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Eve Szeftel : “L’inquiétant succès du communautarisme municipal en Seine Saint-Denis”
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Enquête choc

Dans un livre-événement, la journaliste Ève Szeftel dénonce des politiques qui pactisent avec des voyous ou des islamistes.

Atlantico: Dans votre ouvrage "Le maire et les barbares" vous dénonciez le clientélisme dont se rendaient coupables certains maires de Seine-Saint Denis mais le député du département et ancien maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde. Son épouse,  - Aude Lagarde vient d'être élue Maire de Drancy, dimanche dernier, dès le premier tour et ce malgré une forte abstention en raison de l'épidémie de coronavirus. En quoi son élection dès le premier tour, est l'illustration même du clientélisme que vous dénoncez ?

Eve Szeftel: Je voudrais dire d'abord que je trouve très problématique que cette élection si importante pour les Français, celle de leur maire, ait été maintenue au vu des circonstances. Il y d'ailleurs ça et là des recours qui ont été déposés faisant valoir qu'il y a eu atteinte à la sincérité du scrutin, car l'électeur doit être libre d'exprimer son choix, ne doit pas subir de pression, or les personnes âgées notamment ont été fortement incitées par le président de la République à rester chez elles. Pression qui s'est ensuite étendue à l'ensemble du corps électoral avec l'annonce, la veille du scrutin, de mesures de pré-confinement.

Concrètement à Drancy, une ville de 70.000 habitants, l'abstention a été encore plus forte que d'habitude: seuls 30% des inscrits se sont déplacés, et Aude Lagarde a été élue avec moins de 7000 voix, soit 65% des suffrages exprimés. Elle a devancé la liste d'union de la gauche menée par la fille de l'ancien maire communiste, Carole Nilès, qui a rassemblé 25% des suffrages.

Un beau score en apparence, mais 7000 voix, cela représente 20% du corps électoral, un électeur sur cinq. Quelle est la représentativité d'un maire élu par un électeur sur cinq ? La démocratie, qui est déjà bien malade, n'avait vraiment pas besoin de ça...

Concernant Mme Lagarde, elle a été élue dans le fauteuil que son mari occupait depuis 2001 et qu'il lui a cédé après avoir été réélu député en juin 2017, pour se conformer à la loi proscrivant le cumul des mandats (mais pas dans le temps...).

Elle a bénéficié de l'implantation solide de son mari, qui a bâti un véritable fief électoral. Fief qui repose sur l'emboîtement de positions de pouvoir au niveau local, national et départemental (la mairie, la députation, la présidence de l'UDI). Aude Lagarde, comme son mari, est une professionnelle de la politique et une championne du cumul des mandats, puisqu'elle a été conseillère régionale, conseillère départementale, conseillère municipale, assistante parlementaire de son mari... Elle n'est donc pas novice en politique, loin de là et, grâce à son mari, qui s'est rapproché depuis un an de la République en marche, elle était soutenue par le parti présidentiel.

En lui cédant la mairie, Jean-Christophe Lagarde se maintient au pouvoir, tout en faisant croire à un renouvellement. C'est habile, et cela lui permet de faire oublier que les Lagarde dirigent la ville depuis 19 ans.

Le fait qu'il continue à diriger la ville, c'est flagrant lors des conseils municipaux. Madame la maire lit les points à l'ordre du jour mais la plupart du temps elle se contente de passer les plats. Dès que ça devient politique, un peu sensible, c'est son époux, qui est d'ailleurs assis à ses côtés, qui prend la parole, vitupère contre les élus d'opposition, qu'il se plait à humilier car il traite l'opposition comme une ennemie. On n'a pas l'impression d'être dans la salle du conseil municipal, mais dans la salle à manger des châtelains de Drancy.

Vous avez les Balkany à Levallois et les Lagarde à Drancy. Mais le clientélisme n'est pas le même. A Levallois, vous avez un clientélisme qui consiste en l'octroi de services "premium", si je peux dire, tandis qu'à Drancy on a affaire à une population beaucoup plus pauvre, on est dans la satisfaction de besoins essentiels.

