Evitons la précipitation politique : il faut des Etats généraux sur le mariage homosexuel<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet de loi sur le mariage et l'adoption homosexuels sera présenté le 24 octobre au conseil des ministres.
Le projet de loi sur le mariage et l'adoption homosexuels sera présenté le 24 octobre au conseil des ministres.
©Reuters

Unanimité ?

Le mariage et l'adoption par les couples homosexuels méritent des États généraux, comme la bioéthique et la fin de vie. Car si les Français sont, selon les sondages, favorables au projet de loi, les spécialistes ne sont pas unanimes sur la question.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Lire aussi sur ce sujet : Christine Boutin : "Sur le mariage et l'adoption homosexuels, Monseigneur Barbarin comme l’Église ont le devoir de parler fortement"

Cette fois, c’est parti, et mal parti ! Christiane Taubira a choisi le lendemain des annonces d’impôts de François Hollande pour rendre public le projet de loi, ce qui laisse pour le moins circonspect sur le rôle de la concertation sur ce sujet délicat. La semaine politique intérieure a donc été largement consacrée à commenter ce projet.

Et le refus du débat est frappant. Ceux qui ne font pas simplement la sourde oreille tentent de tourner la demande en dérision. Sur un sujet comme celui-ci, il ne semble pourtant pas aberrant de réclamer des États Généraux, comme il s’en est tenu avec succès sur la bioéthique, comme il devrait s’en tenir sur la fin de vie. Ces États Généraux permettraient d’éviter la précipitation politique, toujours suspecte d’intentions cachées, d’éviter l’unanimisme de ceux dont l’horizon n’a toujours pas dépassé la coolitude pour rechercher la justice -à l’instar de Chantal Jouanno -, d’éviter la fausse majorité des sondés qui ne veulent pas d’emmerdes (parfois les mêmes que les premiers)…

Ils permettraient d’entendre les avis de psychologues et psychanalystes, qui sont loin d’être unanimes, contrairement à ce que l’on répète en boucle. Vous aurez certainement entendu citer les fameuses études américaines (qui servent encore de références aux politiques, de Cécile Duflot à Noël Mamère) mais avez-vous entendu les avis de la psychanalyste Claude Halmos (ici encore), du pédopsychiatre Marcel Rufo, du pédiatre Aldo Naouri ? Non, les spécialistes ne sont pas unanimes, et il ne semblerait pas stupide de regagner en sérénité et de faire preuve à l’égard des enfants d’un peu de la précaution que l’on vante par ailleurs. Un enfant vaut bien un épi de maïs.

Sur le plateau du Grand Journal, il était frappant de constater comme Noël Mamère (qui venait de clamer cette fausse unanimité des spécialistes) n’a rien à répondre à la demande d’Etats Généraux et se cantonne à la dérision pour répondre à celle d’un référendum, alors même qu’il vient de se prévaloir d’une écrasante majorité dans les sondages. Si les Français sont si majoritairement favorables à l’adoption homosexuelle, le sujet ne bénéficiera-t-il pas d’un peu de concertation et d’information ?

Sur Europe1, Jean-Luc Romero écarte le référendum : les Français ont déjà voté, dit-il !

C’est évidemment sans compter avec ceux – j’ai les noms – qui ont voté Hollande malgré ces propositions, et avec la ferme intention de s’y opposer. C’est faire comme si le score de Hollande était déconnecté de la personnalité de son adversaire. Ce refus du débat est surtout surprenant de la part de celui qui, sur l’euthanasie, n’a de cesse de réclamer qu’un débat soit ouvert, alors qu’il n’est jamais refermé, et qu’il a été amplement ouvert au Parlement, jusqu’à obtenir une unanimité qui ne sera pas atteinte ici.

Même le PS n’est pas unanime. Philippe de Roux, pour les Poissons Roses, le rappelle. Outre Lionel Jospin, Bernard Poignant, proche de François Hollande, concluait ainsi un très intéressant billet :

Dans tous les cas de figure, c’est de l’enfant dont il faut partir. Le modernisme ne consiste pas à épouser l’égoïsme du présent, mais à se préoccuper des intérêts de notre descendance.

