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Epidémies d’hépatite A liées aux toilettes publiques en Californie : mais au fait quelles maladies risque-t-on d’y attraper ?
©Photo DR

Peur sur la ville

Les toilettes publiques ne sont pas toujours les endroits les plus hygiéniques. La population redoutant souvent d'y contracter des maladies. Les croyances ne sont pas toujours fondées.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Des odeurs nauséabondes flottent entre ces quatre murs carrelés et sombres. Le papier toilette est dur et râpeux, quand il y en a, et c'est avec précaution que l'on tire la chasse ou que l'on ouvre la porte dont l'on soupçonne la poignée d'être recouverte des microbes des précédents visiteurs. Peut-on facilement contracter une IST dans les toilettes publiques ou plus généralement une autre maladie ?

Stéphane Gayet : Les toilettes publiques ne sont pas un endroit où l’on contracte une infection sexuellement transmissible ou IST, contrairement à une opinion assez répandue. Quand on évoque les IST, on pense surtout à des maladies comme la gonococcie ou blennorragie, la chlamydiose et la syphilis ; on pense encore à l’hépatite virale B. Aucune de ces maladies sexuellement transmissibles n’a de lien avec les matières fécales ni même l’urine. Les agents infectieux de ces maladies sont transmis par contact de muqueuse à muqueuse : génitale à génitale, génitale à buccale, génitale à anale ou rectale, voire buccale à anale ou rectale. Avec l’hépatite B, il y a bien sûr également une transmission possible par le sang, à l’occasion par exemple de séances de toxicomanie intraveineuse.

Cette idée selon laquelle les agents pathogènes des IST pourraient se transmettre dans les toilettes publiques est ancienne. Ne recommandait-on pas au début du XXe siècle que les hommes urinent dans les urinoirs publics en interrompant plusieurs fois leur jet d’urine, au motif que les tréponèmes de la syphilis pourraient remonter le jet d’urine ? De semblables recommandations étaient formulées à l’endroit des femmes. Les connaissances concernant les réservoirs de microorganismes et leurs modes de transmission étaient encore insuffisamment répandues et enseignées.

L’hépatite A n’est pas en principe une infection sexuellement transmissible ou IST. Toutefois, on a vu que son virus VHA pouvait se transmettre assez facilement lors de la sodomie, mais dans un seul sens : du sujet pénétré vers le sujet pénétrant et pas l’inverse. Les femmes peuvent donc transmettre le virus VHA par la sodomie, mais ne peuvent pas le recevoir.

Comment se transmet l'Hépatite A et pourquoi s'est-elle développée plus rapidement par le biais des toilettes publiques ? Comment se situe l’hépatite A par rapport aux IST habituelles ?

Le virus de l’hépatite A ou VHA est un virus entérique. C’est dire qu’il est contracté par voie digestive, lors de l’ingestion d’eau ou d’aliments, et qu’il colonise la muqueuse intestinale. Il est répliqué en quantité industrielle par les cellules intestinales et se retrouve donc dans les matières fécales à de très fortes concentrations. À côté de cette colonisation digestive, le virus VHA peut aussi bien sûr – ce n’est pas systématique – aller infecter le foie à partir du réservoir intestinal. C’est alors que pourra survenir l’hépatite A qui peut être ictérique – la « jaunisse » - ou non ictérique (fatigue ou asthénie, mais sans ictère ou jaunisse). Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il s’agit d’un virus avant tout intestinal, à la grande différence du virus de l’hépatite B ou VHB. De ce fait, un sujet infecté par le VHA et ne développant pas d’hépatite ictérique – pas de jaunisse – ne sait pas qu’il l’est (à moins qu’il ne se fasse faire un examen sanguin) ; en revanche, sa muqueuse digestive et ses matières fécales sont très chargées en particules virales ou virions VHA. Ce qui explique la contamination par sodomie. Cela explique aussi qu’un tel sujet répande des particules virales dans les toilettes. C’est lors de l’essuyage anal et fessier qu’un sujet atteint par le virus VHA récolte d’innombrables particules virales sur ses mains et cela de façon invisible. Ensuite, tout ce que ses mains vont toucher sera massivement contaminé par le virus : chasse d’eau, robinet, lunette des w.-c., essuie-main en tissu, poignée de porte, etc. La personne suivante qui va utiliser ces mêmes toilettes risquera fortement de contaminer ses mains. Mais l’introduction du virus VHA dans l’organisme se fera plutôt par voie buccale que génitale ou anale, en général. Cependant, à l’instar de la sodomie, la contamination depuis les mains vers la muqueuse génitale ou anale est bien sûr possible lors d’un contact même très bref.

Ce type de contamination entre dans le cadre de ce que l’on appelle le péril fécal, bien connu à propos du choléra, de la fièvre typhoïde et de la dysenterie. Ce péril fécal est encore plus marqué pour les maladies virales (hépatite A, poliomyélite aiguë, gastroentérite aiguë virale…), car dans ce cas les selles sont très chargées en virus infectieux qui ont été répliqués en quantité industrielle par les cellules de la muqueuse intestinale (virus entériques).

Quels conseils donnez-vous pour prévenir d'une telle contagion ?

Si les toilettes publiques ont un aspect sale et négligé, il est recommandé de se laver ou se désinfecter les mains avant d’aller déféquer ou même uriner (car si l’on s’essuie le méat urétral après avoir uriné, on risque de le contaminer par ses mains souillées de virus récoltés à partir de contacts avec les différents éléments des toilettes).

Lorsque l’on s’essuie l’anus après avoir déféqué ou le méat urétral après avoir uriné, il y a des précautions à prendre. Il faut s’essuyer l’anus de l’avant vers l’arrière et non l’inverse, afin de protéger ses organes génitaux et son méat urétral. Il faut limiter au maximum le contact des doigts avec les muqueuses lors de l’essuyage : par exemple, en prenant une double épaisseur de papier d’essuyage. Le risque est particulièrement important si l’on a de grosses veines hémorroïdaires, car elles sortent par l’anus lors d’un effort de défécation (maladie hémorroïdaire de stade II ou III). Dans ce cas, lorsque l’on a fini de déféquer, il faut avec du papier d’essuyage faire rentrer ces hémorroïdes en les repoussant tout en évitant le contact direct avec les doigts. L’essuyage de l’anus doit donc être pratiqué lorsque les hémorroïdes ont été repoussées à l’intérieur.

Ce que nous venons de voir est de nature à éviter que nos mains contaminées par du virus VHA ne contaminent à leur tour notre anus, nos organes génitaux ou notre méat urétral. Mais à présent, lorsque nous avons fini d’uriner ou de déféquer, il faut prendre garde à ce que nos mains contaminées ne contaminent pas à leur tour nos lèvres, notre bouche ou nos aliments, ainsi que nos bonbons, pastilles, comprimés, chewing-gum, cigarettes, etc. Il est donc crucial de se désinfecter ou se laver efficacement les mains à la sortie des toilettes, en tout cas avant de les porter à sa bouche ou de toucher quelque chose qui va être porté à sa bouche. La règle du lavage des mains avant de manger a tendance à tomber en désuétude, c’est bien regrettable, car c’est une bonne mesure face au péril fécal. En somme, on peut conclure en disant que la main de l’homme est un merveilleux organe, même exceptionnel ; mais qu’elle peut se montrer également très dangereuse en contaminant une muqueuse quelconque du corps, après s’être elle-même contaminée de façon invisible (mais si les mains n’ont pas de plaie ni de dermatose, elles ne sont pas quant à elles une porte d’entrée pour les microorganismes : elles ne sont qu’une redoutable courroie de transmission).

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