Après il faut reconnaître que, comme Levallois, Drancy est devenue une ville attractive en Seine-Saint-Denis, une ville qui a la réputation d'être bien gérée, d'offrir un cadre de vie correct, il y a une police municipale, la cantine est gratuite, le marché draine des gens d'un peu tout le département... Pour un habitant de Stains ou d'Aubervilliers, il fait sans nul doute mieux vivre à Drancy. En ce sens, c'est un petit Levallois, c'était d'ailleurs l'ambition de Jean-Christophe Lagarde, faire de Drancy le Neuilly de la Seine-Saint-Denis.

Le revers de la médaille, c'est que pour bénéficier des avantages qu'offre la ville, il faut accepter de renoncer à une partie de sa liberté. On est dans un système qui exige de vous une loyauté sans faille : si vous en faites partie, vous êtes en faites partie complètement. Et gare à ceux qui refusent de faire allégeance, ils deviennent des ennemis.

Il est évident que l'abstention renforce le clientélisme. Plus le corps électoral est réduit, plus il est facile à contrôler.

Lagarde est élu en 2001 un peu par accident, à la faveur d'un concours de circonstances. Le maire historique de Drancy, Maurice Nilès, un résistant, passe en 1997 le flambeau à Jean-Claude Gayssot. Or, à peine élu, celui-ci est nommé ministre du gouvernement Jospin, et c'est l'un de ses adjoints, un apparatchik falot, qui lui succède.

En outre, le FN, qui avait fait perdre Lagarde en 1995, comme par hasard, ne présente aucune liste en 2001. Depuis cette date, d'ailleurs, le FN devenu RN n'a jamais présenté de liste à Drancy, bien qu'il y ait dans cette ville, où le bâti pavillonnaire est dominant, un socle d'électeurs FN important.

Une fois au pouvoir, l'objectif de Lagarde est de le garder, ce qui n'a rien évident car Drancy est une ville de gauche dans une terre de gauche: la banlieue rouge.

Pour cela, il sait qu'il a besoin de "sécuriser" envrion 10 000 voix, le nombre de voix qu'il lui faut pour gagner. Comme je le montre dans la 1e partie de mon livre, pour cela il structure la ville en associations. C'est un système qui repose principalement sur les associations communautaire: kabyles, italienne, portugaise, juive, indiennes, etc. Mais aussi les associations censées faire de l'insertion professionnelle, souvent montées par des jeunes de cités et qui sont souvent, pardonnez-moi l'expression, des pompes à argent public....

Les responsables sont élus en mairie, et sont les courroies de transmission du maire: à charge pour eux de faire voter leurs adhérents dans le bon sens... Cela a été très bien montré par Sylvain Louvet dans une enquête qu'il a réalisée pour Fr3, et qui a été diffusée en novembre 2017, dans le cadre du magazine Pièces à conviction. Sylvain Louvet a mis la main sur des documents confidentiels laissant penser qu'il y a des pratiques de fichage électoral à Drancy, ce qui est illégal. Autrement dit, la mairie tient à jour, via les associations, un registre des électeurs, elle sait qui vote, d'abord (les non-électeurs ne sont pas intéressants), et qui vote pour qui, qui est affilié à quel parti, etc. Evidemment, avoir sa carte à l'UDI peut faciliter les choses.... Rien de nouveau sous le soleil, c'était pareil au temps du PCF: Lagarde n'a fait que retourner à son profit des pratiques clientélistes en vigueur sous les communistes.

Le maire, en France, a beaucoup de pouvoir. Surtout depuis la décentralisation qui a abouti à un transfert de compétences. Et dans une ville pauvre, le maire a encore plus de pouvoir.

Le maire, c'est d'abord  le chef du personnel communal: c'est un patron de grosse PME: 1 800 employés à Drancy, pour un temps de travail de 32,7 heures hebdomdaires, donc bien inférieur à la durée légale - ce que la Chambre régionale des comptes n'a eu de cesse de pointer du doigt dans ses rapports successifs, parmi d'autres anomalies (des jours de congés supplémentaires à foison, un gros volume d'heures supplémentaires payées hors de tout contrôle, etc).

Le maire peut donc vous aider à obtenir un travail en mairie. Mais aussi un logement. En théorie, le bailleur de la ville est indépendant. En réalité, ce n'est pas le cas. A Drancy, mais c'est aussi vrai à Bobigny, le conseil d'administration de l'OPH est à la solde de la mairie. Donc le maire a aussi la main sur les logements.

