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La démocratisation des vacances 
en panne depuis 25 ans
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A domicile

Près de 45 % des Français ne partiront pas en vacances cette année. Une proportion élevée, mais pas inhabituelle. Cela fait déjà 25 ans que la démocratisation des vacances ne progressent plus en France.

Jean Viard

Jean Viard

Jean Viard est directeur de recherches CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Il est spécialiste des temps sociaux (les 35 heures et les vacances), des questions agricoles et de l'aménagement du territoire. 

Il est l'auteur de Penser les vacances (Editions de l'Aube, 2007), et Eloge de la mobilité : Essai sur le capital et la valeur travail (Editions de l'Aube, 2008) et plus récemment de : La France dans le monde qui vient aux Editions de l'Aube.

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Atlantico : Selon une étude Obea-InfraForces pour 20Minutes et France Info, 45 % des Français ne partiront pas en vacances cette année. Est-ce que c'est plus que d'habitude ?

Jean Viard : Il n'y a rien de nouveau. Il faut se rendre compte que les vacances restent toujours un produit de luxe. Il y a, selon les années, entre 40 et 45 % des Français qui ne partent pas en vacances.

Cependant, ceux qui ne partent pas ne sont pas tous des exclus économiques. Il y en a qui habitent au bord de la mer, sans oublier les personnes malades, les femmes enceintes, et ceux qui ont horreur de voyager. Il y a donc environ 25 % des Français qui ont très envie de partir en vacances, mais qui ne peuvent pas se les payer, notamment des jeunes dans les quartiers populaires. 
Avant les années 50, il était rarissime de partir en vacances. L'image des départ massifs s'est installée entre les années 60 et 80. Ces gens qui se sont mis à partis en vacances, en plus des gens aisés qui le faisaient déjà, étaient majoritairement dans des comités d'entreprise, des fonctionnaires, des enseignants, etc. Cette démocratisation des départs en vacances a atteint un plafond autour de 60 à 65 % il y a environ 25 ans, et depuis on ne s'en occupe plus. Ceux qui ne partent pas sont ceux qui ne travaillent pas dans les grandes entreprises, qui ne sont pas fonctionnaires, sont un peu âgés, habitent dans les quartiers dits "en difficulté", ne sont pas d'origine européenne. Ils ont plusieurs raisons d'être moins intégrés que les autres, et personne ne se préoccupe vraiment d'eux.
Comment voulez-vous qu'un jeune qui ne part jamais en vacances sache circuler pour aller travailler, qu'il rencontre une jeune fille ou un jeune garçon différents de ceux qui habitent dans le même immeuble ? Ce sont les vacances qui nous apprennent à nous déplacer, à prendre le train ou l'avion. Il y a une partie de la société qui n'a jamais découché. 18 % des Français n'ont jamais dormi dans un lit autre que le leur. Il y a une politique de générations à mener. Les communes s'occupent des écoles. Il faut qu'elles fassent partir les enfants, pas forcément très loin - il suffit parfois d'aller à 20 kilomètres pour se sentir en vacances. Les départements doivent s'occuper des collégiens, dont personne ne gère le temps libre, et les régions des lycéens. Si on mettait cela en place, avec une responsabilité politique, cela aiderait beaucoup les jeunes à bouger et à s'intégrer dans la société.

Dans quelle mesure la crise économique a-t-elle impacté les départs en vacances ?

Il y a 25 millions de salariés en France. Tout le monde n'a pas perdu son emploi. Il faut relativiser. En 1945, on était revenu au PIB de 1900. On avait reculé de deux générations. Nous, on a reculé de trois ans ! Certains Français ont peur du chômage et il y a entre 600 et 800 000 chômeurs de plus qu'il y a trois ans. Mais ce n'est qu'une petite partie de la société. Les gens vont donc partir quand même, mais ils vont dépenser moins d'argent. Au lieu de partir deux semaines, ils partiront 10 jours. Au lieu d'aller au restaurant trois fois dans la semaine, ils n'iront plus qu'une fois. Ce n'est pas tant que l'on part moins, mais que l'on part autrement : on va chez des amis, les campings sont encore plus pleins que d'habitude, de façon à économiser 100 ou 200 euros sur les vacances. 
Il ne faut pas oublier aussi que depuis une dizaine d'années, les Français se sont achetés des téléphones portables et en ont donnés à leurs enfants. Ils ont des abonnements à Canal Plus. Cela leur coûte à peu près entre 150 et 300 euros par mois. Or, ils prélèvent cette somme sur leur budget loisirs, et ils la récupèrent sur le budget vacances. Face à la possibilité d'avoir davantage d'objets de consommation, ils font des choix. 

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