Éric Ciotti : « Oui, Les Républicains peuvent gagner la présidentielle. Et ni avec des idées centristes ni prudentes ! »<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Ciotti, membre du parti Les Républicains (LR) et candidat pour l'élection présidentielle.
Eric Ciotti, membre du parti Les Républicains (LR) et candidat pour l'élection présidentielle.
©BERTRAND GUAY / AFP

Entretien

Le candidat à l’investiture Les Républicains pour la présidentielle le martèle, les idées de droite sont majoritaires dans le pays. Il serait absurde de ne pas proposer aux Français ce qu’ils demandent, l’heure n’est plus aux demi-mesures.

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou est l'un des fondateurs d'Atlantico dont il est aussi le directeur de la publication. Il a notamment travaillé à LCI, pour TF1 et fait de la production télévisuelle.

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Eric Ciotti

Eric Ciotti

Eric Ciotti est député Les Républicains. Il a été président du conseil départemental des Alpes-Maritimes de 2008 à 2017. Il est également questeur de l'Assemblée nationale.

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Jean-Sébastien Ferjou : Vous avez beaucoup dit depuis que vous vous êtes engagé dans cette campagne que vous identifiiez trois peurs chez les Français, une peur identitaire, une peur du déclassement social et une peur environnementale. Si on prend la question dans l’autre sens, quels seraient pour vous les espoirs français, les raisons de croire en l’avenir du pays ?

Éric Ciotti : Ce sont très exactement les raisons inverses de ces peurs et il est crucial que nous parvenions à y apporter des réponses. L’espoir c’est que la France reste la France, l’espoir c’est que les familles connaissent le progrès social ; et l’espoir, c’est aussi que grâce aux progrès et à la chance, nous parvenions à apporter des réponses utiles, à la hauteur du défi climatique. Ces enjeux nécessitent beaucoup de courage politique. Car même si aujourd’hui, ça ne parait pas garanti, il est possible d’y répondre ! A condition de bouleverser les codes établis, de renverser les totems du politiquement correct et d’assumer comme je le fais un projet de rupture. Cette élection est le dernier aiguillage entre le déclin et le sursaut. 

En 2016, François Fillon disait qu’il fallait casser la baraque. Je ne veux pas lui voler son expression (rires) mais j’en conserve l’esprit. Il faut tourner radicalement le dos à l’impuissance immobile du en même temps qui a caractérisé ce quinquennat. Il faut avoir le courage de s’opposer à l’idéologie d’extrême gauche, au wokisme, qui aujourd’hui jettent une chape de plomb sur toute action politique courageuse. Dès qu’on émet une idée politique forte, on est frappé du sceau infamant de l’extrême droite, ce qui est le dernier argument de ceux qui n’en ont plus.

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JSF : Justement, qu’est-ce que la droite à vos yeux ? Et qu’est-ce que l’extrême-droite ? Les définitions et les frontières politiques d’il y a plusieurs décennies sont-elles encore valides aujourd’hui ?

EC : Pour moi être de droite, c’est aimer la France, aimer son histoire, sa culture, être garant de son héritage civilisationnel…

JSF : François Mitterrand aimait la France et son histoire…

EC : Oui mais la droite ça n’est pas que cela. Aimer notre histoire, c’est essentiel mais encore faut-il préserver la France d’aujourd’hui des menaces qui l’entourent. Et pour cela, il faut aimer sans réserve son patrimoine, ses paysages, sa civilisation judéo-chrétienne, l’héritage des lumières… autrement dit, il faut adhérer à sa culture. 

Mais la droite, ce sont aussi des valeurs : l’autorité, l’identité et la liberté. La liberté d’entreprendre, la liberté du travail, la liberté fiscale parce qu’on n’est plus libre quand on a atteint un tel niveau de prélèvements. Et dans mon histoire personnelle, la droite, c’est aussi une histoire, celle du Général De Gaulle, de la Résistance de la Ve République. La droite, c’est la capacité de dire non au déclin et au renoncement. C’est une forme aussi de conservation de nos acquis. Le mot de conservateur est important : nous devons conserver ce que nous sommes et ce que nous avons été. 

JSF : Et où se situe pour vous la frontière avec l’extrême-droite ? 