Et sur les financements d'associations, y compris "culturelles" (entendez: religieuses).

Avant le 1er tour, l'imam de la mosquée de Drancy, Hassen Chalghoumi, a appelé par SMS à voter pour Aude Lagarde ! On est en plein dans le clientélisme communautaire, là. A la parution de mon livre, Hassen Chalghoumi m'a dit en privé qu'il me trouvait très courageuse et, trois semaines plus tard, il bat le rappel de la communauté pour Mme Lagarde.

Pourquoi ce double langage ? Parce que l'Association des musulmans de Drancy est complètement dépendante de la mairie. Elle ne possède pas de mosquée en propre, elle loue à la mairie un bâtiment qui lui tient lieu de mosquée. La convention d'occupation est renouvelée tous les 6 ans, en février, avant chaque élection municipale: on ne saurait mieux illustrer la sujétion de la communauté musulmane envers le pouvoir municipal !

J'ajoute que la communauté juive est également très proche du couple Lagarde qui la finance également. Quand mon livre est sorti, dénonçant le pacte électoral noué à Bobigny avec la voyoucratie, et en particulier avec le gang des Barbares responsable de l'assassinat d'Ilan Halimi, la communauté juive de Seine-Saint-Denis a pris fait et cause pour le député. On a du mal à y croire, et pourtant c'est vrai: entre la mémoire d'Ilan Halimi, dont l'assassinat en 2006 a traumatisé les juifs de France et précipité le départ de nombreux d'entre eux en Israël, et ses bonnes relations avec le député de droite, la communauté a choisi de préserver ces dernières. Cela n'empêchera pas certains de ses responsables, le 13 février prochain (jour de la mort d'Ilan Halimi), de pleurer sur son sort et de lancer de vibrants appels à lutter contre la "bête immonde" de l'antisémitisme... Voilà un des autres effets du clientélisme: l'abaissement de l'exigence morale.

Vous avez dans votre ouvrage dénoncé tous les rouages du clientélisme et du communautarisme si présents en Seine-Saint Denis. Pourquoi est-ce si difficile d'en sortir aujourd'hui alors même que tous les dessous ont été rendus public ?

Le clientélisme électoral - c'est à dire le fait d'échanger une promesse de vote (le sien, celui de ses proches, de sa communauté) contre une promesse d'embauche ou d'avantages divers, a pour effet que les gens sont dans une position de sujetion vis-à-vis du maire.

Ils ne sont plus libres puisqu'ils doivent au maire leur boulot, leur logement, leur place en crèche.

En face, les candidats qui refusent cette logique-là n'ont rien à offrir. Tout ce qu'ils peuvent dire ou proposer glissent comme sur les ailes d'un canard. Le candidat DVG Hacène Chibane, qui n'a recueilli que 10,6% des voix, en a fait l'amère expérience. D'abord, il a eu un mal fou à constituer sa liste, parce que ceux qui voulaient le rallier ont eu le droit à un chantage de la part de la mairie; ensuite, l'une de ses colistières, qui jouissait d'une certaine influence, a été menacée de mort par un émissaire du pouvoir.

Pire: Hacène Chibane a choisi, depuis plusieurs années, de mener la lutte sur le terrain judiciaire et médiatique. Il est à l'origine de l'enquête qui a été ouverte par le Parquet national financier en février 2019 pour détournement de fonds publics, et qui vise aussi bien les époux Lagarde que la mairie de Bobigny. L'enquête a été ouverte notamment suite à une plainte qu'il a déposée contre Aude Lagarde pour emploi fictif, en raison du cumul de fonctions évoqué plus haut.

Sur le plan médiatique, il s'exprime sans détour dans le documentaire de France 3 dont j'ai parlé, ce qui lui a valu d'être poursuvi en diffamation par Jean-Christophe Lagarde. En décembre, il a gagné coup sur coup trois procédures en diffamation intentée contre lui.

Est-ce que pour autant cela lui a fait gagner des voix? Non.

Est-ce que ca veut dire que les gens s'en fichent que leur maire et leur député soient sous le coup d'une enquête du PNF, puissent être mis en examen voire in fine condamnés, comme cela a été le cas pour le couple Balkany? Non plus.

