Êtes-vous atteint de dysmorphie financière, ce nouveau trouble amplifié par les réseaux sociaux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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« La dysmorphie financière pourrait être alimentée par l’obsession des gens d’être riches à une époque où l’être semble de plus en plus hors de portée », avance l’Institut Credit Karma.
« La dysmorphie financière pourrait être alimentée par l’obsession des gens d’être riches à une époque où l’être semble de plus en plus hors de portée », avance l’Institut Credit Karma.
©MIGUEL MEDINA / AFP

Obsession à l'idée d'être riche

Selon une étude, Près de la moitié des jeunes adultes souffrent de « dysmorphie financière ».

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Près de la moitié des jeunes adultes souffrent de « dysmorphie financière », selon une enquête. De quoi s’agit-il ? 

Pascal Neveu : Les Américains ont ce grand chic de s’inventer des maladies ! Et via cette fameuse étude d’une grande entreprise canadienne qui nous « sort » sous le chapeau le concept de dysmorphie financière ! Sujet que je trouve personnellement d’une indécence totale et en dehors de la réalité.

Je suis tombé de ma chaise en travaillant et en lisant nombre d’articles. Mais un tel reflet de notre société totalement décomplexée.

Un jeune sur deux serait obsédé à l'idée d'être riche ! Ce qui conduirait quelque 40% d'entre eux à souffrir de « money dysmorphia », ou dysmorphie financière. 

« La dysmorphie financière pourrait être alimentée par l’obsession des gens d’être riches à une époque où l’être semble de plus en plus hors de portée », avance l’Institut Credit Karma. Grande question sur ce qu’est Être, advenir, faire vivre et vibrer son Moi.. au delà de son compte bancaire.

En effet, un Américain sur deux gagnant plus de 100 000 dollars annuels aurait le sentiment de vivre apaisé. En aout dernier, 25 % des 1 000 personnes interrogées par Bloomberg et gagnant au moins 175 000 dollars par an, se décrivaient comme « très pauvres » , ou « pauvres », précisant qu'ils « s'en sortent », mais que « les choses sont difficiles ». Et une enquête du mois dernier montre qu’il faudrait un salaire annuel de 525 000 dollars pour être heureux !

Quels sont les symptômes de la dysmorphie financière ? Comment cela se manifeste-t-il au quotidien ?

Ce qui est intéressant est que seulement 14 % des Américains se considèrent riches.

Le phénomène se produit lorsque les individus n’arrivent pas à évaluer avec précision leur situation financière, ce qui se traduit notamment par le sentiment d'être « en retard » financièrement. De ne pas être dans la réalité de notre monde, mais aussi un souci, une angoisse face à sa sécurité économique.

D'après Credit Karma, 29 % des Américains seraient concernés, un taux qui monterait à 43% au sein de la génération Z, et chuterait à 14% chez les plus de 59 ans. Pourtant, un tiers des personnes visées par la dysmorphie financière déclarent bénéficier de plus de 10 000 dollars d’économies, et 23 % de plus de 30 000 dollars : des sommes bien supérieures au montant médian de l’épargne nationale, qui oscille autour de 5 300 dollars.

Cela ne peut créer que des mécanismes de défense sociales, anti-sociales, mais aussi des arnaques importantes comme des études le montrent.

En quoi les réseaux sociaux favorisent l’apparition de cette pathologie ? Est-ce ce qui explique pourquoi les jeunes sont les plus frappés ? 

Selon moi, il ne s’agit pas d’une pathologie au sens psy. Seulement un comportement psycho-social, qui, en revanche, peut activer des dérives pathologiques, des passages à l’acte, comme des vols, des comportements paranoïaques, narcissiques, d’isolement…

Ce sentiment d’être aisé est de plus en plus insaisissable, quel que soit le montant d’argent dont vous disposez, a également révélé un rapport d’Edelman Financial Engines.

Cela nous renvoie à ce fantasme du petit cochon au sein duquel nous glissions des pièces, ce fameux nourrain de Maître Capello, le livret A…  Le concret de l’argent… loin du bitcoin ! Qui vaut à ce jour 56 735,19 euros.

Et c’est une frange de décalage énorme avec les réseaux sociaux.