EC : L’extrême droite, c’est forcément l’aventure, c’est une fracture et c’est, en France, une histoire totalement différente de celle de la droite. L’extrême droite, c’est celle qui a voulu abattre de Gaulle, qui n’a pas été aux côtés de la Résistance…

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JSF : Oui mais aujourd’hui et en termes de valeurs ? En vous entendant, on pourrait se dire qu’il suffit de ne pas parler du passé et que d’une manière ou d’une autre cela permettrait de s’entendre avec l’extrême droite…

EC : Je ne crois pas, non, car le passé éclaire le présent et l’avenir. Le passé permet de mieux saisir les ressorts des comportements. Il y a encore au Rassemblement national des résurgences d’une histoire qui est très différente de celle de la famille gaulliste, que ce soit sur le plan des itinéraires personnels ou sur un plan politique. 

JSF : On parle beaucoup de déclin français dans les débats publics, voyez-vous néanmoins des points forts à la France ? 

EC : Bien sûr que la France a encore des atouts ! Elle a d’abord une histoire, une culture extraordinaire. Elles sont fortement attaquées mais nous devons les préserver car ce qui fait notre force, c’est que nous sommes un pays qui a éclairé le monde, qui est porteur d’un message universel. Nous sommes aussi un pays qui a des institutions solides, voulues par le général de Gaulle. Notre force nucléaire garantit notre indépendance et notre production nucléaire nous garantit aussi, beaucoup plus que pour d’autres en tous cas, une indépendance énergétique. Et nous avons un vrai savoir-faire économique. Mais ces atouts-là sont aussi sapés, gangrenés par l’hypertrophie de la dépense publique, de la bureaucratie, de la réglementation. L’esprit d’initiative est anesthésié dans ce pays ! Et le poids de l’Etat affaiblit considérablement notre compétitivité. Dans un univers de concurrence mondiale accrue, nous sommes lourdement handicapés par ce double et triste record détenu par la France : nous sommes le pays qui dépense le plus d’argent public et par conséquent nous sommes aussi celui qui prélève le plus d’impôts et de charges. 

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La baisse des dépenses publiques et la baisse des impôts sont donc des priorités absolues à mes yeux. Je dirais même qu’il faut commencer par la baisse des impôts. Je ne pense pas qu’on puisse être de droite en continuant à augmenter les impôts. Le niveau de fiscalité que nous avons atteint est insupportable. Il faut rompre avec le cycle infernal qui voit les Français travailler en moyenne jusqu’au 19 juillet pour le compte de l’Etat. D’autant qu’à chaque crise, ou à chaque fois que l'on s’adresse à une catégorie sociale ou une clientèle, la réponse est la même : on engage de nouvelles dépenses ! C’est exactement ce que fait Emmanuel Macron depuis quelques mois. Et ce sont ces dépenses supplémentaires qui nourrissent la montagne de dettes -3000 milliards d’euros- à laquelle nous ne pouvons faire face qu’en augmentant les impôts et les charges. Il faut inverser ce cycle ! Pour moi la droite, ça ne peut pas être des primes, un RSA jeune ou l’augmentation artificielle des salaires par l’Etat. La droite, ça doit être celle qui diminue fortement la fiscalité et c’est la raison pour laquelle je suis -le seul- porteur d’un programme de révolution fiscale, que ce soit à travers l’impôt sur le revenu avec la flat tax -aujourd’hui nous avons une flat tax sur les revenus financiers mais pas sur les revenus du travail c’est-à-dire sur les salaires ou sur les retraites- ou que ce soit avec la suppression de l’impôt sur la mort, l’impôt sur les successions qui pénalise les familles comme les entreprises de France sur les transmissions de patrimoine. 

 « Depuis l’élection de François Mitterrand, la droite n’est jamais allée au bout d’un grand programme de réformes économiques »

JSF : Vous vous inscrivez dans les pas de François Fillon avec un positionnement libéral assumé. N’avez-vous pas peur avec vos propositions économique qu’on vous accuse aussi d’être le président des riches ? Toute une partie de la droite avait d’ailleurs fait ce procès là à François Fillon avant même les affaires qui ont ensuite plombé sa campagne

EC : Tout d’abord, je veux vous dire que j’assume totalement le projet économique que portait par François Fillon ! Depuis l’élection de François Mitterrand, la droite n’est jamais allée au bout d’un grand programme de réformes économiques. Nicolas Sarkozy en avait l’intention mais la crise de 2008 nous en a de facto empêché. Il est plus que temps de s’y atteler. Nous avons besoin d’un mouvement de libéralisation de l’économie, d’allégement des charges, des contraintes financières qui asphyxient ceux qui entreprennent. Et nous ne sommes jamais allés non plus au bout de la valorisation du travail. Les 35h comme la retraite à 60 ans ont été des erreurs funestes et nous nous sommes enfermés dans un modèle d’assistance. Il faut tourner radicalement le dos à tout ça.

