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Et l’Italie fut le premier pays à demander l’annulation d’une partie des dettes européennes... voilà pourquoi il faut prendre sa demande au sérieux
©DANIEL ROLAND / AFP

Début de renaissance italienne

Le gouvernement italien a réclamé une ouverture du débat sur l’annulation des dettes souveraines stockées au bilan de la BCE. En l'espèce, 500 milliards d’euros de dettes italiennes qui ont été achetées sur les marchés et ne servent plus guère que d’épée de Damoclès au-dessus du pays.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Hourra. Les esprits commencent à évoluer. Le gouvernement italien est sorti un peu de son syndrome de Stockholm ces derniers jours en réclamant une ouverture du débat sur l’annulation des dettes souveraines stockées au bilan de la BCE : 500 milliards d’euros de dettes italiennes qui ont été achetées sur les marchés, qui ont aidé à liquéfier de nombreux acteurs financiers en manque de cash, mais qui ne servent plus guère que d’épée de Damoclès, comme des objets pour un chantage BCE à la moindre élection qui dérape un peu. C’est 1/ le moment : le Covid-Krach active les achats d’actifs de la BCE à un point où elle commence à ressembler à la Gosbank, et il n’est pas porteur d’un quelconque aléa moral (les Italiens ne vont pas s’inoculer le virus pour dépenser à cœur joie en misant sur le fait d’être couverts par Francfort), 2/ un très bon dossier, la remise des dettes au bilan de la BCE devant concerner prioritairement les dettes les plus anciennes, les plus absurdes, celles qui roulent sur elles-mêmes en détruisant des forces productives sans que les actifs soient coupables : précisément le cas des dettes publiques transalpines, séquelles de la période clientéliste d’avant 1994 ; le pays est le champions des excédents primaires (les soldes budgétaires avant le coût du service de la dette), contrairement à la France :

L’Italie a du mérite de transporter un tel boulet depuis aussi longtemps ; en fait il aurait été plus intelligent de remettre une bonne moitié de son fardeau dès le tout début de l’euro, par exemple limiter sa dette souveraine à 60% du PIB à la fin des années 90, pour commencer sur le même pied que les autres. Comme la BCE n’aurait jamais accepté de se lancer avec une valeur nette négative et de fonctionner durablement avec un bilan déséquilibré (bien que ce soit parfaitement possible), et comme les Italiens souhaitaient jouer aux bons élèves, on a eu le résultat que l’on sait : des centaines de milliards d’intérêts distribués, 0% de croissance pour la péninsule depuis 1997, un euro trop cher. Et maintenant avec les dettes Covid, sans collatéraux et sans espoir, il faut trouver une solution, car même un taux à 0,7% pour une obligation italienne 10 ans préempte largement les fruits de la croissance.

Cette solution ne peut pas venir du plan de relance européen (qui donne dans une poche ce qu’il a pris dans une autre), ou de dettes perpétuelles (qui seraient facturées au prix fort) ; mêmes les autorités très sages, très mainstream de Rome commencent à se dire que la remise des dettes est la seule voie de sortie par le haut ; elles n’ont pas à aller chercher trop loin : c’est une solution « Vaticane », pour qui souhaite mettre en œuvre le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise.

Bien entendu, il faudra confirmer l’essai, et le chemin sera long. Plusieurs fois des officiels italiens ont été à la limite de se fâcher à propos de l’absurdistan eurolandais, en particulier quand l’euro-contrat a été violé par Trichet il y a une décennie (les italiens avaient renoncé aux dévaluations en échange de taux d’intérêt allemands, ils se sont retrouvés pendant plusieurs années avec le couteau sous la gorge). Ce sont des eurocrates, ils se souviennent du moment où la BCE avait congédié Berlusconi en passant par les marchés, et puis les banques transalpines ne sont pas dans une forme olympique : la prudence vis-à-vis de Francfort est bien ancrée, mieux ancrée que les anticipations d’inflation en zone euro. Mais c’est fou ce que l’on peut quand on le veut parce qu’il le faut…

Pour nous français, il n’y a que du positif : nos finances privées ne sont pas affectées (ce sont des titres qui sont déjà dans le bilan de la BCE), cela ouvre un beau débat de politique monétaire, et au pire si cela crée de l’inflation par une baisse de l’euro c’est très exactement ce qu’il faudrait pour qu’enfin la BCE respecte sa cible d’inflation après 9 années de violations dans le même sens. Chaque année elle truque ses prévisions pour nous faire croire que l’on reviendra vers 2% dans un an, et chaque année c’est la même comédie : comment voulez-vous qu’à la longue les anticipations (qui sont largement adaptatives) restent ancrées ? Or c’est le fondement de l’indépendance de la BCE, son seul rempart contre des demandes comme la remise des dettes les plus illégitimes…

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