Mais entre la probité et la gamelle, le choix est vite fait. Entre le respect de la démocratie et de l'Etat de droit, et un logement décent pour sa famille, il n'y a pas photo.

On ne peut pas en vouloir aux gens. Ils font ce qu'ils peuvent. Le travail est rare, ultra-précaire quand il existe, un emploi municipal à raison de 32 heures par semaine, ça fait rêver ! Idem pour le logement. Le parc social est totalement saturé. Chaque année, en Seine-Saint-Denis, seule une demande sur dix est pourvue. La réalité, ce sont des gens qui à 35 ans vivent encore chez leurs parents, ne peuvent avoir des enfants, des familles qui s'entassent dans des pavillons redécoupés en plusieurs logements, exploités par des marchands de sommeil....

On ne peut pas en vouloir aux gens, mais aux responsables politiques qui exploitent cette misère.

Comment d'après vous sortir de ce clientélisme très présent dans certaines banlieues ? Comment construire l'après en quelque sorte ?

Les partis doivent investir des candidats qui clairement refusent ces logiques clientélistes,  mortifères et aliénantes. Comment se fait-il que la République en marche a soutenu Mme Lagarde? Parce que M. Lagarde a fait de son parti, l'UDI, une force d'appoint de la majorité? Ces petits arrangements politiciens se font sur le dos des habitants.

Au niveau départemental, que fait le Parti socialiste? Pourquoi la seule chose que le président PS du Conseil départemental ait cru bon de dire, lorsque mon livre est sorti, est qu'il va stigmatiser la Seine-Saint-Denis? Comme si c'était mon livre qui était responsable de la mauvaise image de ces villes, et non pas l'attitude de certains élus, qui se comportent comme des voyous ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la juge de la 14e chambre, quand elle a eu à juger des violences dont se sont rendus coupables le Premier adjoint de Bobigny, Christian Bartholmé, et le directeur du Développement territorial, Kianoush Moghadam, en octobre 2015. Ils ont finalement été condamnés pour violences en réunion.

Deux hommes qui ont en commun d'être de proches collaborateurs de Jean-Christophe Lagarde: le premier est employé à son cabinet à Drancy, le second a été son assistant parlementaire entre 2010 et 2014, et il est resté, dit-on, très proche de lui.

Et, surtout, comme si le problème numéro un était "l'image". L'important, n'est-ce pas plutôt ce qui se passe sur le terrain, cette réalité que ces élus ont choisie de ne pas voir? Ils sont complices, par leur silence, de ce clientélisme qui détruit à petits feux la République.

J'en profite pour faire un détour par Bobigny puisque la manière dont l'UDI a conquis la ville en 2014 est au coeur de mon livre. Alors que l'abstention était repassée sous la barre des 50%  à la précédente municipale, elle a atteint le 15 mars 65%.

Le PCF, qui avait été chassé du pouvoir en 2014, est arrivé en tête (37,6 % des suffrages, soit 2886 voix), avec le soutien du PS. Si le candidat DVG Fouad Ben Ahmed lui apporte ses quelque 11%, les communistes peuvent espérer reconquérir une ville qu'ils dirigeaient depuis 1919, et refermer la parenthèse UDI.

Pour moi, le vote PCF est un vote régressif, pour se rassurer. Parce qu'on ne peut pas dire que les communistes ont été très combatifs quand ils étaient dans l'opposition au cours du dernier mandat. Quand on regarde les votes au conseil municipal, la plupart du temps ils ont voté pour les délibérations proposées par la majorité ou se sont abstenus. La véritable opposition, elle est venue des rangs de la CGT des Territoriaux, sous la conduite d'Augusta Epanya, l'ancienne secrétaire de la section de Bobigny. Et de l'opposition extra-municipale, incarnée par le dissident PS Fouad Ben Ahmed, qui a mené le combat à la fois sur le plan judiciaire et avec les habitants, dont il a organisé les luttes, en particulier dans le domaine du logement.

Mais les gens se sont dits, avec le PC on est en terrain connu, pas de mauvaises surprises, mais sans doute pas de surprise tout court...

Est-ce un effet du livre? Christian Bartholmé, le Premier adjoint, est arrivé en 2e position (26,3%), malgré le soutien appuyé de Jean-Christophe Lagarde, qui était présent à chacun de ses trois meetings de campagne. En mauvaise posture depuis la parution de mon livre, le "patron" avait fait de l'élection à Bobigny un enjeu personnel, un référendum sur sa personne. Dire qu'il l'a perdu serait vendre la peau de l'ours....