Et je récuse le procès dressé par ceux qui disent qu’il s’agirait d’un projet politique à destination exclusive des plus favorisés. Regardez aux Etats-Unis, la baisse massive des impôts, de plusieurs centaines de milliards de dollars, décidée par Donald Trump a fait massivement reculer la pauvreté et aboutit au plein emploi aux États-Unis. C’est la baisse des impôts qui crée la croissance et qui crée des emplois, et ce sont ses emplois qui font augmenter le niveau de vie. Le taux de pauvreté aux États-Unis est de 7 % alors qu’il est de 14 % en France si on prend le seuil monétaire de pauvreté, un peu plus de 1000€ mensuels en France. Il y a 9,3 millions de Français en deçà de ce seuil et on estime que la crise sanitaire est en train de faire basculer un million de personnes supplémentaires. Il y a donc autour de 10 millions de personnes qui vivent dans la pauvreté en France alors que nous sommes le pays qui consacre le plus d’argent à des dispositifs de protection sociale. Notre modèle social génère des dépenses de 700 milliards d’euros alors que nous consacrons à peine 30 milliards d’euros à la sécurité, à la justice et à la police. 

Ces politiques ont démontré qu’elles ont échoué. Moi je fais le pari inverse. Il faut alléger ce fardeau de dépenses qui pèse sur les Français. 

C’est aussi pour ça que je souhaite supprimer l’impôt sur les successions, l’impôt sur la mort qui pèse sur les familles comme sur la transmission des entreprises.

JSF : Mais combien de Français paient vraiment cet impôt sur les successions ? Les exonérations sont déjà relativement élevées au regard de la moyenne des patrimoines transmis…

EC : Sur 35 pays de l’OCDE, 15 ont supprimé l’impôt sur les successions. Dans ceux qui l’ont conservé, les abattements sont très élevés. Sans parler des États-Unis où l’abattement est à 11,8 millions de dollars pour les successions en ligne directe. En Italie, le seuil d’exonération est à 1 million d’euros et ensuite le taux pratiqué est à 4 %. En France, nous pouvons monter jusqu’à 45 % sur les patrimoines importants. Qui plus est, cet impôt ne rapporte pas énormément au pays. C’est donc à la fois un impôt injuste et inefficace.

Au-delà de cet aspect de justice, mes propositions sur la suppression de l’impôt sur les successions comme sur celle des droits de donations en ligne directe sont aussi le moteur d’un puissant plan de relance économique. Il y a 5700 milliards d’épargne financière dans les mains des Français, dont 250 milliards accumulés en un an depuis la crise Covid. Il faut faire circuler cet argent et le réinjecter dans l’économie tout en le fléchant vers ceux qui ont une capacité d’innovation et vers la jeunesse. 

La différence avec les autres plans de relance, c’est que celui-ci serait financé par de l’argent privé et donc ne coûterait rien aux contribuables parce qu’aujourd’hui nous sommes dans la situation du serpent qui se mord la queue, nous finançons un plan de relance par de l’argent public et cet argent public nous le trouvons avec de la dette supplémentaire que les Français devront bien rembourser un jour.

JSF : Ça ne coûterait rien aux contribuables s’ils ont confiance dans l’avenir et s’ils investissent effectivement dans l’économie… Mais ce programme-là, de rupture, est-il possible de le mettre en œuvre sans mettre le pays à feu et à sang et que des conflits sociaux massifs annulent tout le bénéfice escompté, un peu à l’image de ce qui s’est passé pendant ce quinquennat Macron ?

EC : Nous n’avons pas le choix. Tout se jouera dans les premières semaines et les premiers mois du quinquennat. Il faut mettre tout sur la table pendant la campagne présidentielle. C’est la raison pour laquelle je prône la méthode de la vérité, de la clarté et du courage. La vérité sur la situation et sa gravité, la clarté sur les alliances politiques et le courage dans l’exécution. 

