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Financements européens de l'agriculture, où va-t-on ?
©JOHN THYS / AFP

Toujours moins

La présentation faite par la Commission européenne du budget 2021-2027 de la politique agricole commune (Pac) a valu de très nombreuses réactions, majoritairement négatives en France. Principalement en raison de la baisse du budget. Au-delà, la question d'une véritable vision de ce que doit être la politique européenne de l'agriculture et de l'alimentation reste posée.

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey

Antoine Jeandey est journaliste et auteur de « Tu m’as laissée en vie, suicide paysan veuve à 24 ans ».

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WikiAgri est un pôle multimédia agricole composé d’un magazine trimestriel et d’un site internet avec sa newsletter d’information. Il a pour philosophie de partager, avec les agriculteurs, les informations et les réflexions sur l’agriculture. Les articles partagés sur Atlantico sont accessibles au grand public, d'autres informations plus spécialisées figurent sur wikiagri.fr

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Le moins que l'on puisse écrire est que l'annonce officielle de la base de la discussion pour le budget de la Pac 2021-2027 (si ces dates ne rechangent pas d'ici là, il est question de reculer le Brexit à 2023, ce qui modifierait la donne) par la Commission européenne n'a pas fait l'unanimité. Déjà, on commence par une baisse sensible des budgets alloués à l'agriculture. A cela deux raisons, le Brexit d'une part (le Royaume-Uni donnait plus qu'il ne recevait), et de nouvelles missions européennes à financer (défense, sécurité, migrants, et même une politique numérique) sans rien demander en plus aux Etats, donc en piochant dans l'enveloppe actuelle, elle de la Pac.

Cette baisse est annoncée de 5 % par la Commission européenne, et semble très probablement supérieure à 15 % dans les faits, selon différents calculs, dont ceux que WikiAgri vous fournissait dès le 21 février dernier. Selon la vocation affichée de la Commission européenne, elle ne devrait pas être ressentie par les "petits" agriculteurs, puisque un système de plafonnements des aides est mis en place : "A partir de 60 000 euros les paiements directs deviendront dégressifs, puis plafonnés à 100 000 euros", explique un article du Figaro. Ce dernier aspect est d'ailleurs salué par un député européen, le socialiste Eric Andrieu, très critique par ailleurs sur le reste du texte. Reste à vérifier en pratique que ceux qui, aujourd'hui, ne se sont pas regroupés et donc ne perçoivent pas des aides au-delà de 60 000 € y trouveront effectivement leur compte...

Réactions très négatives en France

Par ailleurs, autre aspect, la Commission européenne encourage une subsidiarité plus importante qu'à présent, comprenez que chaque Etat aura davantage de liberté dans ses choix pour son agriculture... Je suppose que cette dernière clause est directement issue des négociations pour la Pac précédente, au départ relativement contraignante pour tout, et finalement plus lâche après d'âpres négociations... ce qui n'a pas empêché les Etats (dont la France) d'évoquer la "faute à l'Europe" lorsque quelque chose n'allait pas. Pour autant, cette "liberté" accrue n'en est une que pour les gouvernants, pas pour les agriculteurs. Plusieurs risques sont mis en avant par l'ensemble des syndicats mais aussi la très grande majorité des parlementaires européens qui suivent l'agriculture. Economiquement, la distorsion de concurrence. D'un point de vue environnemental : la possibilité laissée aux Etats de choisir des normes différentes. La députée européenne Angélique Delahaye parle d'une "politique agricole de moins en moins commune", Michel Dantin va encore plus loin en remettant en cause les trois mots, "politique", "agricole" et "commune" (sur le même ton que la tribune diffusée sur WikiAgri la veille de l'officialisation du texte par la Commission européenne). Eric Andrieu "s'inquiète de la renationalisation de la Pac". L'eurodéputé Vert José Bové, quant à lui, estime que "tant que les conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ne seront pas connues et validées, il est impossible de définir le budget de l'Union européenne, donc de savoir quel pourra être l'enveloppe financière pour l'agriculture et l'alimentation".

Par ailleurs, la Fnsea a demandé au Conseil de l'Europe et au Parlement européen de "tenter un rattrapage dans les mois à venir, à défaut, il faudra une nouvelle copie rapidement avec la nouvelle Commission en 2019". En mettant le doigt au passage sur un élément qui va obligatoirement compter : bien avant 2021 et le début de la future Pac, il y aura l'année prochaine, en 2019, les élections européennes. Les parlementaires européens vont changer (ou devront être réélus pour ceux qui se représenteront), et la Commission européenne aussi ! Donc, d'une part, les parlementaires européens qui vont commencer le travail des amendements ne seront pas forcément les mêmes que ceux qui le finiront, et la Commission européenne aussi peut elle-même évoluer. Cela signifie-t-il pour autant qu'il ne faut rien faire aujourd'hui ? Bien sûr que non ! Chacune et chacun avec ses convictions avance dans l'action. Par exemple, Eric Andrieu a communiqué qu'il allait poser une question sur une différence de 15 milliards d'euros (une paille !) qu'il a observée dans les documents sur le budget du développement rural.

Mais quel rôle joue donc le gouvernement français par rapport à la baisse du budget de la Pac ?

C'est très compliqué de connaitre exactement le rôle de la France. La position officielle a été donnée par Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, en répondant à une question à l'Assemblée nationale : la France s'oppose à une baisse drastique du budget de la Pac, a-t-il déclaré. Le même Stéphane Travert communique également sur son compte Twitter sur un mémorandum pour le maintien du budget de la Pac, signé par la France, mais aussi par l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, la Finlande et la Grèce.

Mais alors, comment expliquer que la Commission européenne justifie la baisse du budget européen par une demande de... la France ? En présentant devant le Parlement européen les grandes lignes de la proposition de budget de la Pac par la Commission européenne, le représentant de cette dernière s'est emporté face aux doubles langages (voir le twitt de Michel Dantin ci-dessous qui a su saisir cet instant en vidéo) :

Toute la question est de savoir où est le discours de façade, et où se situe la vérité. La Commission européenne utilise-t-elle une soi-disant position française bancale pour se justifier ? Ou à l'inverse ce sont nos gouvernants nationaux qui pratiquent le double langage pour rassurer d'un côté pendant qu'ils s'orientent parallèlement pour d'autres options de l'autre ?

Dans les semaines qui viennent, la façon dont la France finira par accepter, ou non, la baisse du budget de la Pac, donnera les réponses à ces questions. Impossible aujourd'hui de savoir si la Commission européenne a obéi à l'un des plus importants pays agricoles de son territoire, ou si elle cherche désespérément à justifier sa propre initiative.

Cet article parait également sur WikiAgri, enrichi de réactions supplémentaires.

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