Et si la clé du bonheur passait par des relations sociales de qualité ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme et une femme plongés en pleine discussion.
Un homme et une femme plongés en pleine discussion.
©Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Bonnes feuilles

Matthieu Chaigne publie « La fabrique des solitaires » aux Editions de l’Aube. En 2020, 7 millions de Français vivaient dans une situation objective d'isolement, soit 14 % de la population française ! Notre époque a collectivement fabriqué une collection d'individus toujours plus seuls. Or l'individu ne peut pas vivre seul. Nous sommes des animaux sociaux. Et l'ignorer a conduit aux limites de notre société... Extrait 1/2.

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne est directeur associé chez BVA. Il est aussi co-fondateur de l'observatoire des sondages et tendances émergentes Délits d'Opinion, chargé de cours à l'INSEEC et à la Sorbonne-CELSA.

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Nous vivons grâce aux autres. Cette dépendance est d’abord physique. Dans les premiers mois de notre vie, sans l’aide d’autrui, nous ne pourrions tout simplement pas survivre. À la différence des autres mammifères, l’être humain demeure beaucoup plus longtemps dans un état de dépendance. L’énergie nécessaire au développement du cerveau est régulièrement avancée pour expliquer cette lenteur de la croissance corporelle. La dépendance à l’autre est aussi physiologique. Les dernières recherches démontrent que les besoins physiques et les besoins physiologiques sont aussi essentiels pour l’être humain. Dès la naissance, l’angoisse de la séparation active un pic de cortisone susceptible de provoquer des lacunes cognitives et comportementales durables. De la même manière, les enfants de moins de cinq ans séparés de leurs parents (par de longs séjours à l’hôpital, par exemple) ont plus de risques de développer des troubles du comportement et du langage.

En réalité, tout notre être est conçu pour la connexion. Nous sommes sociaux par nature. Comme l’explique le professeur de neurosciences cognitives à l’université de Californie, Matthew Lieberman, notre cerveau se met par défaut « en mode relationnel » avec son environnement. En d’autres termes, quand nous ne sommes pas sur une tâche, quand notre cerveau n’est pas absorbé par une réflexion particulière, il bascule automatiquement – et sans que nous nous en rendions compte – en veille pour décrypter ce qui l’entoure: les gens autour de nous, leurs pensées, leurs gestes, leurs buts. Nous sommes orientés naturellement vers les autres.

Le bonheur est avec les autres

Les relations sociales sont le fondement de notre nature. Et seraient même la recette du bonheur. C’est en tout cas ce que démontre une étude exceptionnelle par son ampleur, commencée en 1938 à Harvard sur une cohorte de plus de 700 personnes. Chaque année, leur santé, leur carrière, leur vie personnelle, leurs émotions sont passées au crible. Interview en face-à-face, bilans de santé…, l’étude décortique les cobayes sous toutes les coutures. Deux types de populations sont interrogés: des élèves de Harvard, d’une part, et des jeunes issus d’un quartier très populaire de Boston, d’autre part.

L’enseignement majeur de cette étude ? Les autres sont la clé du bonheur. Les personnes les plus connectées à leurs familles, à leurs amis, à leur communauté sont plus heureuses. Ces personnes vivent également plus longtemps et en meilleure santé : celles qui étaient les plus satisfaites de leurs relations à cinquante ans étaient aussi celles qui étaient en meilleure santé à quatre-vingts ans. L’étude précise que ce n’est ni le fait d’être en couple, ni la quantité d’amis qui importe, mais la qualité des liens tissés. Des liens de bienveillance, des liens durables et qui au-delà des désaccords ou des disputes offrent la certitude qu’en cas de coup dur, l’autre sera là pour vous.

La main tendue

La qualité des liens humains est par ailleurs décisive pour surmonter les épreuves. Lors des accidents de la vie – déprime, deuil, chômage… –, l’entourage joue, on le sait, un rôle majeur. C’est aussi le cas au niveau collectif. La résilience d’un pays est conditionnée par la puissance des liens humains préexistants. Des études passionnantes convergent, quand le corps social est uni, les communautés parviennent à limiter l’impact d’une crise et se relèvent plus vite.

Nous sommes en 2011, un terrible tremblement de terre suivi d’un tsunami dévaste le Japon. Près de 20000 morts et une question: pourquoi entre des villes côtières similaires de telles disparités? Pourquoi dans certaines communes si peu de décès et dans d’autres plus de 10 % de mortalité, avec des situations géographiques pourtant semblables ?

130 cas de villes étudiés plus tard, des travaux de recherche aboutissent à cette conclusion: tous autres facteurs comparables par ailleurs, c’est le lien social qui a fait la différence. Les villes où les interactions étaient les plus fortes entre les citoyens sont celles qui ont subi les taux de mortalité les plus faibles. Concrètement, dans le cas du drame japonais, il faut avoir un chiffre en tête: quarante minutes. C’est dans ce laps de temps ultracourt que des villes et villages se sont organisés en urgence avant l’arrivée des vagues. Quarante minutes pour aller sonner aux portes des personnes âgées (encore faut-il les connaître), pour prévenir les plus fragiles et les moins mobiles. Quarante minutes pour les secourir, les évacuer avant l’arrivée de l’eau. Quarante toutes petites minutes. Mais des années des liens forgés entre toute une communauté et qui se sont révélés déterminants pour sauver des vies.

Les liens sociaux sont des liens vitaux. Nous avons besoin des autres pour survivre, besoin des autres pour être heureux, besoin des autres pour vivre en bonne santé, besoin des autres pour nous relever. Nous sommes faits pour l’autre. Cette réalité basique, tout ne le monde ne l’a pas ignorée. Elle est même devenue une aubaine pour des contre-sociétés qui font désormais la voiture-balai des grains de poussière éparpillés. 

Extrait du livre de Matthieu Chaigne, « La fabrique des solitaires », publié aux Editions de l’Aube

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