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Jours fériés pour les juifs et les musulmans : "Eva Joly prend le risque d'une résurgence communautariste"
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Pas Joly Joly

La candidate EELV à la présidentielle, Eva Joly, s'est déclarée mercredi favorable à la création d'un jour férié pour les juifs et les musulmans. Une proposition décriée qui, pour ses détracteurs, illustre de nouveau la vision d'une France sans identité.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Elle a du panache, Eva. De l'audace. Se présenter à l'élection présidentielle avec cet accent qui, à lui seul, nous rappelle (bien à tort) les "heures les plus sombres de l'Histoire", c'était méritoire. Comme une façon de lancer à la cantonade que ce n'est pas parce qu'elle ne s'est pas acclimatée au pays en une petite quarantaine d'années qu'elle en serait moins légitime pour le présider. Enfin, symboliquement. Bien sûr, l'électeur conçoit une honte sans appel pour avoir laissé ces considérations effleurer son esprit. Mais vous connaissez l'électeur comme moi : même en baissant les yeux, comme ça, c'est un peu le sentiment qu'il a. Notez que ça ne signifie en rien qu'il ait un souci avec un président d'origine étrangère : il a voté pour un Hongrois.


Eva Joly avait pourtant le choix

Le recours à un disciple quelconque de Lionel Logue écarté pour des raisons de délais, elle pouvait néanmoins s'efforcer de distiller incidemment au long de la campagne quelque témoignage de son attachement au pays. Au lieu de cela, bravache, elle a décidé de ne rater aucune occasion de marquer sa distance.

Après avoir vitupéré contre le 14 juillet, récriminé contre le 11 novembre, pesté contre Jeanne d'Arc, sa proposition sur les jours fériés illustre une vision d'une France sans identité. Notez qu'à ce compte, personne ne pourrait lui reprocher de lui manquer de fidélité. Ne lui dénions donc pas une forme de cohérence du raisonnement. Mais enfin, qu'elle ne nous serve pas la pose de la juge effarouchée quand elle récolte ce qu'elle a semé.

Jeanne, ce "symbole ultranationaliste". Eva Joly est presbyte : elle devrait prendre du recul, elle y verrait mieux. Jeanne n'aurait donc politiquement qu'un visage, celui de la famille Le Pen ? N'est-il donc pas possible d'y voir également le symbole de l'unité, portée par une simple jeune fille de la campagne française, de la confiance redonnée au peuple et jusqu'à ses dirigeants ? Une unité et une confiance dont on comprend bien qu'on l'espère spécialement aujourd'hui... Tenez, certains la voient de gauche, Jeanne, alors ! François Mitterrand avait même dit d'elle, en citant Michelet : "Elle aima tant la France que la France, touchée, se mit à s'aimer elle-même".

Alors, elle aurait pu, Eva, s'approprier Jeanne, plutôt que l'éradiquer. Cela aurait été un peu sympa de sa part, et on aurait pu se réconcilier. Mais non. Eva s'intègre mieux à une page blanche. Et, comme certains à gauche, c'est la vision de la France qu'elle endosse : une page blanche.

Il en est de même pour sa proposition d'instaurer un jour férié pour Kippour et pour l'Aïd-el-Kebir, qui n'arrive pas ex nihilo, sans antécédents de la part d'Eva Joly. En pratique, doit-on imaginer que chaque Français aurait un jour de congé à l'occasion de l'Aïd-el-Kebir et de Kippour ? Me faudra-t-il expliquer à mes enfants qu'aujourd'hui, on ne travaille pas, parce que c'est l'Aïd ? Ou prendra-t-on seulement les jours qui correspondent à notre... communauté ?

La France n'est pas née d'hier

Mais notre communauté, c'est la France, et la France n'est pas née hier. Elle a des racines, une culture, une Histoire, que même un Mitterrand savait respecter et entretenir il n'y a pas si longtemps. Reconnaître ses racines chrétiennes, avec Laurent Wauquiez notamment, ce n'est pas exiger que les Français se convertissent, ou que la République soit déférente, c'est se rendre simplement à une réalité - certes non exclusive.

Au-delà de ce débat sur les jours fériés, si, de fait, chaque religion n'a pas "un égal traitement dans l'espace public", comme le réclame Eva Joly, c'est le produit de cette Histoire, et de cette culture.

On peut la tenir pour rien

Reste alors à savoir si l'on peut espérer des nouveaux arrivants qu'ils s'intègrent à un pays inconsistant, si l'on s'étonnera ensuite qu'ils s'en tiennent à leur identité d'origine ou reconstituée, si l'on s'offusquera d'une résurgence communautariste et de pratiques qui nous choquent, quand la France n'aura plus rien à proposer.

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