Du point de vue des alliances, chacun sait qu’il n’a jamais été question que je devienne ministre dans un gouvernement de Monsieur Macron alors que cette question s’est posée pour beaucoup d’autres. 

JSF : Ce besoin de rupture, de réformes radicales, que vous mettez en face de cette situation que vous décrivez comme très grave, les Français que vous rencontrez sont-ils prêts à l’entendre ?

EC : Mais le courage du sursaut, c’est à nous de le porter dans cette élection. Et ce que je propose pour garantir aux Français que ce programme, je le mènerai réellement, c’est la méthode du référendum pour toutes les grandes décisions. La rue ne pourra pas aller contre le peuple. Je veux retourner à l’esprit gaullien de la constitution de la Ve République.

JSF : Et si vous perdiez un référendum, vous feriez comme le général De Gaulle ?

EC : Il y a des référendums sur des questions essentielles pour lesquelles il faut savoir assumer une véritable responsabilité politique du président. Et il y a aussi des référendums du quotidien, qui doivent être banalisés. Le modèle Suisse me paraît intéressant : il faut multiplier ces consultations du peuple. C’est le seul moyen à mes yeux de freiner les obstacles au mouvement et à la réforme.

JSF : Si on prend les choses d’un point de vue plus économique, il y a la fameuse courbe en J, qui décrit l’effet de récession qui se produit avant l’effet bénéfique des réformes engagées. Vous évoquiez le plan de relance et les baisses d’impôts pratiquées aux États-Unis par Donald Trump mais il y a aussi eu la politique monétaire accommodante de la FED. Pensez-vous qu’il soit possible de réussir des réformes radicales en France sans une politique monétaire de la BCE plus accommodante que ce qu’elle est à l’heure actuelle, puisqu’elle l’est moins qu’aux Etats-Unis ?

EC : Mario Draghi a rompu avec les dogmes qui avaient été mis en place notamment au moment de la crise de 2008 et qui nous ont beaucoup pénalisés économiquement. Nicolas Sarkozy aurait eu un quinquennat beaucoup plus facile si le quoiqu’il en coûte monétaire de rachat de dettes par la BCE avait été en place à l’époque comme il l’est aujourd’hui. Emmanuel Macron, lui, a bénéficié de cette liberté. Mais il l’a gaspillée car cet oxygène accordé par la BCE n’a jamais été placé au service de la réforme. Il a été placé au service d’une redistribution aveugle au travers de ce quoiqu’il en coûte qui coûtera beaucoup au final au pays. Nous avons la chance de bénéficier de l’euro mais là où je vous rejoins c’est que nous avons effectivement besoin d’une banque centrale européenne qui continue à se montrer souple à l’instar de ce que fait la Fed aux États-Unis.

 « La France ne sera crédible et écoutée en Europe que si elle est vertueuse »

JSF : On a vu ces derniers jours le conseil des économistes qui accompagne la chancellerie allemande s’inquiéter à l’inverse d’une politique monétaire européenne considérée comme trop accommodante. Si le prochain gouvernement allemand suit ses conseillers et peut-être son opinion publique, la BCE pourrait être soumise à une forte pression pour une politique plus restrictive. Que faire le cas échéant si nous avons des partenaires européens qui n’ont pas du tout la même vision de ce qui est nécessaire pour le développement de notre économie à nous ?

EC : La France ne sera crédible et écoutée que si elle est vertueuse. Nous devrons de toute façon avoir le courage de la réforme et de l’assainissement de nos dépenses publiques. Ce serait mentir que de dire que nous pourrions durablement vivre au-dessus de nos moyens. Il n’est pas possible que nous ayons 5,6 millions d’agents publics en France quand les Allemands en ont 1 million de moins pour une population plus importante. Et l’écart est encore beaucoup plus fort si on s’en tient strictement au nombre de fonctionnaires puisque les Allemands ont beaucoup recours aux contractuels. 

JSF : Faire le ménage dans la maison pour arracher des concessions budgétaires aux Allemands, c’était le pari des quinquennats Hollande et Macron…

EC : Oui, mais ça a été dit, ça n’a jamais été fait ! Le quinquennat Macron c’est 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires, avec un alourdissement bien avant la crise Covid. 

