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Face à la paralysie de l’État, les Français découvrent l’exceptionnelle résilience des entreprises du privé (et pas seulement les grandes)
©Bertrand GUAY / AFP

Atlantico Business

L’heure n’est pas au procès d’une administration débordée par l’ampleur de la crise, mais il faudra reconnaître que ce sont les entreprises qui ont évité un effondrement général de la société française et en tirer les leçons pour réformer l’appareil d’État.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour l’État, l’administration et même pour la gouvernance politique, il y aura forcément un avant et après-Covid. Il faudra nécessairement tirer les leçons des erreurs de stratégie, des fiascos dans la mise en œuvre et de la cacophonie dans la communication qui a contribué à saper le moral de tout le monde. « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » comme disait Martine Aubry.

Depuis un an, on s’est aperçu que ça n’est pas un loup qui a semé la panique mais des meutes entières de loups, à tous les niveaux de l’administration. La palme des erreurs, de l’arrogance, revenant au ministère de la Santé qui a sans doute le plus déçu et découragé l’opinion publique. On savait que le système de santé français coutait cher, mais on l’acceptait parce qu’on était convaincus qu’il était le meilleur du monde. La réalité nous est tombée sur la tête. On s’est aperçu que les dirigeants du système n‘ont d’abord pas vu la pandémie arriver. Plus grave, ils n’y ont pas cru. « Une petite grippette à peine, » donc pas besoin de masques, pas de tests, pas de dépistage organisé, pas de stratégie d’isolement, pas de traitement. Pire, un festival d’injonctions contradictoires au sein même du corps médical où chacun a essayé de tirer la couverture à soi pour s’abriter et se protéger. Quel bazar.

Le comble ne nous aura pas été épargné avec cette affaire de vaccins. Quand on a essayé de nous expliquer que les Français n’en voulaient pas, donc à quoi bon se battre pour en trouver ? Jusqu'à un jour où on s’est aperçu qu’ils avaient fini par comprendre que les vaccins allaient devenir incontournables et qu’ils Français allaient se précipiter dans les quelques centres de vaccination pour découvrir que les doses allaient manquer. Évidemment, puisque les Français pas fous veulent désormais tous ou presque se faire vacciner.

D’où, à chaque étape de ce parcours de galère, les mêmes problèmes. Problèmes de décision, de lourdeur administrative, de logistique à organiser, de sourcing, de fabrication, d’organisation tout simplement.

Alors on en voudra à l’exécutif politique, évidemment qu’il sera tenu pour responsable. Mais le politique a fait ce qu‘il a pu comme dans tous les autres pays. Ce qui a été compliqué en France, contrairement à l’Allemagne, c’est que notre organisation administrative n’a pas suivi. Trop de chefs, trop de commissions, trop de strates de décision, trop de bureaucratie avec des normes et des précautions à tous les étages.

L’administration de la santé d’abord, qui aurait dû produire de la performance, a produit de la lourdeur administrative. Les personnels de santé et les bureaux qui les encadrent n’ont jamais eu d’obligation de résultats (la grosse erreur), ils se sont vengés en cultivant l’obligation de moyens. Et des moyens, il y en avait, mais pas forcément les bons. Ces moyens ont asphyxié l’appareil à produire un service de santé efficace.

On racontera l’histoire en détail plus tard, mais d’ores et déjà, on sait que ce qui nous a évité l’effondrement général, c’est l’incroyable résilience des entreprises du privé et pas que les grandes entreprises... Leur extraordinaire capacité d’adaptation.

Le premier confinement a été très compliqué à vivre. L’état de sidération dans lequel est tombé la population a, au début, tout bloqué et miracle, on a vu peu à peu cette société française que l’on dit si assistée et archaïque, s’organiser et sauver l’essentiel. Les biens alimentaires, l’approvisionnement en carburant, les banques sont restées ouvertes. Puis peu à peu, les équipements digitaux se sont déployés pour mettre en place des alternatives au blocage présentiel, le télétravail.

En peu de mois, la majorité des entreprises ont appris avec les moyens du bord à composer un début de société digitale et à se protéger de la pandémie. La mise à niveau a été très rapide. Sans aucune consigne particulière ou obligatoire de l’État, les opérateurs de communication ont renforcé très vite leurs réseaux pour permettre l’accès à Internet. Les entreprises de services informatiques se sont multipliées devant une demande gigantesque. Le E-commerce, en général et pas seulement Amazon, a converti une majorité de consommateurs et notamment les seniors de plus de 60 ans qui restaient allergiques à ce type de services. Mais il y a eu aussi un boom de la livraison, la télémédecine. L’enseignement à domicile via l’ordinateur, a sauvé des années scolaires...