Jean-Marc Ayrault lui-même rappelait sur ce sujet que : L’égalité des droits, qui est un principe fondamental, n’est pas l’uniformité des droits

Faut-il croire que, sur sujet tel que celui-ci, ils ont changé d’avis en si peu de temps, ou n’est-ce qu’une question d’opportunité politique et économique ?

Sans aucune prétention d’exhaustivité, on pourrait alors s’interroger sur quelques-uns de ces points :

  • Pourquoi la parité serait une vertu partout sauf dans la famille ? On concevrait facilement que des femmes n’auraient pas la même façon de manager une entreprise ou de faire de la politique mais on feindrait d’ignorer que la complémentarité père-mère est une richesse incomparable pour l’enfant ?

  • De quel droit l’Etat, face à un enfant abandonné, incapable d’exprimer une volonté, décider déciderait-il que celui-ci sera privé de mère ? Ou privé de père ? J’en lis parfois qui croit pouvoir déceler un argument rhétorique derrière le souci de l’enfant. Non seulement ils sont dans le procès d’intention mais ils se trompent. Est-il si difficile de se mettre à la place de cet enfant qui devra déjà, pour se construire, gérer la douleur d’avoir été abandonné par ses parents, d’ignorer d’où il vient vraiment, de ne pas avoir de généalogie à laquelle se raccrocher véritablement ? Et cet enfant, l’Etat viendrait le désigner volontaire pour voir s’il s’ »adapte » bien, s’il gère correctement le fait de ne pas avoir de père ou de mère ? À l’adolescence, aura-t-il l’injonction de « s’adapter » et de bien aller, pour ne pas désavouer le choix de ses adoptants ? Et si l’enfant « s’adapte » mal, c’est tant pis ? C’est de sa faute ? C’est de l’homophobie ? Si l’on aime les enfants plus que les revendications, il ne devrait pourtant pas être difficile de saisir que l’on ne joue pas à l’apprenti-sorcier avec des vies. Il ne devrait pas être compliqué de comprendre que, lorsque l’on a la possibilité de choisir, « à tête reposée », la famille à laquelle on confiera l’enfant, et que cet enfant a en outre d’ores et déjà subi un traumatisme, il serait coupable de ne pas lui offrir le mieux.

  • Souhaitez-vous vraiment que la République Française ne connaisse plus de père et mère ? Le projet de loi prévoit de remplacer ces termes partout par « parent » et « second parent ». On nous serine qu’il faudrait suivre la société. Pour le coup, c’est bien le vocabulaire d’Etat qui s’éloignera de la société;

  • On évoque beaucoup le cas du parent biologique qui aurait refait sa vie avec une personne de même sexe… On nous dit que ce serait le cas le plus fréquent. Et puis l’on nous dit que le mariage homo et l’adoption homo ne nous concernerait pas, qu’ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent… C’est déjà faux dans le cas de l’adoption puisqu’un enfant est en jeu mais s’est-on penché sur les conséquences de l’adoption pour l’autre conjoint ? Concrètement, le jour où votre mari, mesdames (puisque l’on dit que cela concerne surtout les hommes) vous plaque pour un homme, ne voyez-vous vraiment aucun inconvénient à ce que son compagnon (pardon, son mari) adopte votre enfant ? À ce que, conformément à l’article 363 du code civil, le nom du mari de votre ex-mari soit ajouté au nom de votre enfant ? Et vous, Messieurs ? Oh bien sûr, la loi prévoit la possibilité de s’opposer à l’adoption simple. Mais tremblez que votre refus ne soit taxé d’homophobie, on pourrait alors passer outre…

Non, vraiment, on ne peut pas faire l’économie, de la concertation, du débat, d’Etats Généraux.

Non, vraiment, Jean-Marc Ayrault a raison : On ne redéfinit pas le droit familial, les rapports entre parents et enfants, comme on baisse un taux de TVA. [...] Rien n’est pire que de légiférer dans la précipitation et sous l’influence médiatique.

Billet publié initialement sur le blog de Koz

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