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Ethos, pathos et adaptabilité : comment plaider comme un véritable avocat
©Reuters

Bonnes feuilles

Bien parler suppose un entraînement, des techniques pour être à l’aise en public, mais aussi pour structurer un discours, le délivrer avec aisance, convaincre en toutes circonstances. Extrait de "La parole est un sport de combat" de Bertrand Périer, aux éditions JC Lattès (2/2).

Bertrand Périer

Bertrand Périer

Bertrand Périer est avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Il enseigne l’art oratoire à Sciences Po et HEC. Il prépare les élèves de l’université Paris 8 au concours Eloquentia qui désigne le meilleur orateur de la Seine-Saint-Denis. 

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Vous pouvez évidemment puiser dans les codes de la parole judiciaire des éléments qui vous seront utiles pour plaider votre cause dans la vie de tous les jours.

Voici, pour cela, quelques règles d’argumentation.

Tout d’abord, adaptez-vous à ce que peut et veut entendre votre public. De la même façon qu’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, on ne force pas un auditoire à entendre des arguments qu’il ne veut pas entendre. L’art de l’orateur, c’est l’art de convaincre le public au moyen d’arguments auxquels il sera sensible.

Dans l’Antiquité, les Grecs avaient déjà compris que le discours (le logos) dépendait à la fois de l’image que l’orateur voulait donner de lui-même (l’éthos) et des passions de l’auditoire (le pathos). Et Aristote de dépeindre les arguments qui toucheront les jeunes (« ils sont enclins à la colère et à l’emportement »), les vieux (« ils ont l’esprit étroit, ayant été rabaissés par la pratique de la vie »), les riches (« on devient arrogant et hautain »), les nouveaux riches (« un penchant tantôt à l’arrogance, tantôt à l’intempérance, qui les porte soit aux voies de fait, soit au libertinage ») !

Les avocats ne plaident pas de la même façon devant des juges professionnels ou devant des jurés populaires. Demandez-vous d’abord ce que vos interlocuteurs ont envie d’entendre. Sont-ils plutôt sensibles aux arguments de bon sens, de philosophie, d’argent, de pouvoir ?

Ensuite, fiez-vous aux typologies d’arguments que les avocats utilisent.

Depuis Quintilien, nous savons que les arguments peuvent être classés en quatre catégories : les arguments de droit (« j’ai le droit de partir à telle heure de mon travail, parce que c’est prévu dans mon contrat »), les arguments de fait (« nous devons réduire notre consommation d’énergie car les énergies fossiles s’épuisent de façon accélérée »), les arguments de valeur (« tolérer la prostitution, c’est tolérer l’asservissement des femmes et la marchandisation de leur corps »), et les arguments d’émotion (« comment pouvez-vous encore consommer de la viande alors que chacun connaît le spectacle épouvantable de la souffrance animale? »).

Et dans la forme, il existe d’innombrables types d’arguments que les avocats utilisent et que vous pouvez utiliser à votre tour.

En voici quelques-uns.

Le syllogisme. Il consiste à énoncer une règle générale, à faire état d’un fait, puis à appliquer la règle générale au cas particulier : « Les délégués syndicaux ne peuvent être licenciés qu’avec l’autorisation de l’inspecteur du travail, je suis délégué syndical, vous ne pouvez pas me licencier sans l’accord de l’inspecteur du travail. »

Le raisonnement par analogie. « La secrétaire de Monsieur X a été augmentée. J’ai la même ancienneté qu’elle. Je dois être augmentée aussi. »

L’argument d’autorité. « Tous les économistes disent que les taux d’intérêt vont remonter. »

L’argument d’incompatibilité. « Si l’on est favorable à la laïcité, on ne peut tolérer le financement public de l’enseignement privé. »

L’argument de causalité. « L’allégement des charges sociales permettra de lever les freins à l’embauche et entraînera la diminution du chômage », « Il n’y a pas de fumée sans feu. »

L’argument a contrario. « Les fumeurs de tabac ne sont pas admis dans les restaurants, donc les fumeurs de cannabis y sont admis. »

L’argument a fortiori. « Si les fumeurs de tabac ne sont pas admis dans les restaurants, a fortiori les fumeurs de cannabis ne le sont pas non plus. »

L’argument ad personam. « Comment croire ce que vous dit ce délinquant ? »

Extrait de "La parole est un sport de combat" de Bertrand Périer, aux éditions JC Lattès

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