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Football féminin : pas d’effet Coupe du monde pour les clubs français
©FRANCK FIFE / AFP

Rentrée décevante

La Coupe du monde féminine de football en juin dernier a permis à cette discipline de connaître un immense succès sur le plan médiatique. L'engouement n'aurait malheureusement pas entraîné une augmentation du nombre de licenciées dans le football français.

Pierre Rondeau

Pierre Rondeau

Pierre Rondeau, professeur d'économie et doctorant, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonnevient de publier "Coût franc, les sciences sociales expliquées par le foot" (Bréal)

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Atlantico.fr : En juin dernier, la Coupe du monde féminine de football a rencontré un énorme succès médiatique. La ministre des Sports, Roxana Maracineanu se disait convaincue que cet engouement entraînerait une progression du nombre de licenciées. Qu'en est-il dans les faits ?

Pierre Rondeau : Concrètement, tant au niveau de la pratique qu’au niveau des audiences ou de la billetterie, on ne peut pas dire qu’il y ait eu un effet mondial. Dans l’inconscient collectif, certes, le football féminin s’est banalisé, s’est normalisé. Il n’est plus choquant ou étonnant de voir des filles, des femmes, jouer au foot. Une joueuse est aussi normale qu’un joueur, et c’est bien normal.

Seulement, alors que l’Euro 2016, en France, et surtout la victoire des Bleus en 2018, ont eu un réel impact sur la fréquentation dans les stades (encore cette saison, on compte une hausse de 5,2% des abonnements dans les stades de Ligue 1), l’organisation de la coupe du Monde féminine n’a pas eu l’effet escompté. Les stades restent désespérément vides et les demandes de licences n’ont pas explosé au sein des sections féminines. Dans les médias, à la télévision, Canal+ est toujours le diffuseur principal de la Division 1 Arkéma mais son déploiement reste faible. La faute à de mauvaises audiences et à un manque d’intérêt. Le PSG et Lyon sont malheureusement les deux réussites qui cachent une forêt de déception et de retard.

Pourquoi l'engouement suscité par la Coupe du monde ne s'est-il pas traduit par une augmentation du nombre de licenciées femmes dans le football français ?

On monte aujourd’hui à plus de 180 000 licenciées en France, sur les quelques 2 millions de licences enregistrées par la Fédération Française de Football. La fédé avait visé, dès la fin des années 1990 l’objectif des 200 000 en 2020, il reste un an et nous en sommes malheureusement loin.

Pourtant la FFF est très active depuis de nombreuses années et fait tout pour développer et médiatiser le foot féminin. Elle ne peut pas être rendue responsable de ce semi-échec. Rappelons qu’il n’y avait que 34 997 licenciées lors de la saison 1999-2000, soit une hausse de 414% en 20 ans, c’est extraordinaire.

Pour cette rentrée 2019, la fédé, par la voix de Brigitte Henriques, espérait une augmentation des licenciées de 15%, soit 5 points de plus chez les garçons, après le sacre des bleus, en juillet 2018. Seulement, malgré toutes les meilleurs volontés du monde et une véritable action pour le foot féminin, si le pays ne dispose pas assez d’infrastructures, il ne pourra jamais accueillir tout le monde.

Cela fait des années que le budget du ministère des sports ne cesse de chuter, que les subventions publiques en faveur du sport disparaissent comme neige au soleil, que la hausse des dotations ne sont destinés qu’aux infrastructures et investissements pour les grandes compétitions sportives internationales, comme les Jeux Olympiques de Paris, en 2024, et rien pour les villes et les communes, pour les pratiquants et les pratiquantes, pour le monde amateur.

La France manque de terrains, manque de structures, manque de moyens pour les clubs amateurs. Et la politique n’arrête pas ce traitement. Encore récemment, le gouvernement a supprimé les emplois aidés, jusqu’ici indispensables dans le fonctionnement et l’organisation du monde amateur.

Les clubs ne font que survivre, ils ne peuvent plus répondre à leur devoir premier, celui de rendre un service public de proximité, celui de garantir à toutes et tous la pratique du sport de façon inconditionnelle et absolue. Sans moyen, sans terrain, sans aide, comment les clubs peuvent-ils accueillir toutes ces filles qui, durant l’été, ont admiré les exploits de Megan Rapinoe et d’Amandine Henry ?

Si la coupe du monde 2019 n’a pas suscité les effets escomptés, le gouvernement et le pouvoir politique y sont un peu pour quelque chose. Si l’on veut développer le sport féminin, on peut. Il ne suffit pas d’attendre …

Quelles mesures ou décisions auraient pu être prise pour transformer un engouement passager en engouement réel ?  Tout l'intérêt suscité par cette Coupe du monde est-il retombé ? 

Malheureusement, l’argent reste essentiel pour développer et renforcer le sport féminin, tant au niveau de ses structures qu’au niveau de son engouement. Cela coûte cher oui, mais les effets multiplicateurs sont sans commune mesure. Seulement, les fonds restent concentrés sur l’organisation des grandes compétitions sportives internationales, avec un budget du ministère des sports qui va augmenter, avec le PLF2020, de 35%, de 525 à 710 millions d’euros, gonflé en partie par une hausse de 64 millions d’euros en faveur de la Solideo, chargée de financer la construction et la rénovation des infrastructures sportives pour les JO de Paris en 2024 (le reste de la hausse étant affecté à la rémunération des conseilleurs techniques et sportifs). Quid du soutien pour les clubs amateurs ? Quid du soutien pour la rénovation des terrains, dont plus de 80% seront obsolètes en 2030 ?

On fait beaucoup pour la réputation de la France à échelle internationale mais rien pour les françaises et les français directement.

Si le pays veut devenir une place forte du foot féminin, il n’a qu’à s’en donner les moyens et agir efficacement, car nous en avons le potentiel et surtout l’envie.

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