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Etats-Unis - Russie : pourquoi ce qui est reproché à Michael Flynn ressemblent pourtant étrangement au travail habituel d’un conseiller à ce poste ….
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Incohérences

La presse s’est emparée de la démission du secrétaire américain à la sécurité nationale pour diffuser de fausses nouvelles de manière à incriminer - une fois de plus - la Russie.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Le lieutenant général (en position de retraite) Michaël Thomas Flynn a présenté sa démission du poste de conseiller de la sécurité nationale le 13 février 2017. La presse s’est emparée de ce fait, certes très important, pour diffuser de fausses nouvelles de manière à incriminer - une fois de plus - Moscou dans des activités délictueuses orchestrées par ses services secrets. Il convient de revenir aux faits pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire.

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Le général Flynn a eu des discutions téléphoniques avec l’ambassadeur russe, Sergey Kislyak, alors que Donald Trump venait d’être élu président des États-Unis mais n’était pas encore entré en fonction. Lors de ces échanges téléphoniques avec le diplomate, il lui aurait assuré que les sanctions prises par Washington, en particulier a propos de l’expulsion de 35 diplomates et de leurs familles suite aux accusations de tentatives d’influence sur l’élection présidentielle américaine par les services russes, pourraient être assouplies une fois le président Trump intronisé. Selon le droit américain, cela peut être considéré comme une "négociation par un citoyen américain avec une puissance étrangère avec laquelle les États-Unis entretiennent des contentieux". C’est punissable selon le "Logan Act" prodigué lors d’une loi de 1799 amandée en 1995(1). Cette loi faisait suite à une visite privée qu’avait effectué le docteur George Logan de Pennsylvanie en France en 1798 pour négocier (en particulier avec Talleyrand) la sortie d’une crise qui existait alors entre les deux pays. Des démarches officielles de Washington avaient précédemment échoué. Malgré le succès du Docteur Logan qui sera ensuite élu sénateur, cette loi avait été prodiguée pour empêcher que de telles démarches personnelles ne se renouvellent à l’avenir. Généralement, les structures étatiques apprécient assez modérément les initiatives individuelles hors du système…

Qu’est-ce qui est vraiment reproché au général Flynn par l’équipe Trump qui l’a incité (ou plutôt obligé) à démissionner ? Tout simplement d’avoir trompé le futur vice-président Mike Pence sur le contenu exact de ses entretiens avec le chef de la mission diplomatique russe à Washington. En effet, Pence avait avancé une défense maladroite et erronée de Flynn se mettant personnellement en mauvaise position. Il a pu en déduire que Flynn lui avait menti or le mensonge est un péché capital dans la société américaine qui est basée sur un fond religieux très ancré. De plus, à l’évidence ce couac survenu dans l’équipe du nouveau président a été peu apprécié par Donald Trump qui tient à resserrer les rangs devant l’opposition passive qu’il rencontre à l’heure actuelle aux États-Unis. Mais il est clair qu’il ne s’agit absolument pas d’un cas de trahison.

En effet, quand un pays, en l’occurrence les États-Unis, accrédite une mission diplomatique sur son sol, il accepte que les diplomates dudit pays, là la Russie, discutent avec tous les individus de leur choix. Les ambassadeurs en poste dans des pays démocratiques sont libres de parler à tout le monde et même aux membres de l’opposition gouvernementale, la France s’en est même fait une spécialité. Par contre, les ressortissants du pays en question sont individuellement responsables de leurs propos auprès de leurs autorités politiques.

Pour l’anecdote, dans les pays tiers, quand la représentation diplomatique sait qu’une autre nation aussi représentée localement est mise à l’index par sa capitale (quand les relations diplomatiques ont été rompues), elle interdit à tous ses membres de participer officiellement aux pinces fesses donnés par cette ambassade et ses membres. De plus, elle « prive de petits fours » les diplomates de la représentation incriminée en ne les invitant plus à ses réceptions. C’est considéré comme un "geste fort" de la diplomatie. En gros, on boude…

Depuis les élections américaines et les accusations portées par les néoconservateurs et le parti démocrate contre Moscou qui aurait influé sur les résultats, les services secrets russes sont sur le devant de la scène. S’il est parfaitement normal que les services russes (et bien d’autres) s’intéressent aux élections américaines car le renseignement est leur raison d’être, ce qui l’est moins ce sont les supposées manœuvres d’ingérence destinées à influer sur les résultats. Cela dit, rien n’a été prouvé et il est toujours confortable pour un perdant - qui, par la même occasion, détourne l’attention des énormes casseroles qu’il traîne derrière lui - d’accuser "l’étranger" d’être derrière sa défaite. Comme le regretté Michel Audiard aurait pu le dire, « le dossier Hillary Clinton encombre aux archives » mais plus personne n’en parle. C’est une tactique habile pour se dédouaner de toute responsabilité tout en se victimisant, mais aussi, et là c’est beaucoup plus grave, pour tenter de délégitimer le gagnant sapant ainsi sa capacité future à gouverner. C’est un véritable déni de Démocratie qui est insidieusement employé. Enfin si tout cela ne marche pas, l’arme ultime employée par les plus ardents "défenseurs de la démocratie" est de rappeler qu'Hitler avait été élu tout à fait légalement ; cela clôt automatiquement tout débat. Enfin, dans certains cas et particulièrement en France, affirmer que les services secrets russes s’intéressent à vous est une manière d’exister : si Moscou tente de vous infiltrer, c’est que vous êtres important. Une pub à bon compte en quelque sorte…

Il est aussi à noter que les opérations d’influence existent également du côté de l’OTAN. Ainsi, selon Intelligence Online qui n’a pas la réputation de faire dans la "poutinomania" : "le président ukrainien Petro Porochenko s’appuie en priorité sur son conseiller personnel, l'ex-secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, l'ancien premier ministre danois, aujourd'hui à la tête de son propre cabinet, Rasmussen Global". Étrange…

Le climat actuel en Occident est à la folie. En fait, une époque se termine mais nous ne savons pas vraiment ce qui va en sortir. Les sensibilités des uns et des autres sont exacerbées, les paroles belliqueuses se multipliant repoussant tout idée de débat démocratique dans l’obscurité. Pourquoi débattre puisque l’"on" détient la vérité et que l’autre est forcément le "mal" (la Russie est bien pratique pour représenter le "mal absolu"). Si l’on n’y prend garde, la démocratie va vivre ses derniers moments.

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