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Et voilà Salto : la plateforme française pour répliquer à Netflix se donne-t-elle vraiment les moyens de son ambition ?
©Charley Gallay / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Exception culturelle française

Les groupes TF1, France Télévisions et M6 viennent d’annoncer le lancement d’une plateforme de SVOD commune, en réponse à l'américain Netflix.

Boris Manenti

Boris Manenti

Boris Manenti est rédacteur en chef adjoint de la rubrique Tendances de L'Obs.

Journaliste spécialiste des nouvelles technologies depuis 10 ans, il est enseignant en journalisme web à l'Institut Européen de Journalisme et auteur du livre-enquête "Portables : la face cachée des ados" (éd. Flammarion).

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Atlantico : Les groupes TF1, France Télévisions et M6 viennent d’annoncer le lancement d’une plateforme de SVOD commune. Par rapport à Netflix, quelle valeur ajoutée Salto peut-elle espérer proposer ? Le succès de la plateforme américaine repose sur la création de contenus pour tous les publics. Selon vous, ces trois groupes peuvent-ils toucher autant de publics diversifiés, et notamment les jeunes ?

Boris Manenti : J'ai du mal à comprendre comment Salto va se distinguer de l'offre lancée en fanfare il y a presque deux ans maintenant, Molotov, lancée essentiellement par Pierre Lescure. Sa promesse est de retrouver le contenu des chaînes françaises. Le but était que l'offre de replay française y soit bien concentrée. 

Concernant Salto, étant donné qu’il s’agit d’une offre M6-France Télévisions-TF1, cela peut aboutir à un catalogue assez riche, surtout si l'offre est très agressive. Ça peut être très intéressant pour le consommateur, si le premier prix d'un abonnement est effectivement à moins de deux euros par mois, d'avoir accès aux films, aux séries, aux documentaires des catalogues de M6, TF1 et France Télévisions.

Pour ce qui est de toucher un large public, comme le fait Netflix, je pense que pour Salto, tout va dépendre des contenus que France Télévisions, TF1 et M6 vont mutualiser sur cette plateforme. En tout cas, les contenus actuels des chaînes de ces groupes contiennent déjà tout ça et peuvent toucher un public aussi large. Le seul défaut de ce projet, c'est qu'ils n'auront pas l'algorithme de personnalisation dont dispose Netflix qui permet, une fois qu'un abonné a regardé un programme, que sa page d'accueil s'adapte à ses goûts. Ce type de technologie repose sur plusieurs années de data collectées, analysées avec des spécialistes, etc. Tout ça coûte très cher. 

Quels sont les moyens mis en oeuvre pour devenir une alternative à Netflix ? Les trois groupes français ont-ils à priori les ressources financières pour véritablement concurrencer Netflix ?

La plateforme va-t-elle concurrencer Netflix, le déstabiliser ? Je ne pense pas. Parce que je ne suis pas sûr qu'en France, on s'abonne à Netflix pour y trouver un contenu qui serait concurrent du contenu diffusé par les trois groupes en question. Parce que Netflix, en France, concerne surtout des séries. Le documentaire est effectivement en train de prendre une place assez importante dans l'offre ces derniers temps, mais globalement, si l'on caricature un peu, Netflix, ce sont ses séries, en particulier ses séries exclusives (La Casa de Papel, 13 Reasons Why, Stranger Things, Orange is The New Black, etc.).

Donc, on s'abonne à Netflix en étant à la recherche de séries, et de séries Netflix en particulier. Dès lors, l'offre de TF1-M6-France Télévisions, même dans le cas où elle serait géniale, ne devrait pas faire de l'ombre à Netflix.  En revanche, ça peut être une très belle offre complémentaire qui peut séduire beaucoup de gens. Parce que Netflix dispose de très bons arguments, a bousculé la télévision, mais la plateforme présente toujours de très gros manques, notamment dans l'offre française. En ce qui concerne les films, le catalogue est très léger parce que Netflix n'a pas investi autant d'argent pour acheter des superproductions que peuvent le faire déjà TF1, M6 et France Télévisions pour les diffuser à la télévision.

Pour ce qui est des films français, comme les comédies par exemple, il a quelques films sur Netflix et c'est tout. Salto, en revanche, si les trois groupes de chaînes arrivent à mutualiser un catalogue, même de films français plus anciens, peut séduire le consommateur. Surtout que les chaînes françaises ont quand même une culture du film sur certains soirs de diffusion. France Télévisions peut aussi apporter à l'offre, puisque le groupe produit ou coproduit beaucoup de documentaires et Salto pourrait bénéficier de cette patte plus française, à l'inverse de Netflix dont le prisme, en matière de documentaires, est très américano-centré. D'ailleurs, pour toucher les gens, la localisation est importante et ça peut être un argument supplémentaire pour produire des documentaires français. Évidemment, on peut parler des séries françaises également.

Je pense que les trois groupes qui lancent Salto, sans avoir les moyens de concurrencer Netflix, ont le catalogue pour proposer une offre complémentaire. Ils ont les productions, des programmes géniaux. Ils peuvent - ce que ne fait pas Netflix -, proposer de l'actualité pure, par exemple. Ensuite, il va être important que les trois groupes se mettent d'accord sur le contenu du catalogue, et travaillent sur l'interface de Salto : ce doit être quelque chose de sobre, agréable, accessible partout, multiplateforme (téléphone, ordinateur, AppleTV, box), ce qui est dur à développer. 

 Il y a-t-il un risque que l'avance (technologique, financière) de Netflix soit un frein au développement de Salto ?

Il est évident que Salto ne pourra pas décider de lancer son propre algorithme de personnalisation puisque cela repose sur des quantités importantes de données sur les utilisateurs. C'est pour cela qu'un des moyens de développer une personnalisation serait de s'appuyer sur la recommandation humaine, comme le font les plateformes de streaming musical. L'un des enjeux sera donc, face à une masse de contenus, de permettre à l'utilisateur de trouver ce qui lui correspond le mieux le plus vite possible. Netflix a choisi l'algorithme, mais Salto peut choisir la recommandation humaine. Peut-être aussi inscriront-ils les utilisateurs dans des profils prédéfinis, selon l’âge notamment (enfant de 4 à 5 ans, jeune adolescent, père de famille, etc.) pour leur recommander du contenu.

Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que Salto sera une offre rivale de Netflix, mais plutôt une offre complémentaire, différente, peut-être plus locale, plus française. Par exemple, ce qu'il n'y a pas trop sur Netflix, et que les chaînes comme TF1, M6 et France Télévisions peuvent avoir dans leurs catalogues, ce sont des vieux films, des films cultes. Je suis sûr qu'il y a un public qui aime voir ou revoir des vieux films français qui ont marqué l'histoire du cinéma, ou parfois des films compliqués à trouver en VOD. Je pense que Netflix a bouleversé le modèle de l'audiovisuel ; et les consommateurs, en particulier les plus jeunes, n'aiment plus être contraints par cette grille de programmes très linéaires.

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