Le réel, le virtuel, le palpable.

Nous avons vécu et subi une période prolongée de forte inflation et d’instabilité qui a érodé le pouvoir d’achat et la confiance de la plupart des consommateurs. Instagram est également en partie responsable, sans oublier TikTok et cette fameuse nouvelle pseudo profession « d’influenceurs » narcissiques et arrivistes.

« Ce que nous avons découvert est un lien très fort entre le fait de se sentir mal à propos de sa situation financière et le temps que l'on passe sur les réseaux sociaux », a déclaré Isabel Barrow, directrice de la planification financière chez Edelman Financial Engines.

Car environ un quart des consommateurs se sentent moins satisfaits du montant d’argent dont ils disposent à cause des médias sociaux, selon cette étude. Cela peut même conduire certains à dépenser trop pour des articles coûteux comme des vacances, des rénovations résidentielles ou des produits de luxe, en raison de la pression exercée pour suivre le rythme des « Joneses numériques ».

Le numérique l’emporte sur notre raisonnement humain repensant à notre tirelire donc nous aimions entendre le bruit des pièces.

Le virtuel devient matière.

La dysmorphie financière est-elle une fatalité ? Comment faire pour combattre ces effets ?

La fatalité n’existe pas. Il n’existe pas de destin, de force occulte qui déterminerait les événements !

Face à ce sujet nous sommes face à une altération de la perception ne se cantonne pas aux revenus. Comme le rappelait récemment la newsletter TTSO, les Français évaluent l'inflation à 18%, soit un taux 4 fois supérieur à celui quantifié par l'Insee. Un phénomène que l'on retrouve aussi de l'autre côté de l'Atlantique. Le New York Times observe que les électeurs américains, qui identifient la hausse des prix comme leur principale source d'inquiétude, ne reconnaissant pas la baisse du taux d'inflation. Même constat en Italie, où l'indice des prix est pourtant stable, au-dessous des 2%. « Au moins deux biais de perception expliquent ce phénomène.

D’abord, l’aversion à la perte : nous sommes plus sensibles aux prix qui augmentent qu’à ceux qui baissent (comme les forfaits mobiles ou les produits technologiques). Et surtout, le biais de disponibilité : notre perception surpondère les achats fréquents, principalement l’alimentaire et l’essence, qui (même si c’est plus pour les ménages modestes) ne représentent, ensemble, que 20% du budget moyen ».

Nous savons que de nombreuses études suggèrent que les réseaux sociaux ont un effet négatif sur l’estime de soi.

Cela s’applique non seulement à ce que les gens pensent de leur apparence et de leur statut social, mais également à leur bien-être financier et à leur situation économique.

Peu surprenant, la dysmorphie financière est plus répandue parmi les jeunes générations, selon Credit Karma. Environ 43 % de la génération Z et 41 % des millennials ont du mal à se comparer aux autres et se sentent en retard financièrement.

Cela constitue un problème depuis très longtemps, mais les médias sociaux l'ont porté à un tout autre niveau.

Beaucoup de ceux qui souffrent de dysmorphie financière ont des économies supérieures à la moyenne. Cependant, ils sont également susceptibles d’admettre qu’ils sont obsédés par l’idée d’être riche.

Mais que signifie être riche ? Il existe une distorsion entre la perception et la réalité de la richesse. Et surtout se sentir en sécurité financière. Et c’est là où nous devons transmettre, selon moi, un enseignement envers les nouvelles générations.

Déjà conseiller de passer moins de temps sur les réseaux sociaux et de supprimer toutes les informations de paiement stockées en ligne afin de créer des « obstacles à l'achat » qui vous obligent à réfléchir aux décisions d'achat.

Et tenter d’acquérir cette perception selon laquelle il faut se présenter comme quelqu'un qui a réussi non pas sans montrer sa montre chère ou sa belle voiture … car c’est tellement faux !

Avoir réussi c’est  s’assurer que vous êtes heureux. Les objets ne vont pas nous rendre heureux.

Massimo Gargia ne cessait de dire qu’il n’avait jamais autant pleuré que dans ses Rolls Royce !

L’argent n’est qu’une pathologie et dans de nombreux textes, légendes… l’or n’est que sous le fumier.

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