Les FARC ou un demi-siècle de guérilla et 100 000 morts : pour aller où ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les FARC ou un demi-siècle 
de guérilla et 100 000 morts : 
pour aller où ?
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Marx et ça repart

Alfonso Cano, 63 ans, à la tête de la guérilla des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) depuis 2008, a récemment été tué dans des combats. Son décès pose la question de l'avenir de l'organisation terroriste.

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie est journaliste et écrivain. Il est notamment l’auteur de Les Farc ou l’échec d’un communisme de combat (Publibook, Paris, 2005).

 

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Avec  la mort au combat de leur chef, Alfonso Cano, les FARC se retrouvent dans un inextricable dilemme. Les voilà obligées d'introniser à la hâte un nouveau numéro un, mais elles ne sont en état ni de le protéger durablement à l’intérieur de la Colombie ni de se doter d’une nouvelle ligne politique. Le «secrétariat» des FARC, l’organe de pilotage de l'organisation terroriste composé  de sept membres, a dit trois choses dans sa laconique déclaration du 5 novembre dernier: qu’ils ne sont pas prêts à se démobiliser, qu’ils sont convaincus qu'ils vont gagner la guerre et que leur ligne ne changera pas d’un iota: «Il y a déjà une politique définie et elle va continuer ». Mais c’est cette ligne politique qui a, en l’occurrence, conduit Cano à sa perte.

Alfonso Cano a tenté en vain de reprendre l'initiative en multipliant les embuscades et en semant partout  des mines antipersonnel, y compris à proximité de petites écoles de village, et  en harcelant sans pitié d’humbles régions indigènes et paysannes dans le sud de la Colombie, en particulier dans les départements de Nariño et Guaviare, en bordure de l'Equateur, où abondent les cultures de coca. Il n’a pas réussi à réduire la pression exercée de plus en plus fort sur lui et sur sa garde prétorienne par l’armée et par la police. Caché dans le canyon escarpé et glacé de Las Hermosas, entre le département du Tolima et du Valle, déjà utilisé par les chefs des Farc dans les années 1960, il a dû fuir en désordre, subissant de lourdes pertes, avant de tomber le 4 novembre 2011 dans la région de Chirriadero (Cauca). Cano n’a pas pu non plus faire sortir les FARC de la phase défensive dans laquelle les ont laissées les violents coups assenés par les deux gouvernements d'Alvaro Uribe (2002-2010) et par l’actuel président de la Colombie Juan Manuel Santos, au cours desquels les FARC ont perdu non seulement leur mobilité et leur coordination, mais aussi leurs principaux dirigeants (Tirofijo, Raul Reyes, Martin Caballero, Ivan Rios, Negro Acacio, Mono Jojoy), ainsi que leurs otages les plus importants et plus de la moitié de leurs combattants.

Les possibilités d’un renforcement des capacités destructives des FARC et de leurs réseaux narcotrafiquants, sont exclues pour l'instant, sauf si le successeur de Cano arrive à convaincre le président Santos de lui faire des concessions extravagantes en échange d’une douteuse «sortie négociée du conflit ». Grâce à cette ruse, les FARC ont déjà réussi, dans le passé, à faire commettre  à plusieurs présidents colombiens de graves erreurs en matière de sécurité nationale.

Les FARC ont progressé de façon spectaculaire uniquement pendant les périodes où les forces militaires colombiennes, désorientées, sans ressources et sans brigades mobiles, étaient le parent pauvre de l'État, car les gouvernements étaient convaincus que les FARC accepteraient de faire la paix après une « négociation politique ». Cette idée, conçue par les FARC et naïvement accueillie notamment par deux présidents conservateurs-progressistes, Belisario Betancur, en 1984, et Andrés Pastrana, en 1998, a permis l’essor spectaculaire des FARC. Surtout pendant les trois longues années où Andres Pastrana leur a cédé un territoire démilitarisé de 42 000 km ² (avec 80 000 habitants), sans aucun contrôle international, pour y effectuer des « pourparlers de paix» fallacieux. Cette capitulation en règle de l’Etat colombien avait conduit à l’époque à un renforcement sans précédent des FARC et de leurs violences.

Santos cédera-t-il aux sirènes de la «négociation politique»? Difficile à imaginer. Le président colombien  veut autre chose: que les membres des FARC acceptent de se démobiliser s’ils veulent préserver leur vie.  Incontestablement, la disparition de Cano a ravivé chez certains l’idée que le «démontage total » de cet appareil criminel stalinien soit le fruit d’un « dialogue », afin qu'il n'y ait ni «gagnants ni perdants» comme l'a proposé, sans rougir, Carlos Medina, un universitaire communiste. Cette «solution politique» consiste surtout à garantir l'impunité des chefs des FARC et de leurs escadrons de la mort, et à hypothéquer le futur de la Colombie en rédigeant une nouvelle Constitution. Le président Santos ne pourrait accepter un tel agenda sans se couper de l'opinion publique qui aspire à une seule chose: que les FARC soient totalement démantelées pour que  la paix puisse gagner tout le pays.

Santos vient de prouver une fois de plus que les chefs terroristes ne sont plus à l’abri du renseignement militaire qui a découvert les endroits les plus secrets et les plus reculés où ils se croyaient loin des frappes des forces militaires: dans les jungles épaisses du Caguan, dans les hauteurs gelées des cordillères, dans les denses forêts du Cauca. Ivan Marquez et Timochenko, les éventuels successeurs de Cano, se cachent au Venezuela. Ils auront du mal à s'installer à l’intérieur de la Colombie et à y diriger les fronts dispersés des FARC. La désarticulation de cette organisation terroriste pourrait s'accélérer dans les mois à venir.

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