Car tout dépend de l'attitude des 5 autres listes "citoyennes", dont trois d'entre elles sont dirigées par d'anciens colistiers de Christian Bartholmé: c'est le cas de Faysa Bouterfass, compagne de Kianoush Moghadam, qui a fait près de 7%. Mais aussi de Sylvain Léger, tête de liste LFI, et ancien adjoint UDI, qui a fait 6,4%. Ou encore de Youssef Zaoui, ex 3e adjoint, qui a longtemps dirigé l'Association des musulmans de Bobigny (AMB). Si ces trois élus ont fait défection deux ans avant la municipale, vont-ils pour autant rallier la gauche ? Rien n'est moins sûr.

Pour compliquer encore les choses, on a le cas de Jean-Michel Jean-Romain, qui était jusqu'à septembre le président de l'AMB. Il a fait 5,6%, ce qui n'est pas négligeable. Est-ce une liste communautaire déguisée? Difficile à dire.

Ce qui est frappant à Bobigny, mais aussi dans d'autres villes de France, c'est l'illisibilité de ce scrutin, marqué par une explosion des listes pseudo-citoyennes, dont on peut penser qu'elles se vendront au plus offrant. Le recul des affiliations partisanes contribue à ce brouillage, on ne sait pas à qui on a affaire. C'est la porte ouverte, aussi, au clientélisme.

D'un côté on a des candidats qui vont se rallier au plus offrant, de l'autre des partis, comme le PS ou le PC, où tout est "dealé" au niveau départemental ou national. Le clientélisme ou la politique policienne à l'ancienne, tel est le choix qui s'offre aux électeurs....

Maintenant, les solutions.

Rendre le vote obligatoire comme en Belgique? Cela n'éradiquera pas le clientélisme, mais en réduira le pouvoir de nuisance.

Autre solution, accorder plus de pouvoir à l'opposition aux élus d'opposition: leur accorder une indemnité décente, une place dans les instances décisionnaires (commission d'attribution des logements, commission d'appel d'offres), confier la délégation des finances à un élu de l'opposition, comme cela se fait à l'Assemblée nationale. Tout ce qui contribue à l'équilibre des pouvoirs, c'est-à-dire à la démocratie, est sain.

L'autre réponse au clientélisme, c'est à Etat de la porter. D'abord, sanctionner les atteintes à l'Etat de droit. Les ruptures de l'égalité de traitement, qui sont nombreuses, dès lors que les procédures en matière d'attribution de logements, de place en crèche, de baux commerçaux, de marchés publics ne sont pas respectées.

La justice doit être plus diligente. Il faut des années avant que des enquêtes soient ouvertes, quand elles le sont. Puis les délais d'instruction sont infinis. Vu de Drancy ou Bobigny, l'impression est que la justice ne s'intéresse pas à eux. Que dans ces banlieues, les sommes en jeu sont trop faibles, on est dans la petite délinquance financière. Alors que payer sa femme à ne rien faire (affaire Fillon), c'est beaucoup moins grave que de mettre une ville sous coupe réglée.

Sanctionner, mais aussi rétablir l'équité entre les territoires, qui ne bénéficient pas des mêmes moyens. Il y avait une belle idée dans le rapport Borloo, celle de créer une Cour d'équité territoriale, que les territoires s'estimant lésés en termes de moyens auraient pu saisir. Cette idée lui avait été soufflée par le sociologue Renaud Epstein, qui est un grand spécialiste de la politique de la ville. Que dit-il? Que les quartiers dits prioritaires, pour lesquels la puissance publique est censée faire plus, bénéficient en réalité de moins de moyens que les autres territoires – urbains, périurbains ou ruraux – et ce y compris malgré les milliards de la rénovation urbaine. Donc, d'abord, il faut rétablir l'égalité des moyens.

Et pour cela, rien ne sert d'augmenter le budget de la politique de la ville, on peut rester dans le droit commun. La politique de la ville représente moins de 1% du budget de l’Etat. Le vrai enjeu n'est pas qu'elle passe à 1,2%, mais de s'assurer que les 99% restants soient distribués de façon équitable.

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