Et au fait, comment se situe la France en termes d’égalité femmes-hommes au travail ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Au regard des résultats de l’étude de The Economist, il y a incontestablement des améliorations, en particulier pour l'accès des femmes aux responsabilités, qu'elles soient politiques ou dans le monde professionnel.
Au regard des résultats de l’étude de The Economist, il y a incontestablement des améliorations, en particulier pour l'accès des femmes aux responsabilités, qu'elles soient politiques ou dans le monde professionnel.
©Flickr/Victor1558

Journée internationale du droit des femmes

A l’occasion du 8 mars pour la journée internationale des droits des femmes, The Economist a publié son étude annuelle sur le rôle et l’influence des femmes sur le marché du travail.

Jean-François Amadieu

Jean-François Amadieu

Jean-François Amadieu est sociologue, spécialiste des déterminants physiques de la sélection sociale. Directeur de l'Observatoire de la Discrimination, il est l'auteur de Le Poids des apparences. Beauté, amour et gloire (Odile Jacob, 2002), DRH le livre noir, (éditions du Seuil, janvier 2013) et Odile Jacob, La société du paraitre -les beaux, le jeunes et les autres (septembre 2016, Odile Jacob).

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Alexandra Roulet

Alexandra Roulet

Alexandra Roulet est professeure d'économie à l'INSEAD. Elle est rattachée à la chaire dans le cadre notamment d'un projet sur la mobilité sociale en France. Ancienne élève de l'École normale supérieure, elle a ensuite réalisé son doctorat d'économie à l'université d'Harvard.

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Atlantico : A l’occasion du 8 mars pour la journée internationale des droits des femmes, la rédaction de The Economist a publié son étude annuelle sur le rôle et l’influence des femmes sur le marché du travail. Les conditions de travail en France s'améliorent-elles pour les femmes ? 

Jean-François Amadieu : Au regard des résultats de l’étude de The Economist, il y a incontestablement des améliorations, en particulier pour l'accès des femmes aux responsabilités, qu'elles soient politiques ou dans le monde professionnel. Ces améliorations en France concernent d'abord l'encadrement, les postes de direction et les conseils d'administration. Les femmes sont plus représentées et plus nombreuses à ces postes. Cette évolution est très nette. Elle est importante et les critères qui sont retenus par The Economist pour établir les classements témoignent bien de cette évolution. 

Cela s'explique grâce au fait que les femmes accèdent dans les pays européens, dont la France, à l'enseignement supérieur. Les législations qui ont été mises en place, dans le domaine politique mais aussi dans les entreprises ont permis aux femmes d’avoir un meilleur accès à certains postes.

Est ce que ces résultats sont liés à une politique de fond, de long terme ou est-ce conjoncturel et lié à une aubaine économique ?

Au regard des résultats de l’étude de The Economist, la France se retrouve en très, très bonne position. Mais attention, si vous observez les index de l'union européenne ou bien de l'OCDE, le classement de la France n'est pas toujours aussi bon. Cela dépend des critères qui sont retenus. Par exemple, un critère qui est peu sensible à la conjoncture et finalement aux législations et qui évolue lentement y compris en France, est les écarts de salaire entre les hommes et les femmes. Ces écarts évoluent moins vite que d'autres sujets. Il est certain que la situation évolue positivement, même dans ce domaine des inégalités salariales, mais cette évolution n’est pas très rapide. La France n'est pas parmi les bons élèves et se révèle être dans la moyenne. Lorsque l’on essaie de comparer les situations entre femmes et hommes, cela dépend évidemment beaucoup des variables que l'on observe. 

Il n’est pas possible de conclure que la France est un pays catastrophique au regard des comparaisons internationales sur l’égalité femmes hommes au travail. Cela dépend beaucoup des critères qu'on regarde, mais globalement la France n'est pas dans une situation aussi désastreuse qu'on pourrait le croire.La France parvient à se classer juste derrière les pays scandinaves et juste avant le Portugal. Cela correspond au classement des pays de culture féminine par rapport aux cultures masculines dans la typologie de Geert Hofstede. La France est un pays de culture relativement féminine. Au regard de ces dimensions culturelles, il est donc logique de retrouver dans le bas du classement de The Economist des pays de culture masculine. Cela explique que la France ne soit pas forcément dans la situation la pire. 

Est-ce qu’au regard des principaux critères des classements de The Economist, il est possible de considérer que les conditions des femmes au travail s'améliorent en France ?

Il est certain que les conditions s’améliorent pour les femmes mais les progrès sont plus rapides sur certains sujets que sur d'autres. Cette amélioration est aussi confirmée par de nombreux économistes. 

Pour certains critères (l’accès à certains postes, à certaines responsabilités, les évolutions de carrière des femmes, le niveau de diplômes), les évolutions sont rapides et importantes alors que dans d’autres (les inégalités salariales, les écarts de salaires bruts) les changements sont plus lents. 

Concernant les aspects négatifs, quels efforts pourraient être encore réalisés justement sur les salaires pour aider à un rééquilibrage et à de meilleures conditions pour les femmes au travail ? 

