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États-Unis – Iran spirale infernale vers une guerre pourtant évitable
©STR / AFP

Poudrière ou poudre de perlimpinpin ?

Comme l'écrivait Michel Audiard : "A force de jouer avec des allumettes, ils vont mettre le feu à la baraque !"

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Mais qu’est ce qui prend la Maison Blanche ? Sous l’influence de John R. Bolton, conseiller à la sécurité qui avait soigneusement évité de faire la guerre du  Vietnam en s'enrôlant dans la Garde Nationale du Maryland ( il a déclaré par la suite : "je confesse que je n'avais aucun désir de mourir dans une rizière sud-asiatique. Je considérais que la guerre était déjà perdue") et de Michael Richard Pompeo, secrétaire d'Etat qui a effectivement fait West Point et servi dans l'armée sans connaître le feu et dirigé la CIA, aujourd'hui secrétaire du Département d’Etat (ministre des Affaires étrangères), deux faucons proches des néoconservateurs, les États-Unis semblent vouloir en découdre un peu partout sur la planète. Il n’y a qu’avec la Corée du Nord qu’ils ont fait marche arrière.

Le Venezuela n’a qu’à bien se tenir (même si le régime est exécrable, les États-Unis se permettent actuellement de bafouer toutes les règles internationales) et les Russes ont intérêt à ne pas menacer les pays nordiques européens car les pleureuses des Pays Baltes et polonaises craignent que le vilain ours moscovite ne leur fasse des misères à la mode des "petits hommes verts" en Crimée. Le plus risqué en ce moment est un possible incident (qui pourrait dégénérer) survenant avec l’Iran. Pour paraphraser le regretté Michel Audiard, "à force de jouer avec des allumettes, ils vont mettre le feu à la baraque."

Les services de renseignement US sont formels : Téhéran ou/et leurs alliés (milices chiites irakiennes, Hezbollah, rebelles Houthis, etc.) préparent un "mauvais coup" et les Américains se tiennent prêts à riposter énergiquement. À l’appui de cette menace potentielle, les personnels diplomatiques américains non essentiels en poste en Irak ont été priés de plier bagages. Les militaires allemands et les néerlandais ont arrêté les missions d’instruction conduites dans ce pays auprès des militaires et des peshmergas, se calfeutrant dans leurs baraquements. Si l'on en croit ces mesures, il est possible de penser que les Américains craignent une attaque - du style tirs d'artillerie légère ou attentat suicide - d'une des enclaves où ils sont cantonnés en Irak. Les forces étrangères pourraient aussi être visées mais il est à noter que Paris n'a pas pris pour l'instant de mesure conservatoire à l'égard des TF Narvik et Monsabert qui font partie de l'opération Chammal (ce qui ne veut pas dire que des précautions élémentaires ne sont pas prises, les attentats de Beyrouth d'octobre 1983 par un "proxy" des Iraniens sont dans toutes les mémoires des professionnels.)

Et pourtant, les doutes persistent puisque même le Major général britannique Christopher Ghika, commandant adjoint de l’opération internationale Inherent Resolve chargée de combattre Daech en Syrie et en Irak, a affirmé ne pas avoir noté d'intensification de la menace provenant des forces (chiites) soutenues par l’Iran dans ces deux pays. Les Américains ont rétorqué qu’ "ils ne lui avaient pas tout dit", ce qui n’est pas très sympathique avec un responsable allié - et Dieu sait si la Grande Bretagne est un allié privilégié des Américains -. Même la marine militaire espagnole a refusé de continuer à escorter (frégate  ESPS Méndez Nuñez F 104) au delà du canal de Suez les navires de l'US Navy rejoignant le Moyen-Orient car Madrid ne partage pas les vues de Washington sur la situation qui prévaut dans cette région.

