Facebook et les réseaux sociaux nous rendent-ils plus solitaires (et plus narcissiques) que jamais ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nous vivons dans un état d'isolement qui aurait été inimaginable pour nos grands-parents. Et pourtant, nous n'avons jamais été aussi accessibles.
Nous vivons dans un état d'isolement qui aurait été inimaginable pour nos grands-parents. Et pourtant, nous n'avons jamais été aussi accessibles.
©Reuters

No life

Nous vivons aujourd'hui dans un état d'isolement qui aurait été inimaginable pour nos grands-parents. Et pourtant, nous n'avons jamais été aussi accessibles et connectés.

Yvette Vickers, ça vous dit quelque chose ? Non ? C'est normal. Le corps momifié de cette actrice américaine de série B a été retrouvé en avril 2011 à son domicile à Los Angeles. L'actrice, qui a joué notamment dans Attack of the 50 Foot Woman, aurait eu 82 ans au moment où sa dépouille a été découverte. Mais personne ne sait exactement quel âge elle avait au moment de sa mort. En se basant sur l'état de momification du cadavre, la police estime qu'Yvette Vickers était morte depuis près d'un an, indique le Los Angeles Times

Voyant le courrier s’amonceler dans la boîte aux lettres de la vieille dame, une voisine décide de pénétrer dans sa maison. Elle découvre avec stupeur une maison délabrée : la salon est jonché d’ordures, les murs recouverts de toiles d’araignées, raconte Hollywood Reporter. A l'étage, le cadavre d'Yvette Vickers git à même le sol.

Un détail interpelle le site de The Atlantic : son ordinateur était allumé.

Dans les 15 jours qui ont suivi cette macabre découverte, la mort solitaire d'Yvette Vickers a généré plus de 16 000 posts Facebook et près de 900 tweets. Pendant des années, elle a été une icône des films d'horreur et un symbole de la capacité d'Hollywood à exploiter nos peurs les plus primaires. Maintenant, elle est l'incarnation d'un nouveau genre d'horreur : notre peur grandissante de la solitude.





Au final, Yvette Vickers aura été plus célèbre morte que vivante. Célibataire et sans enfant, elle vivait presque recluse. Seuls ses admirateurs ne l’avaient pas abandonnée. "Elle recevait encore des lettres de fans qui lui réclamaient des photos", se souvient la voisine qui a découvert le corps. Dans les mois qui ont précédé sa mort, les rares coups de téléphone qu'elle a passé ont été pour des fans qu'elle avait rencontrés sur Internet.

D'où ce triste constat tiré par The Atlantic : nous vivons dans un état d'isolement qui aurait été inimaginable pour nos grands-parents. Et pourtant, nous n'avons jamais été aussi accessibles. La contradiction est criante : plus nous sommes connectés, plus nous sommes seuls. On nous avait promis de vivre dans un village global, au lieu de ça, nous arpentons sans jamais nous croiser ou nous arrêter le boulevard périphérique de l'information, déplore le site américain.



En tête de cette vraie-fausse interactivité : le géant Facebook, le "king" des réseaux sociaux. Avec plus de 845 millions d'utilisateurs, le site de Mark Zuckerberg totalise 3,7 milliards de dollars de revenus par an. Certains ont même récemment estimé que Facebook valait 100 milliards de dollars rappelle Le Point. Pour les trois derniers mois de 2011, ses utilisateurs ont généré en moyenne 2,7 milliards de mentions "like" ou de commentaires par jour. Quelque soit la manière dont vous percevez Facebook (une entreprise, un phénomène culturel, un pays à lui seul), son impact dépasse l'imagination.

La manière dont Mark Zuckerberg est dépeint dans le film The Social Network - un geek dégénéré atteint du syndrome d'Asperger - est absurde. Cette description est en revanche parfaitement adaptée à Facebook.





En témoigne, une scène mythique du film où Mark Zuckerberg envoie une demande d'ajout à sa liste d'amis à son ex petite amie, et qu'il rafraichit la page toutes les 5 secondes. Un moment emblématique de la "solitude hyperconnectée".

Mais il serait injuste de blâmer uniquement les réseaux sociaux : Facebook est apparu au moment où la solitude prenait une ampleur dramatique dans les relations humaines. Mark Zuckerberg n'a fait que surfer sur la vague. Tout comme les créateurs de Google+, Twitter, ou encore Pinterest. Aux Etats-Unis, 1 foyer sur 4 est occupé par une personne seule, rapporte le New York Times. Depuis les années 1960, le nombre de personnes vivant seules en France a plus que doublé : une personne sur sept est concernée.

Certaines personnes argueront qu'elles ne sont tout simplement pas faites pour vivre en communauté. Elles sont bien dans leur petit monde et ne veulent pas voir leur placard à vêtements colonisé par des caleçons à rayures ou autres soutiens-gorge à dentelle. Des personnes qui, aux yeux de certains psychologues "n'acceptent pas de grandir" et souhaitent rester d'éternels ados, sans fil à la patte.

Les réseaux sociaux et Internet de manière générale tendent à nous rendre mégalo et narcissique, souligne Le Figaro. Toutes les photos que l'on poste, même les plus "spontanées", ont en fait été soigneusement sélectionnées. Pas question d'apparaître moche. Si un ami poste un cliché qui ne nous met pas en valeur, nous le supprimons immédiatement. Sur le net, "nous sommes tous ego", ironise Lucien, cité par Le Figaro, et ultra actif sur les réseaux sociaux. Facebook, Twitter, LinkedIn offrent une scène où chacun peut se produire, se créer un double virtuel, plus attrayant que l'original.



Les conditions de vie modernes permettent de mener de front une vie sociale et amoureuse active tout en se repliant dans sa petite bulle. Quand il est facile de sortir de chez soi et qu'on a le choix entre cinq bars en bas de chez soi pour faire de nouvelles rencontres, vivre seul n’équivaut plus à une condamnation à la solitude. Mais il y a une différence notable entre "la solitude" et le fait "de se sentir seul".

Nous rencontrons de moins de gens, nous nous réunissons moins. Surtout, les liens que nous tissons avec les autres sont moins étroits. Les personnes à qui on se confie sont de moins en moins nombreuses : en 1985, notre cercle de confident était en moyenne de 2,9 personnes, en 2004 il était de 2,1. En 1985, seuls 10% des Américains déclaraient n'avoir personne à qui parler de sujets importants, ils étaient 25% en 2004.

Pour ce qui est des réseaux sociaux, The Atlantic souligne que toute la question est de savoir si les personnes seules tendent à utiliser massivement les réseaux sociaux, justement parce qu'elles sont seules, ou si le fait d'utiliser les réseaux sociaux nous rendent seuls... What is the question.

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