Étranglement : les finances de l’Etat islamique accusent sérieusement le coup des opérations américaines <!-- --> | Atlantico.fr
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Les opérations américaines "étranglent" l'Etat islamique.
Les opérations américaines "étranglent" l'Etat islamique.
©Reuters

Nerf de la guerre

Depuis l'automne 2015, l'opération américaine Tidal Wave II cible les installations pétrolières de l'Etat islamique. Cela a provoqué une baisse de la production, de l'exportation et des revenus pétroliers du groupe terroriste. Daech est très affaibli mais n'est pas vaincu pour autant.

Francis Perrin

Francis Perrin

Francis Perrin est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS, Paris) et chercheur associé au Policy Center for the New South (PCNS, Rabat).

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Atlantico : Selon des agents américains en charge du contre-terrorisme, les frappes menées depuis des mois contre les installations pétrolières et les institutions financières de l’Etat islamique (EI) ont considérablement affaibli ce dernier. Quelles sont les cibles visées ? A quel point ces frappes ont-elles affecté les finances de l’EI ?

Francis Perrin : Il est exact que l'EI a été significativement affaibli par les frappes aériennes réalisées par la coalition occidentale et arabe dirigée par les États-Unis. Les territoires contrôlés en Syrie et en Irak diminuent et la production pétrolière de ce groupe a chuté de même que ses exportations et ses revenus pétroliers. Il y a eu une montée en puissance des frappes visant des objectifs pétroliers depuis l'automne 2015 avec le lancement d'une opération militaire dont le nom de code est Tidal Wave II.

Les cibles pétrolières visées et détruites ou endommagées incluent les appareils de forage et les pompes, certains puits (mais pas beaucoup), des usines de séparation du gaz et du pétrole, des raffineries artisanales, des oléoducs et des camions-citernes et des installations de stockage et points de collecte du pétrole. Les cibles sont donc très diversifiées mais les deux maillons clés de cette chaîne de valeur du pétrole de l'EI sont le raffinage et le transport.

La production contrôlée par l'EI en Syrie et en Irak ne dépassait sans doute pas 30 000 barils par jour au début 2016, contre 50 000-70 000 b/j probablement à l'été 2014, et le chiffre a encore baissé depuis. Cela signifie que cette organisation n'a plus beaucoup de pétrole/produits pétroliers à vendre sur les marchés régionaux pour obtenir du cash, donc des dollars. Ses revenus pétroliers ne devaient guère dépasser $1 million par jour au début 2016 et la chute n'est pas terminée. Cela dit, son budget comprend plusieurs sources, pas seulement le pétrole.

L’EI jouant en grande partie le rôle d’un Etat auprès des populations qu’il contrôle, quelles pourraient être les conséquences de cette diminution des revenus ? Y-a-t-il un risque de désertion ou de soulèvement des populations administrées et des combattants ?

Il semble établi que l'EI a réduit de façon importante le salaire de ses combattants et qu'il y a parfois des pénuries de produits pétroliers. Si l'on ajoute à cela les nombreuses pertes humaines au sein de l'EI, du fait des frappes aériennes et des offensives des forces qui lui sont hostiles en Syrie et en Irak, le fait que beaucoup de ceux qui l'ont rejoint se rendent compte que ce n'est pas exactement le paradis qu'on leur avait promis et les recrutements forcés auxquels cette organisation a recours au sein des populations sunnites sous son contrôle, on comprend aisément que cet ensemble de facteurs conduise à de sérieux mécontentements et à des désertions. On ne peut les chiffrer mais tout ceci existe bel et bien.

Assistera-t-on à un soulèvement des populations concernées ? On ne peut pas l'exclure mais ce n'est pas encore le cas. L'EI règne aussi et d'abord par la terreur. Par contre, au fur et à mesure que cette organisation sera de plus en plus affaiblie, il est probable que les mouvements de protestation ou de fuite seront de plus en plus importants.

Cette pression sur les finances de l’EI, combinée aux pertes territoriales (suite à la reprise de Palmyre notamment), pourrait-elle, de façon paradoxale, accroître la dangerosité et l’imprévisibilité du groupe terroriste et le pousser à multiplier les attentats en Europe et ailleurs ? 

Difficile à dire. Il n'y a pas forcément de lien direct et inverse entre la force ou la faiblesse de l'EI au Moyen-Orient et au Proche-Orient et le nombre d'attentats qu'il commet ou que ses partisans commettent en Europe, en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient, en Amérique du Nord ou ailleurs. Ce qui est sûr, plus globalement, c'est qu'un groupe terroriste est plus dangereux dans la durée s'il contrôle une base territoriale car il peut plus facilement préparer des attaques de grande ampleur, attirer des combattants et avoir accès à des financements plus importants. Il y a aussi la dimension du symbole et de la communication/propagande. Chasser l'EI de l'Irak et de la Syrie représenterait sur tous ces points une défaite d'une ampleur considérable pour cette organisation même si cela ne marquerait pas son acte de décès et, encore moins malheureusement, la fin des attentats dont il serait responsable.

Propos recueillis par Emilia Capitaine

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