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FN : l’électorat résiste mieux que la visibilité du parti dans les médias
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

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Un sondage Ifop Sud Radio/Paris Match estime que le Front National est devenu aujourd'hui la 3e force politique du pays, derrière la France Insoumise et Les Républicains. Mais c'est un statut probablement très provisoire.

Emmanuel  Galiero

Emmanuel Galiero

Journaliste politique au Figaro, Emmanuel Galiero suit les partis souverainistes, le Modem, mais aussi la politique à Paris et à l'échelon de la région Ile-de-France. 

Emmanuel Galiero est le co-auteur notamment de Grandir à Marseille dans les années 1940 et 1950 aux éditions wartberg.

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Atlantico : Alors qu'il était parvenu à se hisser au second tour de l'élection présidentielle, le Front national est aujourd'hui placé 3e force d'opposition en France (20%), selon un sondage IFOP Paris Match Sud radio, derrière la France Insoumise (37%) et les LR (26%). Faut-il voir dans cette baisse une remise en cause de la capacité de Marine Le Pen à remporter un jour l'élection ? Comment interpréter que seuls 63% des électeurs de 1er tour de Marine Le Pen voient le FN comme principale force d'opposition ? 

Emmanuel Galiero : Ce parti avait eu plus de 10 millions d'électeurs au second tour de la présidentielle et on peut se poser des questions sur le dynamisme de cet électorat. Les seuls repères électoraux que l'on ait aujourd'hui sur l'exposition et son affirmation en tant que force d'opposition sur la scène politique sont des élections récentes.

Les législatives partielles qui ont vu la victoire de LR, on a aussi montré un affaissement de l'électorat FN, mais dans des contextes où ce même électorat ne pouvait pas se mobiliser puisqu'ils savaient qu'ils n'avaient aucune chance de gagner.

Deuxième élément : les élections territoriales en Corse. En Corse on sait que l'électorat FN était puissant pendant la présidentielle mais qu'une partie de cet électorat se reporte sur les nationalistes au niveau local. Ce n'est pas non plus forcément un élément représentatif.

Malgré tout, partout on a vu un affaissement de l'électorat dans un contexte où le FN, qui ne dispose pas d'une force politique suffisamment forte pour avoir un groupe à l'Assemblée nationale, peut sembler être sorti des radars. Et ce malgré une tournée nationale engagée auprès des militants par Marine Le Pen alors qu'elle est en train de préparer son congrès de mars à Lille. Congrès où elle a promis d'engager la reconstruction du FN du sol au plafond.

Le FN est dans une phase intermédiaire où il n'a pas le poids qu'il avait avant la présidentielle, c'est certain. Mais il n'y a pas de quoi dire que son électorat s'est définitivement effondré. Un élément qui permet de douter de cette approche c'est un sondage qui a été fait sur les Européennes. Ce sondage avait situé le FN à 17% dans un contexte où les macronistes atteignaient les 24 ou 26% et les LR étaient à 12%. C'est bien la question européenne qui est le fond de l'argument politique du FN dans ce nouveau clivage et qui sera le socle de leur nouvelle stratégie politique entre les nationalistes et les mondialistes. Sans faire campagne le Front était crédité de 17%, et c'est révélateur d'une forme de résistance de ce parti qui garderait un socle puissant d'électeurs.

Lorsque l'on écoute LREM qui est aujourd'hui la première force politique en France et qui a été un des acteurs de l'explosion des partis politiques, lorsqu'on observe le débat pro-européen versus anti européen au sein de la droite (qui est en difficulté sur ce thème à cause de son éclatement et des différents courants), lorsqu'on regarde les différentes positions sur la question européenne, on voit principalement une opposition entre les pro-européens de LREM et les anti-UE qui sont le FN.

