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La guerre en Afghanistan est-elle un échec pour les Etats-Unis ?
La guerre en Afghanistan est-elle un échec pour les Etats-Unis ?
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US Army down

Barack Obama a annoncé le retrait de 33 000 soldats américains d'Afghanistan d'ici à septembre 2012. La fin de ce conflit ressemble à la fin de la guerre du Vietnam, selon Ronald Hatto, enseignant et docteur de l’Institut des études politiques de Paris.

Ronald Hatto

Ronald Hatto

Ronald Hatto est enseignant et docteur de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP). Ses recherches portent sur les relations transatlantiques, la politique étrangère du Canada et des Etats-Unis, les organisations internationales et les opérations de maintien de la paix.



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Atlantico : La guerre en Afghanistan est-elle un échec pour les Etats-Unis ?

Ronald Hatto : Il est difficile de répondre à cette question tout comme il est difficile de savoir si les opérations de maintien de la paix, par exemple, sont des succès ou des échecs. Les finalités de ce genre d’opérations sont rarement exposées. Que cherchaient à faire les Américains et leurs alliés en Afghanistan ? Initialement, il s’agissait de chasser Al Qaïda du pays et, dans le même temps, les Talibans qui avaient permis à Oussama Ben Laden et à Al Qaïda de rester sur le sol afghan. Mais après ? C’est là que réside le problème avec ce genre d’intervention de basse intensité. Quel est le but final ?

Les buts de la guerre du Vietnam n’avait pas été mieux définit par Lyndon Johnson en 1964 et l’on a vu les Etats-Unis s’empêtrer dans un bourbier pendant une dizaine d’années. La situation actuelle (depuis 2008 à peu près) en Afghanistan ressemble d’ailleurs à la fin de la guerre du Vietnam. Lorsque le président Nixon s’est mis à parler de « vietnamisation » du conflit, il cherchait à passer le relai de la défense et de la sécurité aux Vietnamiens eux-mêmes. C’est exactement ce qu’ont fait les Américains, les Canadiens et les Français au cours de l’année 2008. La France avait même fait de l’ « afghanisation » de l’opération une condition à l’envoi de troupes supplémentaires.

Je pense que l’intervention en Afghanistan est un échec dans la mesure où la situation dans la région est probablement pire qu’elle n’était en 2001. Les Talibans sont maintenant très actifs au Pakistan et ils représentent une menace à la stabilité de ce pays très important au plan stratégique. Les tensions entre les Etats-Unis et le Pakistan risquent d’ailleurs de favoriser un renforcement des relations - traditionnellement bonnes - entre ce dernier et la Chine, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour la position mondiale des Etats-Unis.

L’intervention en Afghanistan semble toutefois avoir favorisé le développement de relations de plus en plus cordiales entre les Etats-Unis et l’Inde. Au final, il semble que les Etats-Unis ont perdu une décennie au plan militaro-stratégique. L’invasion de l’Irak et l’intervention en Afghanistan ont semble-t-il affaibli les Etats-Unis financièrement sans pour autant avoir rapporté de véritables avantages stratégiques. Le rapprochement avec l’Inde – qui est avantageux pour la stratégie américaine en Asie - aurait probablement eu lieu même sans intervention en Afghanistan. A l’heure actuelle, la stabilité de l’Afghanistan et du Pakistan est remise en question.

Dans ces conditions, il est difficile d’affirmer que l’intervention visant à chasser Al Qaïda et les Talibans d’Afghanistan a été un succès. Non seulement la situation sur le terrain risque d’empirer une fois les Occidentaux partis mais en plus, cette guerre qui ne dit pas son nom aura coûté très chère en termes humains (parmi les Afghans et le personnel étranger) et financiers.


La mort de Ben Laden a-t-elle changé la donne ?

Il est vrai que Ben Laden a été tué et qu’il s’agissait d’un des buts affichés de l’intervention américaine (sa mort ou son arrestation) mais les conditions dans lesquelles cela s’est produit sont plus qu’inquiétantes pour les Etats-Unis. Ben Laden se « cachait » dans une ville qui abrite équivalent de l’école d’officiers de Saint-Cyr !

