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Sans les Américains, une intervention "à la libyenne" est impossible en Syrie
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La France a pris la tête du conseil de sécurité de l'ONU ce mercredi. De quoi changer la situation en Syrie ?

Mathieu  Guidère

Mathieu Guidère

Mathieu Guidère est islamologue et spécialiste de veille stratégique. Il est  Professeur des Universités et Directeur de Recherches

Grand connaisseur du monde arabe et du terrorisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Choc des révolutions arabes (Autrement, 2011) et de Les Nouveaux Terroristes (Ed Autrement, sept 2010).

 

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Atlantico : La France a pris la tête du conseil de sécurité de l'ONU ce mercredi. Peut-elle ainsi, d'une manière ou d'une autre, changer la situation en Syrie ?

Mathieu Guidere : La situation en Syrie ne va pas changer, malgré ce changement de statut. En revanche, le mouvement diplomatique peut être accentué, l’action de la France va se renforcer. La France peut ainsi amener le dossier vers d’autres perspectives que celles que l'on voit actuellement. Pour mémoire, depuis le début du conflit, il y a déjà eu deux vétos, de la Russie et de la Chine. Avec la présidence française, on se dirige vers une politique où le véto ne pourra pas se mettre en place.

Aujourd’hui, le bloc russe, chinois, iranien et syrien présente la situation comme une guerre civile. Or, ce n’est pas le cas. Je pense qu’il faut ramener les choses à ce qu’elles sont, c’est-à-dire une attaque contre les civils. Aujourd’hui, Alep, la deuxième ville du pays, est attaquée. Plus de 200 000 personnes l'ont évacuée sur une population de plus de deux millions d’habitants. L’armée est tout autour de la ville avec plus de 170 chars, elle est bombardée avec des avions (Mig 21) et des hélicoptères. Les attaques ne sont pas ciblées mais aléatoires. On se trouve donc dans une situation de massacres à l’arme lourde contre les civils. Les habitants d’Alep se retrouvent dans un conflit entre l’armée et les insurgés. Ils sont coupés de tout, n'ont plus électricité ni eau. Ce contexte rappelle ce qui s’est passé auparavant à Homs ou Hama.

Il y a donc un devoir de protection envers les civils. Je présume que la France va agir dans ce sens-là pour établir une résolution. En outre, l’autre défi est, je pense, de ramener cette situation à ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire ni une guerre contre le terrorisme comme le présente le régime syrien, ni une guerre civile, mais tout simplement un régime qui utilise des armes de guerre lourdes contre la population civile.

La Russie et la Chine ont toujours refusé la moindre intervention, peuvent-ils changer d’avis ? En cas de refus, y-a-t-il des alternatives ?

Je pense que la Chine et la Russie ne vont pas changer d’attitude, même si les deux pays commencent à ne plus y croire. En donnant plus de temps à Bachar el-Assad, ces deux pays pensaient  que le régime allait  arriver à bout de ces poches d’insurrections. Or, il s’avère qu'après 15 mois de combats, il n’y arrive pas.

Le régime est maintenant discrédité par toutes ses actions, Bachar el-Assad ne peut plus revenir en arrière, il lui sera difficile de continuer à gouverner après les massacres qu’il a ordonné. Le régime a orchestré des crimes de guerre. De ce fait, Bachar el-Assad ne peut pas se maintenir indéfiniment, il est condamné, car le peuple syrien ne l’acceptera pas. La Chine et la Russie peuvent selon moi lâcher le clan Assad car il ne représente plus une alternative viable sur le long terme, même pour leurs intérêts. Il y aura donc une marge de manœuvre possible dans le choix de l’individu qui va remplacer Bachar el-Assad. Sur ce point, on peut assister à un compromis entre les différents membres du Conseil de sécurité.

Nicolas Sarkozy a insisté sur son action dans la crise libyenne. BHL a reproché à François Hollande de ne pas être assez volontariste sur le dossier syrien. Que penser de l'action menée par le président actuel ?

On a changé de président. François Hollande est différent à la fois dans le caractère et dans l’approche des choses. Nicolas Sarkozy était activiste et volontariste, lui est plus consensuel, il essaye de trouver une solution pour satisfaire le plus de partenaires possibles. Pour autant, la position française de MM. Juppé et Fabius n’a quasiment pas changé, elle est presque la même. Les méthodes ont changé. Le président Sarkozy aurait agi en dehors du Conseil de sécurité avec les partenaires les plus motivés. Ce n’est pas la méthode du président Hollande.

D’après vous, la Syrie va-t-elle être une nouvelle Libye, en termes d'intervention militaire ?

Non, je crois que le cas libyen ne se reproduira pas, notamment en raison de l’absence des Américains. Malgré le retrait de Barack Obama sur la question, l'intervention en Libye a été possible car les Américains ont apporté un soutien logistique, un appui aérien et un partage de renseignements. Ce sont les Américains qui ont permis l’action en Libye.

Pour le cas syrien, il arrive au moment des élections. Le positionnement des deux candidats actuels, à savoir Barack Obama et Mitt Romney, est différent. Obama est concentré sur l’élection, ce n’est pas le moment de faire un faux pas. Romney est plutôt interventionniste, il n’arrête pas de critiquer l’inaction de Obama sur ce dossier. A moins que Mitt Romney soit élu (le résultat sera connu le 20 novembre), il ne faut pour l’instant pas compter sur un appui américain. Et le poids américain, on en peut pas envisager « une intervention à la libyenne » en Syrie.

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