La France n’avait au départ ni masques, ni gel hydroalcoolique, ni blouses, ni produits de médecine indispensable, ni respirateurs. Et pendant que l’Etat faisait semblant d’expliquer que tout cela n’était strictement pas nécessaire, des entreprises des quatre coins de la France ont cherché et trouvé des solutions. Elles ont mobilisé tous leurs services d’achats, de « sourcing » et se sont battues pour acheminer des masques, puis plus tard des tests.

Ces mêmes entreprises les ont trouvés et distribués. Le seul problème qu‘elles ont rencontré, c’est le refus de l’administration d’autoriser ces activités et les freins serrés par des normes et des délais inapplicables pour la plupart.

L’affaire des masques est un exemple caricatural du décalage entre les Etats coincés et les entreprises dont l’obsession est d‘innover. L’affaire des tests a encore été plus caricaturale. Et si on avait pas eu quelques entrepreneurs particulièrement audacieux comme Sophie de Menthon et beaucoup de ses collègues au Medef, tout ça aurait été bien pire. Il a fallu tordre le bras des bureaucrates.

Dans cette série digne de Netflix, la saison consacrée aux vaccins bat tous les records.

1er point, les vaccins sont sortis très vite dans un climat de méfiance historique par rapport aux délais habituellement imposés par les administrations.

2e point, ces vaccins sont sortis pour la plupart de petits laboratoires de recherche, alors qu’on soupçonnait la big pharma de préparer le coup du siècle avec la complicité de quelques gouvernements. La réalité est que les vaccins sont sortis des startups, des biotechs. Le premier vaccin ARM et signé Pfizer mais il a été développé chez BioNtech. Idem chez Moderna. Idem chez les Allemands.

Les grands groupes de la pharmacie sont en deuxième ligne parce qu’ils ont une énorme capacité de production. Sanofi, la fierté française tellement proche de l’administration, championne du monde du vaccin traditionnel, n’a pas - ou trop tard - compris que le paradigme avait changé et que l’efficacité n’était plus dans son modèle de tout posséder en interne. Que de temps perdu et d’argent public dilapidé.

3e point, l’organisation des campagnes de vaccination a fait objet d’un beau chassé-croisé. L’Etat, une fois de plus, s’est trompé de stratégie et n'a pas compris que la difficulté serait l’approvisionnement et la logistique. Si l’exécutif avait eu le souci de l’efficacité, il aurait pu faire appel à l‘armée. Faute d’avoir fait appel à l'armée, on a vu les maires se débrouiller et trouver des solutions. On a vu Doctolib sauver l’enjeu des prises de rendez-vous et de l’organisation dans les centres de vaccination mis en place très rapidement par les mairies et les centres médicaux. On aurait même pu imaginer qu’Amazon, la Poste ou Federal Express se chargent eux aussi de la logistique. Ils s’y préparaient.

Maintenant le vrai problème va être l’approvisionnement.

L’Etat, dans tout cela, a regardé la situation se dégrader et les membres de l’exécutif ont du mal à cacher leur exaspération. La seule initiative réussie par l’Etat porte sur la situation économique. La complicité entre l' Élysée et Bercy a été totale dans la décision de tout faire pour protéger les actifs de production.

Cette crise n’a détruit ni les usines, ni les infrastructures, ni l’immobilier... Cette crise a simplement mis le système en coma artificiel. Le seul problème, c’est qu‘il fallait protéger des actifs humains, qui sont des actifs immatériels, que ce soit des contrats de travail ou l’existence juridique et financière des entreprises Ce qui a été fait par les PGE et par l’assurance chômage partiel. Sur ces dossiers, la main d’Emmanuel Macron et celle de Bruno Le Maire n’ont pas tremblé. Ces dossiers ont été financés par de la dette et il faudra évidemment la rembourser. Mais cette dette qui est mutualisée au niveau européen sera d’autant plus indolore que l’ensemble des pays européens retrouveront de la croissance.

Alors certains secteurs d’activité traversent des situations très douloureuses, mais beaucoup de ceux qui souffrent étaient malades ou en panne d’adaptation avant la crise du Covid. Il faudra évidemment les accompagner et les aider. Mais la grande majorité des entreprises a su se protéger, se renouveler et rebondir. Les chiffres macro-économiques sont moins catastrophiques que ce que prétendent certains chefs syndicaux (encore que la plupart sont très prudents).

La France va se découvrir une résilience qu‘elle ignorait. Mais elle va aussi s’apercevoir que l’urgence des urgences va être de reformer l’Etat.

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