Difficile de croire que l’armée et le gouvernement pakistanais ignorait sa présence. C’est pourquoi, si l’on y regarde attentivement, la mort de Ben Laden ne représente qu’une demi-victoire. L’opération aura au moins eu le mérite de mettre à jour officiellement le double-jeu du gouvernement et des services de renseignement militaire pakistanais. A cet égard, c’est un succès. 

Que peut faire Barack Obama dans sa stratégie à propos de la guerre en Afghanistan ? Son administration paraît divisée sur le retrait des troupes...

Le président Obama est dans une situation délicate. Il ne peut pas retirer les troupes trop rapidement car cela entraînera une situation très chaotique. Les insurgés en profiteraient pour déstabiliser davantage le gouvernement afghan qui a si difficilement été mis en place par la coalition internationale. Encore une fois, la situation ressemble étrangement au lent retrait américain du Vietnam. Il faut se rappeler que les derniers soldats américains ont quitté le Vietnam (en catastrophe) en avril 1975. Plus de deux ans après les Accords de Paris qui officialisaient la fin de la guerre pour les Etats-Unis au Vietnam. La situation en Afghanistan n’est pas aussi dramatique. Les Talibans ne sont pas aussi puissants que le Vietcong et ils n’ont pas de protecteur comme l’armée nord vietnamienne mais malgré tout, en cas de départ rapide, la situation pourrait rapidement dégénérer. Autre point, les forces américaines doivent aussi superviser le retrait des troupes des pays alliés.

En ce qui concerne la situation aux Etats-Unis, les perceptions divergent surtout entre les civils et les militaires. Les premiers voudraient accélérer le départ des troupes afin de sauver la vie des soldats et d’économiser de l’argent. Les militaires eux sont inquiets des effets d’un retrait trop brusque. Au final, il semble y avoir un consensus sur la nécessité de quitter l’Afghanistan. Le désaccord porte davantage sur la façon de le faire.  


Sans les Etats-Unis, les troupes engagées en Libye, sous le commandement de l'OTAN, manquent de matériels. Mais les Américains ont-ils encore envie d'intervenir sur toutes les opérations militaires du globe ? Pouvons-nous encore parler de gendarmes du monde avec Obama ?

En premier lieu, les Etats-Unis ne semblent plus avoir envie de s’interposer dans les crises qui frappent le monde. Au risque de paraître obsédé avec la guerre du Vietnam, il faut se souvenir de l’attitude de l’administration américaine après 1975. Les présidents Ford et Carter ont cherché à rediriger la politique étrangère vers des objectifs plus modestes. Le traumatisme du Vietnam a marqué les administrations qui ont suivi la fin de cette guerre impopulaire. La situation actuelle est différente ne serait-ce que parce que les attentats du 11 septembre 2001 ont justifié, jusqu’à un certain point, les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Néanmoins, les Américains (le public et les décideurs) semblent considérer que les Etats-Unis ont suffisamment donné en ce qui concerne les interventions militaires extérieures.

Pour ce qui est de l’intervention en Libye, il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ont participé assez massivement au début de l’opération en tirant une centaine de missiles de croisière Tomahawk (119, pour être précis, avec un coût unitaire par missile de 575 000 dollars, soit environ 68 millions de dollars).

Il est vrai que, politiquement, le président Obama a rapidement cherché à s’éloigner de la gestion de cette opération. Pour l’instant, il n’y a pas de troupes de l’OTAN au sol et ce sont surtout les Britanniques et les Français qui bombardent les forces libyennes et il est effectivement vrai que l’opération commence à peser sur ces deux pays. Au plan financier et surtout au plan logistique. D’une part, les armes utilisées doivent être rapidement remplacées et, d’autre part, avec un seul porte-avions, la France voit ses personnels fortement mis à l’épreuve. Les marins et les aviateurs sont déployés au large de la Libye et cela affecte leur moral. L’opération en Libye démontre que sans la présence des Etats-Unis, l’OTAN et les Etats européens ont de la difficulté à poursuivre une mission pendant plusieurs mois. Le cas libyen démontre aussi le manque de volonté de plusieurs pays membres de l’OTAN ce qui, à terme, pourrait affecter les relations entre les Etats-Unis et leurs alliés européens. 

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