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Une jeune maman fait inhaler de la ventoline à son enfant souffrant d'asthme pour prévenir une éventuelle crise, le 26 février 2002.
Une jeune maman fait inhaler de la ventoline à son enfant souffrant d'asthme pour prévenir une éventuelle crise, le 26 février 2002.
©DIDIER PALLAGES / AFP

Leçons de la pandémie

Les virus respiratoires sont habituellement des déclencheurs connus de crises d'asthme. Lors des périodes de confinement durant la pandémie de Covid-19, les patients sont restés à la maison et paradoxalement ont souffert de beaucoup moins de crises d'asthme que d’habitude. D'autres facteurs ont pu jouer un rôle.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Au début de la pandémie on craignait de peiner à différencier les symptômes de l’asthme des symptômes de la CoVid-19. Comment faire la différence ?

Dr Stéphane Gayet : L’asthme bronchique

On reconnaît au mot asthme deux sources étymologiques : en latin et en grec, « asthma » signifie un essoufflement. Un mot désuet du vieux français « asme » signifie une angoisse. Ce n’est pas l’angoisse qui provoque une crise d’asthme, mais c’est la crise d’asthme qui provoque une angoisse.

L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des bronches, caractérisée par une hyperréactivité bronchique (les muscles lisses des petites bronches réagissent fortement à diverses stimulations en se contractant), une augmentation de la production de mucus (ce mucus secrété en abondance provoque un encombrement bronchique) et un œdème bronchique (la paroi des petites bronches est infiltrée d’eau et de sels minéraux, ce qui augmente son épaisseur). Cette inflammation bronchique est responsable des symptômes et signes cliniques de l’asthme bronchique : c'est l'association variable (soit paroxystique, soit persistante) des symptômes et signes suivants, le plus souvent la nuit ou au petit matin : un wheezing (bruit expiratoire sifflant, audible à distance) ou des sibilants auscultatoires ; une dyspnée (gêne respiratoire, impression de manquer d’air) ; une sensation d'oppression thoracique ; une toux qui peut être sèche ou au contraire productive ; une hyperréactivité bronchique à des stimulations exogènes ou endogènes, à l'origine d'un syndrome obstructif (resserrement des petites bronches provoquant une dyspnée expiratoire).

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L’atteinte broncho-pulmonaire au cours de la CoVid-19

La CoVid-19 est une infection virale systémique (qui atteint l’ensemble du corps), dont la porte d’entrée est soit respiratoire, soit digestive. L’atteinte respiratoire est très fréquente au cours de la CoVid-19. Parfois, elle est fort discrète. Dans certains cas au contraire, elle est sévère, voire grave et c’est en général elle qui est responsable des formes mortelles. Lorsqu’il existe une atteinte broncho-pulmonaire manifeste et gênante, son mécanisme n’est pas univoque : il est double.

Il existe souvent une augmentation de la production de mucus et un œdème bronchique. Les symptômes et signes cliniques de cette bronchite sont : une dyspnée ; une sensation d'oppression thoracique ; une toux qui peut être sèche ou au contraire productive. Cette bronchite virale est à l'origine d'un syndrome obstructif provoquant une dyspnée à la fois inspiratoire et expiratoire.

Cette bronchite virale est souvent associée à des thromboses (coagulation du sang dans les vaisseaux sanguins) et des micro-thromboses des petits vaisseaux artériels pulmonaires. Ces thromboses aggravent la dyspnée. Elles peuvent dans certains cas prédominer sur la composante bronchitique.

En somme, de façon schématique : l’asthme provoque surtout des crises de dyspnée expiratoire sifflante (difficultés à vider l’air des poumons), alors que la CoVid-19 provoque une dyspnée continue inspiratoire et expiratoire (difficultés à remplir ses poumons comme à en vider l’air). De plus, l’asthme bronchique survient en général chez une personne déjà connue pour être asthmatique.

