit rassembler tous les réformistes de bonne foi. Nous ne pouvons pas laisser le pays dans l'état où il est aujourd'hui.

En quoi finalement il pourrait manquer à la vie politique française un parti comme l'UDF, qui réussissait à réunir autant les démocrates centristes que certains démocrates chrétiens ?

Ce que je sais, c'est que la France a besoin d'un centre fort, rassemblé et large. Ses deux mots d'ordres doivent être les suivants : unité et indépendance. Je ne ménage pas et ne ménagerai pas mes efforts pour que ce centre se rassemble et s'organise dans la période qui vient.

Dans le cas où Alain Juppé sortirait vainqueur de la présidentielle, comment comptez-vous peser au cours d'un tel quinquennat ?

Je lui apporterai mon soutien, mon concours, ainsi que toute l'aide possible en tant que responsable et expression d'un courant politique très important et original. Notre courant nouveau, essentiel à la majorité future, il faut le construire et l’inventer.

Propos recueillis par Vincent Nahan

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