Toujours est-il que les Américains ont renforcé la Vème flotte qui évolue en Mer d'Arabie avec le porte avions USS Abraham Lincoln CVN-72. Sur le plan tactique, ce n’est pas une chose exceptionnelle puisque cette unité est très souvent armée d’un porte-aéronefs. Est venu s'ajouter le navire servi par les Marines (aussi armé d'aéronefs) USS Arlington LDD-24. Ils ont déployé quatre bombardiers stratégiques B-52 au Qatar et une batterie Patriot. Il y a un petit problème politique en ce qui concerne les B-52 : ils ne peuvent mener des missions opérationnelles contre l’Iran - en clair des bombardements - que si Doha l’autorise. Or le Qatar entretient de bonnes relations avec l'Iran où le ministre des AE qatari a effectué une visite éclair ce mercredi… A noter que Bagdad a fermement averti que l'Irak n'autoriserait pas l'utilisation de son territoire pour une attaque contre l'Iran. Mais sur le fond, ce ne serait pas la première fois que Washington s’assoit sur des accords bilatéraux.

Comme par hasard, quatre pétroliers (dont deux battant pavillon d’Arabie Saoudite et un norvégien ont été "sabotés" ce week-end en Mer d'Arabie au large du Détroit d’Ormuz. Selon les photos publiées, le navire norvégien Andrea Victory eux a été attaqué par l’extérieur avec une charge explosive qui rappelle en moins puissant ce qui était arrivé au pétrolier français Limbourg au large du Yémen en 2002. À l’époque,  l'Armée islamique d'Aden-Abyane liée à Al-Qaida avait revendiqué cette action terroriste.

Comme personne ne semblait vouloir réagir, la mèche faisant long feu, sept drones Ababil-2/Qasef-1 des rebelles Houthis ont frappé mardi des stations de pompage d'un oléoduc d'Aramco à 800 kilomètres à l'intérieur du territoire saoudien. Les Houthis qui avaient déjà utilisé ce type de drones en 2016, ont revendiqué cette opération menée en réponse aux bombardements saoudiens. Riyad a protesté fermement mais, encore une fois, n'a pas été suivi...

Quel va être le prochain boutefeu et surtout, qui l’aura allumé ? En effet, beaucoup d’acteurs ont intérêt à ce que les États-Unis frappent l’Iran (sans toutefois déclencher une guerre).

Il y a eu un précédent en avril 1988 quand les Américains ont détruit les plates-formes pétrolières de Sassan et de Sirri et coulé deux navires de guerre iraniens. Mais, on était alors à la fin de la guerre Iran-Irak et Téhéran n’a pas souhaité poursuivre les hostilités.

Il n’empêche que la situation et différente aujourd’hui. Ali Khamenei, le Guide suprême de la Révolution a affirmé ne pas souhaiter la guerre. Le président Donald Trump a fait de même. Mais les deux dirigeants sont soumis à des pressions de leurs proches qui souhaitent en découdre. Certains responsables des pasdarans qui multiplient les déclarations belliqueuses pour le premier, beaucoup de néoconservateurs pour le second. Certes l’Iran ne gagnerait pas la guerre mais la superpuissance américaine, même soutenue par Israël et l’Arabie saoudite (qui parle rien de moins qu’envahir l’ennemi perse) ne viendraient certainement pas à bout facilement de cet immense pays peuplé de 82 millions d’habitants (ce n’est pas la Grenade, une grande victoire militaire américaine en 1983 célébrée par le film "le maître de guerre" de Clint Eastwood.)

Et il y a encore des observateurs américains qui osent avancer que "500 missiles par jour" frappant l’Iran pousseraient les dirigeants à la négociation (comme attendrir "la viande" avant de la faire cuire…). Ils semblent oublier que depuis le Vietnam, les engagements de l’armée américaine n’ont pas toujours été couronnés de succès (en dehors des deux guerres contre l'Irak - mais la suite a été problématique -, la Grenade citée plus avant et du Panama fin 1989 et 1990).

Il n'y a plus qu'à souhaiter que tous les responsables gardent leur sang froid dans cette situation pour le moins électrique.

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