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LECTURES D’ÉTÉ : Notre sélection des meilleurs livres des 10 derniers mois
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AUJOURD'HUI : "Falaise des fous" de Patrick Grainville aux éditions du Seuil

Marie De Benoist pour Culture Tops

Marie De Benoist est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

 

 

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LIVRE
Falaise des fous
de Patrick Grainville
Ed. du  Seuil
654 p.
RECOMMANDATION : EN PRIORITE
THEME
Charles Guillemet, le narrateur normand, raconte sa vie de 1868 à 1927, à travers le prisme des peintres et des écrivains, fascinés par la falaise d’Etretat.
Revenu d’Algérie à demi-éclopé à vingt ans, il s’occupe de la maison de son oncle, son bienveillant protecteur depuis son enfance, et de son bateau, dans lequel il emmène Claude Monet pour contempler cette côte sauvage, qu’il connaît si bien. Cette rencontre déterminante transforme le jeune homme désoeuvré en esthète, il va analyser et suivre avec passion la quête obsessionnelle de la lumière et de ses variations de ce Sisyphe visionnaire.
Il découvrira d’autres « fous de création » comme l’exubérant Gustave Courbet, Maupassant aux appétits inassouvis ou plus tard, Péguy l’intransigeant.
Il inscrit sa vie personnelle et sentimentale, marquée par trois figures féminines, qui complèteront, chacune à leur manière, son éducation artistique et littéraire, dans le contexte plus large de son époque, en embrassant dans une vaste fresque tous les événements culturels, politiques et sociaux, depuis la guerre de 1870 jusqu’à la traversée de l’Atlantique par Lindbergh, en passant par la naissance de l’impressionnisme, l’affaire Dreyfus ou les massacres de la première guerre mondiale.
POINTS FORTS
• Un titre magnifique et une première phrase prometteuse : « Jadis, j’ai embarqué sur la mer un jeune homme qui devint éternel. »
• Le portrait de Claude Monet, fil conducteur du livre, est captivant. « Le peintre du feu bleu, le grognon génial » ne reconnaît jamais le narrateur, croisé pourtant quatre fois. Son travail acharné le torture, le ronge, l’ensorcelle ;  il lutte pour saisir le poudroiement des rayons du soleil. Il continuera à peindre indéfiniment ses Nymphéas même pendant la Grande Guerre jusqu’à se rendre aveugle. Gustave Courbet s’oppose à lui en tout : « l’ogre hilare » a le génie de la chair, il croque la vie à pleines dents et peint au couteau !
• Autour de ce personnage central fourmille une multitude de peintres et d’écrivains, auxquels Patrick Grainville consacre des pages éblouissantes : Manet, Boudin, Degas, Renoir, Pissarro, Matisse, Picasso ou Hugo, Zola, Rimbaud, Maupassant, Flaubert, Baudelaire, Proust ... Il analyse avec brio leur génie propre, leur folie créatrice, les paradoxes de leur personnalité et il établit souvent des parallèles remarquables entre eux.
• Dans des pages mémorables consacrées à des foules en mouvement, comme le départ des terre-neuvas de Fécamp, l’enterrement de Victor Hugo, l’incendie du Bazar de la Charité ou l’émeute des bouchers de la Villette, Patrick Grainville nous montre son sens des tableaux grandioses. Il est d’ailleurs aussi à l’aise dans les scènes plus intimes, comme la naissance de sa fille ou la découverte du portrait de sa mère, dont Charles ne garde aucun souvenir.
 • Les figures féminines fictives sont très réussies : Mathilde, Anna, Aline, les « dames de sa vie », et Charlotte, sa fille, incarnent la beauté, la séduction, l’intelligence et la liberté.
• L’intérêt ne faiblit pas tout au long de ces 654 pages grâce à la flamme de l’inspiration, à la vivacité du récit, à la limpidité du style et à la richesse du vocabulaire.
POINTS FAIBLES
• Franchement, je n’en vois pas.
EN DEUX MOTS
Patrick Grainville brasse avec un talent « fou » les destinées individuelles et les épopées collectives ; il mêle avec virtuosité les chocs, les élans, les drames, les exploits, et bien sûr il rend hommage à ses peintres et à ses écrivains préférés, pendant les six décennies qu’il a choisies. Le lecteur est emporté par le tourbillon irrésistible de ce roman ambitieux et foisonnant : son souffle, sa densité et sa profondeur frappent d’autant plus que ces qualités sont plutôt rares dans les romans contemporains.
UN EXTRAIT
Ou plutôt deux:
- « la rétrospection … est habitée par tous les moments de la vie. C’est un brouillard d’émois, de réminiscences, de visions, de scènes floues, nettes. Comme cette mer mouvante, criblée de reflets, de volumes précis, énormes ou fugitifs, minuscules. Une vallée de leurres, d’ombres et d’éclairs. » p. 87
- « Je vois dans la peinture désormais. Les ciels mêlent des touches, des taches, des lambeaux de gris, de violet et de bleu. Et c’est une vision plus sereine, plus profonde. Une émotion de l’éternité. » p.90  « Ma patrie est la peinture » p.607
L’AUTEUR
L’œuvre de Patrick Grainville, né en 1947, est abondante. Il a publié une quarantaine de livres, dont vingt-six romans. On en citera quelques-uns : Les Flamboyants (prix Goncourt 1976), Le Paradis des orages (1986), L’Orgie, la Neige (1990), Le Tyran éternel (1998), Lumière du rat (2008), Le Corps immense du président Mao (2011), Bison (2014).
L’Académie française lui a décerné le grand prix de littérature Paul Morand pour l’ensemble de son œuvre en 2012.

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