Fin des restrictions sanitaires : mais comment expliquer que les Français aient accepté autant d’atteintes à leurs libertés sans moufter ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants opposés au pass sanitaire lors de la pandémie de Covid-19.
Des manifestants opposés au pass sanitaire lors de la pandémie de Covid-19.
©Fred SCHEIBER / AFP

Etat d'urgence sanitaire

La loi du 30 juillet 2022 a mis fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 et a abrogé, depuis le 1er août 2022, les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire et à la gestion de la crise sanitaire. Placer ces décisions sous l’égide du « bien commun » a-t-il empêché toute débat de fond sur la justification des atteintes aux libertés ?

Chantal Delsol

Chantal Delsol

Chantal Delsol est journaliste, philosophe,  écrivain, et historienne des idées politiques.

 

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Atlantico : La loi promulguée le 30 juillet 2022 a abrogé expressément, à partir du 1er août 2022, les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire ainsi que le régime de gestion de la crise sanitaire instauré par la loi du 31 mai 2021. Les mesures de confinement, couvre-feu, mais également de passe sanitaire ne pourront plus être édictées, sans une nouvelle loi. Comment expliquer que pendant plus de deux ans, nous ayons accepté ces restrictions sans véritablement de réaction ?

Chantal Delsol : Bien sûr on peut commencer aujourd’hui, avec davantage de recul, à tirer des leçons de cette crise de deux ans. Je crois que les conséquences morales et psychologiques sont désastreuses, parce que les gouvernants n’ont pas pris la bonne mesure des choses. Ils ont traité la pandémie de Covid comme s’il s’agissait de la peste bubonique : tout a été excessif et l’affolement a été mauvais conseiller. Une pandémie de Covid n’est pas la guerre, quoiqu’en ai dit notre président. Une guerre est quelque chose de beaucoup plus grave – comment nos gouvernants vont-ils réagir quand ils se trouveront devant une vraie guerre ? Affolés, nos gouvernants ont été jusqu’à interdire les comportements les plus simplement humains et les plus nécessaires – les personnes âgées privées de visite, les familles privées de voir leurs mourants : tout cela sera compté comme la folie honteuse de gouvernements récusant la simple morale par affolement. Enfin, les gouvernants affolés n’ont cessé de nous mentir (inutile de rappeler les mensonges que chacun connait bien), et par là, ont perdu tout à fait la confiance d’une grande partie de leurs concitoyens. Ce n’est pas un hasard si aux dernières élections, la moitié de la population française a voté pour des partis extrêmes, qui se caractérisent avant tout par la défiance. Rien de bon ne pourra sortir de tout cela.

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Placer ces décisions sous l’égide du « bien commun » a-t-il empêché toute débat de fond sur la justification des atteintes aux libertés y compris au niveau parlementaire ?

Ces décisions ont surtout été placées sous l’égide de la situation exceptionnelle, au nom de laquelle les gouvernements ont tout pouvoir et au nom de laquelle l’obéissance complète est requise. Et naturellement, une situation de pandémie, surtout au début quand la maladie était mal connue, est une situation exceptionnelle qui requiert un pouvoir vertical. Cependant, tout le problème est dans l’appréciation de la gravité de la situation. Quand un gouvernement voit le Covid comme une peste bubonique, de celle qui décimait la moitié de la population, il va se permettre d’interdire aux familles de parler à leurs mourants. Il faut dire que dans cette affaire, et comme partout, les gouvernements ne sont que l’image de leur population : l’individu occidental post-moderne est un hygiéniste pour lequel la santé corporelle dépasse en importance toutes les autres considérations. Il était donc assez logique de demander aux grands-parents de déjeuner à part le soir de Noël, considérant leur santé corporelle comme plus importante que leurs relations familiales.

Quel était le débat philosophique et politique qui aurait dû avoir lieu ?

Il est presqu’impossible de débattre en période de situation exceptionnelle. L’urgence et la gravité emportent tout, font taire les mécontents et confèrent aux pouvoirs une majesté incontestable : l’obéissance ou la mort ! C’est maintenant que les débats vont avoir lieu, peut-être. Mais ils sont très difficiles. Ceux qui n’ont pas confiance dans les gouvernants sont traités de complotistes. Nos sociétés se radicalisent et refusent le débat. La pandémie a accéléré cette tendance présente depuis longtemps.

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Faut-il craindre que l’état d’exception tel qu’il a été instauré pour le Covid fasse jurisprudence ? Notre réaction face aux restrictions liées au Covid, laisse-t-elle penser que nous accepterons à nouveau sans broncher des décisions futures similaires ?

Si l’Assemblée n’était pas constituée essentiellement de partis extrêmes qui ne croient plus un mot de ce qu’on leur dit, le gouvernement aurait surement reconduit les mesures d’exception. Pourquoi ? Non pas parce que les laboratoires cherchent à s’enrichir encore, ni parce que des citoyens réduits à des pions sont plus faciles à mater (c’est ce que nous entendons partout chez les électeurs de Mélenchon, Zemmour, Le Pen) – mais simplement : par affolement.

Pour finir : d’où vient cet affolement des gouvernants ? Du fait qu’à présent nos gouvernants sont des administrateurs, des bureaucrates et non des politiques. Ils ne savent pas que la réalité politique est tragique.

Pour lire l'analyse de Christophe De Voogd sur ce sujet, cliquez ici.

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