JSF : Diriez-vous malgré tout que le gouvernement a bien géré la crise Covid d’un point de vue économique ? 

EC : Nous avons trop dépensé d’argent public. L’Allemagne a connu en 2020 une récession deux fois moindre avec moins d’argent dépensé. Il fallait bien sûr sauver l’essentiel mais nous aurions pu faire tout autant avec moins. 

Réformons l'État, réformons nos collectivités locales : je suis le seul à avoir un programme aussi audacieux puisque je propose de revenir à deux strates de collectivités locales seulement, pour plus d’efficacité et de simplification. Je propose qu’on conforte la commune et d’ailleurs que les maires puissent redevenir parlementaires puisque ça a été une erreur institutionnelle majeure que de priver les territoires de leur représentation à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Et je propose au-dessus, une supra collectivité, très modulable dans son périmètre, à dessiner autour des grandes villes centres et rassemblant entre 500 000 et 2 millions d’habitants et qui conjugueraient les prérogatives des départements et des régions. Leurs élus seraient des élus territoriaux qui représenteraient tout autant des territoires que des populations pour qu’aucun territoire ne soit oublié. 

 « Dans les fractures républicaines, dans la perte de cohésion nationale, dans l’ensemble de ces maux on voit l’échec de nos grandes institutions »

JSF : Dans des débats jugés assez policés, vous êtes probablement celui qui a eu le plus de formules qui faisaient mouche, comme le « quoi qu’il en coûte sécuritaire » ou les « Français de papier ». Sur cette dernière expression, que dites-vous à ceux des Français qui sont d’origine étrangère et tout aussi dépassés par la situation que les autres ? Ne craignez-vous pas de les effrayer en donnant l’impression d’un doute sur leur appartenance à la nation ?

EC : Il y a d’une part des étrangers qui sont en France et d’autre part des Français d’origine immigrée. Ces derniers, nous avons le devoir de les assimiler à la République. Et l’un des constats majeurs que l’on peut dresser sur les menaces qui pèsent sur le pays est l’échec total de notre modèle d’assimilation. Il ne fonctionne plus car la structure familiale est affaiblie, elle a été attaquée. De plus, l'école de la République ne joue plus son rôle. Tant la famille que l’école jouent aujourd’hui mal leur rôle. Pour ceux qui sont ici, en situation régulière ou Français, il y a un immense travail à faire. Il passe par plus d’éducation civique et citoyenne à l’école, la restauration de l’autorité et de la responsabilité parentale ainsi que la reconstitution d’une cellule familiale avec une vraie politique familiale pour qu’on cesse de l’attaquer. Dans les fractures républicaines, dans la perte de cohésion nationale, dans l’ensemble de ces maux on voit l’échec de nos grandes institutions. Elles ont été structurantes pendant des décennies mais elles ne jouent plus leur rôle. 

Il y a l’état des lieux actuel, mais il y a aussi la nécessité de modifier l’avenir. Nous sommes dans cette situation car l’immigration de masse n’a jamais été aussi massive. Elle provient essentiellement de pays de culture différente de la nôtre, française et européenne, alors que notre modèle de civilisation est en panne. Il faut le redémarrer, diminuer drastiquement l’immigration, rendre notre modèle social moins attractif, avec une forme de priorité nationale. Il faut ensuite s’attaquer à tous ceux qui portent atteinte aux valeurs de la République. Ceux qui sont en situation irrégulière n’ont rien à faire sur le territoire et ceux, en situation régulière, qui ne respectent pas les valeurs de la République doivent voir le contrat qu’ils ont passé avec la France – trop souvent unilatéral – être déchiré. Ils doivent être reconduits vers leur pays d’origine.

JSF : La droite n’a-t-elle pas parfois, par sa rhétorique, abandonné les Français d’origine étrangère à la gauche alors qu’une partie d’entre eux est à la fois libérale, ils savent que ça n’est pas l’Etat qui va les sauver et conservatrice car plus religieuse ? 

EC : La gauche a manipulé ces populations en y voyant une clientèle électorale. Elle les a ghettoïsés et a empêché qu’elles s’intègrent aux valeurs de la République. C’est la mode Terra Nova qui substituait les immigrés et les étrangers à la classe ouvrière comme réservoir électoral de la gauche. Je ne crois pas que le problème soit le discours de la droite. Nous devons tenir un discours équilibré : la République, rien que la République, la République pour tous et le rejet de ceux qui ne la respectent pas. Si on tient ce discours, on donnera un espoir au pays.