Dans ce contexte il n'est pas étonnant que certains frontistes pensent que Marine Le Pen incarne encore une force d'opposition. Les prochaines élections qui seront les européennes et les municipales seront peut-être pour le Front un mouvement de relance de cet électorat qui les attend pour la défense des "oubliés" des "plus fragilisés" contre le "mondialiste Macron", le "banquier" qui voudrait les spolier et s'en prendre aux couches les plus faibles.

C'est le scénario que le Front National veut faire en vue des européennes. Et visiblement aussi celui que Macron espère avoir.

Depuis la rentrée 2017, et la baisse relative de la France Insoumise dans son rôle d'opposition, le FN n'est pas parvenu à reprendre la main, voyant ses scores stagner, au contraire des LR, qui progressent de 4 points (de 22 à 26%) depuis septembre 2017. Comment expliquer cette "contre-performance" ?

Il y a plusieurs éléments. Les Républicains avec leur actualité ont beaucoup occupé le terrain avec l'élection interne de Laurent Wauquiez. Lors de l'Émission Politique puis à la suite des bons scores qu'il a faits, Laurent Wauquier s'est exprimé sur des thématiques qui sont ouvertement FN. Les Républicains ne nient d'ailleurs plus vouloir aller chercher les électeurs du Front National.

Et de l'autre côté, la France Insoumise qui dispose d'un groupe à l'Assemblée Nationale a aussi pu bénéficier d'une tribune plus médiatique.  Tout cela a fait que le Front National est resté assez logiquement, sans parler de ses problèmes internes, à des niveaux similaires.

Autre phénomène important, le FN en tant que parti d'opposition était sur une très bonne dynamique depuis les municipales de 2014. Il a été stoppé net à la présidentielle. On peut imaginer que cela a suscité des déceptions très fortes auprès de son électorat. Cela ne veut pas dire que l'électorat a disparu ou qu'il s'est effondré mais plutôt qu'il y a eu un réflexe défensif après ces événements qui a impliqué de resserrer les rangs chez les militants.

Comment anticiper les enjeux futurs du Front National, notamment dans la perspective de la tenue du congrès des Patriotes de Florian Philippot, ce 18 février prochain ? 

Aujourd'hui il est difficile de comparer ces deux écuries. L'une a un socle historique, une marque et une emprise et l'autre est une force politique nouvelle qui ne s'est illustrée pour l'instant qu'en opposition au Front National. Florian Philippot est un excellent client pour décrypter les fragilités de son ancien parti puisqu'il y a exercé un certain nombre d'années à un poste clé.

Il faudrait désormais qu'il trouve des moyens financiers pour s'en sortir et cela s'annonce compliqué, car sa formation a été lancée en s'appuyant sur les bonnes volontés. Mais le nerf de la bataille, c'est bien souvent l'argent, et il lui en faut pour financer une campagne pour les Européennes. En plus d'arriver à la financer, il lui faudra atteindre un certain seuil dans les votes pour être en mesure de la rembourser… Les Européennes marqueront donc pour les Patriotes soit un rebond, soit la disparition de son mouvement.

Aujourd'hui l'enjeu pour le FN est plutôt de créer des alliances, comme Marine Le Pen l'a déjà fait avec Debout la France de Dupont-Aignan. Il va leur falloir changer la culture du parti qui n'était pas toujours très favorable aux alliances car définitivement plutôt vers cette stratégie que le FN penche aujourd'hui.

Potentiellement, créer une formation commune à droite en jouant sur la dynamique anti-européenne, souverainiste, qui est très forte en Europe. Si elle est portée par le FN, ce serait le mouvement très plus puissant mais cela ne passe plus forcément par des têtes de liste frontistes aujourd'hui. Et ce serait un changement de taille dans la culture du parti, puisque les têtes de listes aux européennes ont toujours été alliés des Le Pen jusqu'ici. Dans le cadre d'une alliance, cela pourrait être l'objet d'un accord. Cependant, il nous faut rester prudent tant 2019 est encore loin. Et les présidentielles nous ont enseigné une certaine humilité en matière de prévisions hâtives !

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