Pour certains asthmatiques, la pandémie s’est transformée en aubaine parce que les crises d’asthme étaient moins fréquentes. Qu’est-ce qui peut expliquer ce constat ?

Dr Stéphane Gayet : Les virus respiratoires sont habituellement des déclencheurs connus de crises d'asthme et l’on craignait donc au début de l’épidémie que les sujets asthmatiques ne développent des formes plus graves que les autres. De ce fait, dans les familles où il existait un ou plusieurs asthmatiques, on a redoublé de précautions préventives. Et à la surprise générale, les sujets asthmatiques n’ont pas été plus des victimes de formes graves que les autres ; au contraire, ils ont fait nettement moins de crises d’asthme que d’habitude. Ce constat a été fait dans plusieurs états des États-Unis d’Amérique, ainsi qu’en Grande-Bretagne et en Corée du Sud, entre autres.

Les médecins ont dès lors passé l’épidémie à se demander pourquoi leurs patients asthmatiques allaient soudainement si bien. L’incidence (nombre de nouveaux cas pendant une période de temps) des crises d'asthme a véritablement chuté. Les unités de soins intensifs pédiatriques sont restées étrangement vides. Alors pourquoi ?

L'asthme est une maladie chronique qui se manifeste par des crises aiguës ou par des poussées subaiguës, entraînant chaque année aux États-Unis 1,6 million de passages aux urgences et 3500 décès. Les crises et poussées peuvent être déclenchées par un certain nombre de facteurs environnementaux : virus, pollens, moisissures, acariens, rongeurs, cafards, squames d'animaux domestiques, fumée, pollution atmosphérique, etc. Les médecins se sont souvent focalisés sur les principaux allergènes que les patients peuvent contrôler chez eux, dans leur environnement quotidien. Or, du fait des périodes de confinement, les patients sont restés à la maison pendant un an et paradoxalement ont souffert de beaucoup moins de crises d'asthme que d’habitude, ce qui suggère que d'autres facteurs déclenchants puissent jouer un rôle plus important, notamment les virus respiratoires habituels des rhumes, pharyngites, rhinopharyngites, trachéites, bronchites et autres états d’allure grippale, qui ont presque disparu cette année grâce à l’application (exceptionnelle) des mesures préventives (masque, désinfection des mains, distance physique).

En somme, les virus respiratoires habituels, qui ont pratiquement disparu au cours de l’épidémie de CoVid-19, joueraient probablement un rôle beaucoup plus important que l’on ne le pensait jusqu’à présent, dans la survenue des crises et poussées d’asthme bronchique.

Cela doit-il nous amener à reconsidérer les mécanismes déclenchant l’asthme et les moyens de s’en prémunir ?

Dr Stéphane Gayet : Le nombre de crises et de poussées d’asthme, chez les adultes et les enfants, aurait baissé de 40 % pendant l’épidémie. On s’est d’abord demandé s’il s’agissait d’une baisse artificielle provoquée par une réticence, pour les asthmatiques, à aller aux urgences et à se faire hospitaliser, de peur d’être contaminés ou d’être mal soignés en raison d’une suractivité hospitalière ; mais on a montré que ce n’était pas le cas.

D’un côté, les périodes de confinement ont contribué à soustraire les personnes asthmatiques de sources de pollution extérieure (gaz et particules toxiques émis par les transports en commun et autres véhicules, polluants rencontrés dans les écoles par les enfants, poussières du bâtiment pour les ouvriers, tabagisme passif, etc.) ; de l’autre, c’est la suppression des épidémies d’infections virales saisonnières qui semble être l’élément le plus déterminant dans la diminution des crises et poussées d’asthme bronchique. Cela signifie qu’il faudrait à l’avenir développer davantage la prévention de ces infections virales saisonnières habituelles. C’est donc un enseignement fort de la CoVid-19 en ce qui concerne l’asthme.

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