JSF : Pour des adhérents ou des électeurs de droite qui vous découvrent à l’occasion de ces débats, qu’avez-vous à dire à ceux qui pourraient vous imaginer en très bon ministre de l’Intérieur mais pas forcément président de la République ? 

EC : Les idées de droite sont ultra-majoritaires dans le pays. Quand on interroge sur les questions les plus vilipendées par les zélateurs de la pensée unique de gauche, comme l’arrêt du regroupement familial, la priorité nationale, etc. ces questions recueillent un assentiment qui dépasse souvent les 70%. Pour le droit du sang c’est 58% des Français, 73% des Républicains. Pour la rétention de sûreté pour les islamistes, ce que j’ai appelé le Guantanamo à la Française, 84% des Français y sont favorables. L’idée est de placer les islamistes dans ces centres de rétention lorsqu’on connait leur extrême dangerosité. Sur la question du Grand remplacement, sur la suppression des peines plancher, une majorité de Français y adhère. C’est vrai aussi pour l’impôt sur les successions et la flat tax. Il y a un immense écart entre les dogmes idéologiques du politiquement correct et ce que l’on devrait faire. 

Ce qui est important aujourd’hui, c’est que l’on fédère ces électeurs. Parce que je viens de la droite républicaine, je crois être celui qui est au pivot de la possibilité de rassembler tous les électeurs de droite, d’où qu’ils viennent, d’où qu’ils soient, sur un vrai projet de droite. Je crois que seul un candidat issu des Républicains pourra battre Emmanuel Macron, pour autant qu’il ait des idées claires, fortes et de droite. J’ai aussi la conviction que personne d’autre, plus à droite ou dans d’autres familles politiques, ne pourra battre le président de la République.

 « Le temps de la prudence, des hésitations et des demi-mesures est révolu. »

Je veux rassembler ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron et se sont rendu compte qu’il n’était pas de droite. Lorsqu’on laisse prospérer l’immigration incontrôlée, se développer la violence et s’installer des zones de non-droit, lorsqu’on augmente les impôts, lorsqu’on en frappe les propriétaires, les automobilistes ou les retraités, on n’est pas de droite. Je m’adresse à ces électeurs en leur disant qu’ils ont été abusés, trompés. La vitrine était sympathique mais l’arrière-boutique est totalement contraire au produit qu’on essaie de leur vendre. 

Je m’adresse aussi aux électeurs qui depuis des années sont allés vers Marine Le Pen. Ce vote, c’est celui qui garantit le maintien d’Emmanuel Macron au pouvoir. Je m’adresse enfin aux électeurs qui pourraient être tentés par Éric Zemmour s’il est candidat. Ses chances de succès sont faibles là aussi. Alors que nous, Les Républicains, nous pouvons gagner. Et nous pouvons gagner sans avoir recours à des idées centristes. Le temps de la prudence, des hésitations et des demi-mesures est révolu. J’ai lu dans le magazine le Point une interview du ministre Bruno Le Maire qui disait que la plupart de ses concurrents, sans me citer, pouvaient être les calques d’Emmanuel Macron. Je ne serai jamais le calque d’Emmanuel Macron.

JSF : Vous dites en quelque sorte aux Français que vous êtes celui qui comprend le mieux « leur besoin de droite » mais certains électeurs s’inquiètent parfois un peu de ce que la droite a été, de la manière dont ils eu le sentiment d’être trahis que ce soit par le quinquennat de Nicolas Sarkozy ou par le décalage structurel entre les promesses et les actes. Puisque vous devrez faire le cas échéant avec cette même droite, cette même famille politique, comment rassurer ces électeurs sceptiques ?

EC : Je les comprends, je mesure leurs doutes, c’est notre principale difficulté. Nous avons pu décevoir par le passé. Nous avons certaines circonstances atténuantes. L’immense espérance soulevée au printemps 2007 par Nicolas Sarkozy qui a engagé des réformes de façon courageuse n’a pas pu aller au bout. Aujourd’hui, nous voyons bien, en comparant le quinquennat de François Hollande et d’Emmanuel Macron, que nous étions dans une situation incomparablement supérieure, mais la crise financière, la pire depuis 1929 nous a entravé le bras d’action.