Le problème des inégalités salariales proviens en partie de nos systèmes de classification, sur la manière dont les différents postes de travail sont rémunérés comme le personnel soignant comparativement aux gendarmes. Cela repose souvent sur un héritage historique, fruit des négociation entre les partenaires sociaux. Des postes vont être plutôt bien rémunérés et d'autres seront moins payés. Le sujet des classifications est un sujet qui tarde à être abordé alors que nous savons que c'est une clef pour résorber les différences salariale F/H. La législation doit aussi évoluer en France. La partie centrale des écarts, en termes de salaires, s'explique parce que les hommes et les femmes ne sont pas dans les mêmes emplois au sein des entreprises. Ils n'ont pas les mêmes types de postes. Les classifications et les régimes de primes peuvent faire la différence dans le cadre de la réduction des inégalités salariales. Ce n’est pas simple mais il faut en passer par là pour que la France puisse encore progresser et grapiller les quelques points d'écart qui subsistent.
Il est important par ailleurs de faciliter le fait que des femmes puissent concilier vie professionnelle et vie familiale et le fait d'avoir des enfants.

La bonne position de la France dans certains domaines pour les conditions de travail des femmes au travail s'explique-t-elle par le fait que des politiques économiques aient porté leurs fruits ou que des efforts aient été réalisés au niveau des entreprises ? Ou s’agit-il plutôt d’un phénomène culturel comme vous l’évoquiez ?

Il y a un soubassement culturel. Avec les critères de The Economist, le bloc des pays à culture féminine sont en tête (les pays scandinaves, la France mais aussi le Portugal). L'évolution de nos sociétés va dans cette direction. 

Les sociétés basées sur des valeurs féminines auront tendance à limiter la vitesse sur la route dans les pays scandinaves ou à se préoccuper de l'environnement, des droits de l'homme et des droits des femmes.  

Sur ce fond culturel, des dispositions, des mesures politiques ont été adoptées comme le fait de faciliter l’accès des femmes dans les conseils d'administration, qui est d’inspiration norvégienne.  

La position de la France en termes d'égalité femmes hommes au travail s'est-elle réellement améliorée de manière globale au regard des indicateurs de The Economist ?

Le classement de la France a effectivement progressé au regard des critères de The Economist. L'accès des femmes aux études, le fait qu'elles deviennent cadres, qu’elles aient des responsabilités en politique a été rendu possible en partie grâce à la parité. Leur présence, dans les postes de direction, que ce soit dans le secteur public et privé, les conseils d'administration, le management, les fonctions de direction joue un rôle très important. Cela a contribué à des progrès sur plusieurs indicateurs importants. Des marges de manœuvre sont possibles sur la question des écarts de salaires. Le classement en cinquième position de la France sur les conditions de travail des femmes est extrêmement encourageant.

Retrouvez également l’analyse d’Alexandra Roulet ci-dessous, au coeur de cet article publié sur Atlantico : cliquez ICI

Si l'on compare des femmes et des hommes exerçant le même métier et ayant la même expérience, quelles sont les différences de salaires entre les deux ? 

Alexandra Roulet : Le salaire annuel des femmes est environ 24% inférieur à celui des hommes. (...) Si l’on compare des hommes et des femmes parfaitement similaires (même éducation, même expérience, etc) exerçant le même métier dans le même type d’entreprises dans le même secteur et travaillant le même nombre d’heures, l’écart de salaire est de 4%.

Ces deux chiffres montrent bien qu’aujourd’hui, le problème principal n’est plus: à travail égal, salaire inégal.  En revanche, les femmes travaillent toujours en moyenne moins d’heures que les hommes et souvent dans des métiers moins rémunérateurs. C’est pour cela que les écarts bruts de revenus annuels sont bien plus importants.

Vous avez fait des recherches sur les différences salariales entre hommes et femmes. Différences qui résultent parfois de choix de vie très simples. Qu'avez-vous observé ? 

J’ai plusieurs travaux de recherche sur le sujet mais je vais vous en mentionner un. Je vous disais tout à l’heure qu’à travail égal, les femmes sont payées 4% de moins que les hommes. Est-ce de la discrimination ? Pas forcément ou pas exclusivement. Il s’avère que les femmes valorisent davantage que les hommes d’autres aspects que le salaire : la flexibilité des horaires mais aussi la distance entre le lieu de travail et leur domicile. Ainsi, entre deux offres d’emplois identiques, l’une mieux payée mais plus éloignée et l’autre moins bien payée mais plus proche, les hommes et les femmes ne font en moyenne pas les mêmes choix. Les femmes sont davantage prêtes à renoncer à du salaire pour avoir un temps de trajet plus court. La question à 1000 francs est alors : est-ce vraiment un choix (des préférences différentes selon le genre) ou est-ce contraint (par exemple par davantage de tâches domestiques à effectuer ou des enfants à aller chercher etc) ? Notre travail ne permet pas parfaitement de répondre à cette question mais il quantifie l’importance de ce genre d’arbitrage entre salaire et temps de trajet : cela explique environ 15% des inégalités de salaire à travail égal.

Le gouvernement agit-il sur les bons leviers pour réduire les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes ?

Aujourd’hui les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes sont bien documentées et relativement bien comprises mais cela ne nous donne pas pour autant facilement les solutions, notamment en termes de politique publique, pour les réduire. Les inégalités de salaire sont en grande partie le reflet d’une division genrée des tâches au sein du couple. Or l’équité au sein du couple ne se décrète pas à coup de politiques publiques, elle dépend en grande partie des normes sociales, qui évoluent, mais sur le temps long. Ainsi je considère que les politiques publiques sur la parité, les quotas, sur la transparence des données sur les écarts de salaires vont dans le bon sens et sont nécessaires, y compris pour changer les normes, mais ne suffiront pas à parfaitement faire disparaître les inégalités salariales entre les hommes et les femmes.

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