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"Etienne A.", de Florian Pâque, est à retrouver au Théâtre la Scala à Paris
"Etienne A.", de Florian Pâque, est à retrouver au Théâtre la Scala à Paris
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"Etienne A.", de Florian Pâque, est à découvrir au Théâtre la Scala à Paris.

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

Voir la bio »

Etienne A.

De Florian Pâque

Mise en scène : Florian Pâque

Avec : Nicolas Schmitt

INFOS & RÉSERVATION

La Scala

13, boulevard de Strasbourg

75010 PARIS

01 40 03 44 30

http://www.lascala-paris.com

Du 4 mars au 30 avril. Les vendredi et samedi à 19h30, les dimanches 6, 20, 27 mars et 3 avril à 15h30. À partir du 14 avril les jeudis à 19h30 (relâche 24 et 25 mars, 7 avril).

NOTRE RECOMMANDATION : BON

THÈME

• En cette veille de Noël 2018, Étienne A., “technicien – piqueur“ de 31 ans dans l’entrepôt Amazon de Saran (Loiret), décide enfin de s’adresser à sa collègue Sandrine, qu’il aime secrètement. 

• Peu importe que cette dernière soit sur le point de l’inviter à ... son mariage : ce qu’Étienne a sur le coeur dépasse de loin la confession amoureuse, et la conclusion qu’il entend donner à sa déclaration n’est pas banale non plus. 

• Dans un environnement qui actualise le Chaplin des Temps modernes, pousse le taylorisme et le fordisme dans leurs plus extrêmes aboutissements, une « fourmi » se rebiffe.

POINTS FORTS

• Le propos d’Étienne A. possède une puissance singulière, et le choix de décrire la vie (ou ce qui en tient lieu) dans les entrepôts d’Amazon se révèle très pertinent : on y découvre une main d’œuvre post-industrielle “aliénée“, devenant étrangère à sa propre humanité, rendue à l’état de « fourmi ».

• La force du texte est de montrer comment pour Étienne, manutentionnaire du géant de la distribution comme pour son ex-femme, caissière chez Patàpain et tant d’autres, le travail investit pratiquement toutes les dimensions d’existences soumises en permanence aux impératifs du temps. En effet, celles-ci sont marquées par des cadences imposées, qui conduisent à adopter des rythmes de vie qui s’y adaptent le mieux (d’où le nom d’Étienne : A. comme Amazon). Face à un fonctionnement entrepreneurial qui « vit de l’urgence », les individus sont constamment bousculés, désorientés, acculés, et perdent rapidement de vue ce qui fait leur qualité d’êtres humains. Tout, jusqu’aux conséquences de leurs faibles rémunérations, les contraint d’adopter un comportement et un mode de vie parfaitement normés. 

• Au service de cette entreprise de décervelage et de soumission, on retrouve bien sûr le langage du management contemporain, avec ses mots-valises, ses termes dévoyés et ses multiples détournements de sens, ses ruses verbales grossières et standardisées, à seules fins d’augmenter les cadences et la productivité d’employés bombardés de messages. 

• Le choix d’Amazon Saran, situé non loin d’Orléans, est d’autant plus judicieux qu’il permet d’inscrire le propos dans cette « France périphérique » étudiée par le géographe Christophe Guilluy, si éloignée de la capitale, d’autant plus après le projet mort-né d’aérotrain dans les années 1970.

 • On assiste avec émotion à la tentative d’Étienne A. pour s’arracher à l’aliénation, et tenter de re-saisir son existence, quitte à prendre la même direction que son célèbre prédécesseur, Le poinçonneur des Lilas (S. Gainsbourg), dont il est un avatar contemporain.

QUELQUES RÉSERVES

• Quelques longueurs ici ou là (notamment le passage du père), et en fin de pièce, une scène de parabole du contenu d’un carton un peu trop bon enfant, prévisible et lacrymale. 

• La manière encore un peu inaboutie dont le comédien endosse les différents personnages de sa galerie. Il est vrai qu’il n’est pas simple de passer du père bourru au manager-bourrin, de l’enfant curieux à son père, ou de l’ex speedée à son nouveau conjoint, “manager-copain“ d’Étienne A., tout en les campant avec nuance, même si leurs vies respectives sont extrêmement stéréotypées. Mais le spectacle, qui en était à sa deuxième représentation, se rode, et les ajustements envisageables seront sans doute opérés avec le doigté nécessaire.

ENCORE UN MOT...

Comme quoi le carton peut avoir des significations et des usages bien moins ludiques et réjouissants que dans le cabaret du même nom (cf chronique précédente)...

UNE PHRASE

Étienne A. : « Dans le carton où j’entrerai bientôt, je n’entrerai pas seul... »

L'AUTEUR

• Formé à l’Académie César Franck de Visé en Belgique, Florian Pâque est d’abord comédien, et remporte en 2013 le concours du Carrefour des Comédiens dans le cadre du Festival International du Film Policier de Liège. 

• Très vite, il se frotte à la mise en scène, et dès 2015, Pâque monte le roman Le Bizarre Incident du Chien pendant la Nuit, distingué à la Cérémonie des Jacques au Casino de Paris. 

• Dès lors, il ne cesse plus d’écrire : Avec le paradis au bout, présenté au Centre Wallonie-Bruxelles, puis à Avignon ; Pour en finir, une fiction sur la fin de vie d’Antonin Artaud ; L’Alouette, écrite pour la comédienne Natacha Régnier, et à présent Étienne A.

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