Aujourd’hui mon ambition, ma tâche, c’est de vouloir redonner de la crédibilité à la parole publique. Les Français ne me connaissent pas forcément beaucoup. Je n’aurais pas l’outrecuidance de comparer l’état Français à une collectivité locale, aussi importante soit-elle, mais à la tête du département des Alpes-Maritimes j’ai appliqué un programme de liberté économique.

J’ai fait diminuer de 20% les effectifs du département en quelques années. J’ai réduit les dépenses de fonctionnement, la dette de 20%, et les impôts de 15%, c’est un premier exemple. Si j’avais fait l’inverse, ça laisserait planer un doute rédhibitoire sur le respect des engagements que je peux porter. 

A l'Assemblée nationale, malgré dix années d’opposition avec les mandats de François Hollande et d’Emmanuel Macron, lorsque l’on a été au pouvoir j’ai fait voter trois lois sur des sujets régaliens, dont j’ai fait ma spécialité. D’ailleurs, mes amis républicains ont quasiment intégralement repris mes propositions. Ce qui a été dit au débat de cette semaine, par les uns et par les autres, correspond à une communion de vue. Mais ces idées je les porte depuis 2007. Je les ai transcrites dans des propositions de lois, des amendements, tout ça en fait foi. Quand je prône une loi d’orientation sur la sécurité intérieure de la justice, je le dis depuis 2011. J’ai fait voter sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy une loi sur l'exécution des peines, qui prévoyait 80 000 places de prison en 2017. Il y a aussi eu une loi sur la suppression des allocations familiales aux parents défaillants. C’est dans tous les discours électoraux. On l’oublie, mais je l’ai fait. J’ai fait voter une loi sur l’encadrement de type militaire des mineurs, ainsi qu’un amendement qui rend obligatoire le drapeau Français dans chaque classe de chaque école de la République. C’est un symbole mais je crois qu’il est important et qu’il guide ce qu’on doit faire en matière d’adhésion à la république. Dans ce parcours, je n’ai pas été ministre, mais est-ce que c’est un atout ou un handicap ? Je suis un homme libre. Je ne porte pas le fruit d’un héritage ou d’un bilan. Je crois vraiment que la droite doit se renouveler, se réinventer et oser sans tabous ses valeurs. 

On a vu des exemples étrangers, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, de dirigeants qui sont allés au bout de leurs idées. Et lorsqu’il y a un doute, je propose qu’on le lève par référendum. On présente aux Français le projet en leur disant que ce sont eux qui décideront, par référendum, en même temps que les élections législatives. 

JSF : Vous voulez porter le projet d’une droite sans tabou mais comment feriez-vous pour devenir le président de tous les Français ?

EC : Il nous faut être fidèle au roman national et réécrire des pages de ce roman. C’est ça qui rassemblera les Français : donner un sens à notre destin, retrouver une voie, celle du courage, être fidèle à nos racines tout en dessinant un nouveau chemin. Je crois au génie français. Je suis malheureux quand je vois que la France est le seul pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à ne pas avoir fabriqué de vaccin contre le Covid. Mais il y a des Français parmi les équipes qui en ont développé. Cela montre que nous avons laissé partir des talents. Nous n’avons plus encouragé le génie français, nous n’avons plus cru au progrès. Nous avons fragilisé, étatisé et bureaucratisé la science. Mais l’Etat n’apporte pas tout, il est tellement obèse qu’il en devient paralysant.

JSF : Si vous ne gagnez pas le congrès, on vous imagine en faiseur de roi. François Bayrou l’a été sans que cela lui rapporte politiquement beaucoup au-delà d’un groupe parlementaire. Comment feriez-vous pour que ces valeurs que vous portez soient vraiment représentées si vous n’êtes pas le candidat désigné ?

EC : Je n’aime pas cette formule de faiseur de roi et je suis convaincu que je serai au second tour car je suis le seul à incarner la fierté d’une droite assumée. Ces valeurs de droite, assumées et revendiquées, sont majoritaires dans notre formation politique et dans le pays. Mon combat est que les idées que je porte soient placées au service du pays et je me battrai jusqu’à ma dernière énergie pour les faire triompher. Je pense pouvoir le faire personnellement. Si ce n’est pas le cas, je le ferai pour ceux qui s’y retrouveront. 

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