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Entre le « moins d’impôts » et « le plus de services publics », il y a forcément un compromis possible
©SYLVAIN THOMAS / AFP

Atlantico Business

Si la crise des Gilets jaunes se résume à réclamer moins d’impôts pour plus de service publics, les extrémistes anti-système ont un boulevard devant eux.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Personne ne conteste la difficulté de vivre (ou même de survivre) pour une partie de la population française, celle qui n‘a pas travaillé, qui habite loin des villes dans des conditions de logement modeste, et qui ne voit des progrès de la modernité que les lumières qui brillent chez les autres.

Si le catalyseur du soulèvement se trouve dans la question des taxes carbone, le faisceau de revendications s’est rapidement élargi au poids de la fiscalité, à la question du pouvoir d’achat et des conditions de vie dans une société de plus en plus clivée, entre ceux qui peuvent gagner et ceux qui perdent, avec en plus, un pouvoir qui a pris, dans la forme, beaucoup de distance avec le terrain tel qu’il est vécu. On peut résumer la demande politique sur deux axes : d’un côté moins d’impôts et de taxes, mieux répartis, et de l’autre, plus de service publics et sociaux. 

Si la lecture du conflit reste aussi manichéenne, le compromis qui permettra de sortir de la crise sera très difficile à trouver rapidement. Le drame, c’est que la difficulté de trouver ce compromis ouvre un boulevard à tous ceux qui rêvent d’abattre le pouvoir en place et de changer de système. Système politique et système économique. 

Emmanuel Macron est évidemment la cible de tous les extrémistes, mais les patrons du CAC 40 où les acteurs du capitalisme financier ne vont pas tarder à l’être. 

« Moins d’impôts et en même temps plus de services publics », c’est évidemment ingérable et particulièrement sur le court terme. La France est déjà le champion du monde de la pression fiscale, et c’est aussi le champion du monde de la dépense publique et sociale. On ne pourra pas baisser la pression fiscale sans changer le périmètre de l’Etat et alléger le poids de ses services. Sans parler de la transition écologique.

On peut toujours étaler dans le temps les efforts à faire, on peut aussi ne pas regarder la réalité en face, on peut se dire que la transition écologique peut attendre, que nous ne sommes pas assez riches pour purifier l’air qu’on respire, ou que la responsabilité en incombe aux autres. On peut aussi s’endetter encore davantage jusqu’au moment où nos banquiers extérieurs ne trouveront plus des garanties suffisantes chez nous. La dette publique, cette année, a franchi le cap des 100 % du PIB. La dette représente l’équivalent de la totalité des richesses que nous créons chaque année. 

Alors, si « le moins d’impôts et le plus de dépenses publiques » forment pour le pouvoir en place (tous les pouvoirs responsables et honnêtes quels qu’ils soient) une équation insoluble, la recherche du compromis va pourtant être au cœur de la responsabilité du président de la République. 

Emmanuel Macron, qui prétend fonctionner comme un chef d’entreprise, doit savoir que le chef d’entreprise, face à l’effondrement de son marché, essaie de s’adapter, échangeant son offre et les process. 

Emmanuel Macron va être obligé de présenter un changement important de son offre politique, comme d’ailleurs beaucoup de ses prédécesseurs ont été obligés de le faire en cours de mandat : 

Georges Pompidou a calmé les évènements de mai 1968, en répondant à une demande latente et massive de consommation, et de responsabilité individuelle. « Il va falloir arrêter d’emmerder les Français... » disait-il, 
Valery Giscard va se retrouver piégé par la crise pétrolière brutale et imprévisible au lendemain même de son élection en 1974. 

Plus tard, François Mitterrand en 1983 sera obligé lui de tourner le dos aux dogmes de gauche sur lesquels il avait été élu. 

Nicolas Sarkozy, élu pour libérer la France de ses carcans administratifs, doit faire machine arrière devant la gravité de la crise financière en 2008 pour amortir les effets. Le pays va tenir mais son budget explose. Son successeur François Hollande sera obligé d’en tirer les leçons deux ans plus tard. 

Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir par défaut, en promettant l’émergence d’un monde nouveau. Mais aujourd’hui, comment pourrait-il maintenir son cap, alors qu’une bonne moitié de la France ne le supporte pas ? Bien obliger de changer. 

Il va évidemment baisser les impôts, et améliorer les services publics et les prestations sociales. Mais à trois conditions. 

1. Réduire le poids des prélèvements obligatoire mais surtout mieux repartir l’effort sans pour autant céder à ceux qui pensent au rétablissement de l’ISF, ou à l’abandon de la flat tax, parce que dans ce cas-là, il dynamite le potentiel d’innovation, d’investissements et de création d’emplois du secteur privé.

2. Il lui faut donc organiser un recul de l’Etat et de ses administrations. C’est là que l’exercice va s’avérer délicat. Il va falloir être malin !

Il peut certes, par une organisation améliorée, accroitre la productivité. En clair, obtenir que les administrations en fassent plus. Ce qui s’est passé à la Poste depuis 10 ans est remarquable. Cette administration publique s’est retrouvée plongée dans la concurrence de marché, et du digital en particulier. La transformation de la Poste a été spectaculaire pour le bien des personnels, et des clients. Il peut réduire le périmètre de l’Etat central au profit des administrations territoriales qui sont en proximité quotidienne avec « les vrais gens ». Il peut accélérer le programme de privatisation. 

Mais il doit surtout mettre à plat le système d’assistance sociale, qui représente plus de la moitié du déficit budgétaire.

Si, dans le dialogue honnête, on s’interroge sérieusement sur ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de l’assurance, on peut développer des changements dans la forme de financement et dans la qualité des prestations. Si on ne s’engage pas dans un débat idéologique quasi religieux portant sur le rôle respectif du public et des sociétés d’assurance, on peut découvrir des solutions de sortie. 

Prenons l’assurance automobile qui est aujourd’hui obligatoire. La prime que l’on paie est un prélèvement obligatoire puisqu’on décide à qui on la paie, on décide de son contenu puisque, au delà du service de base (l’assurance au tiers), il existe de nombreuses options. Le tarif dépend de la taille de la voiture (c’est donc équitable). La prime est payée au fournisseur que l’on souhaite avec lequel on peut discuter des différents risques couverts. Si l’on se conduit bien, on bénéficie d’un bonus. Sinon on paie un malus. Ce système d’assurance obligatoire n’est pas l’objet de critique violente ou même de rejet, alors même que c’est l’équivalent d’un impôt. 

Mais ce n’est pas un impôt. L’assuré possède le choix souverain de dégager un fournisseur pour en choisir un autre. Et surtout, la concurrence existe, ce qui oblige l’assureur à être toujours meilleur pour fidéliser son client. 

La logique assurancielle et l’extrême liberté donnée aux parties prenantes assure finalement la stabilité du système. 

Les assureurs sont en mesure de proposer des offres d’assurance extrême nombreuses, diverses et variées. L’assurance couvre les risques sur les biens meubles et immeubles, les moments de la vie (assurance météo pour le WE), assurance contre le vol et la délinquance etc... Beaucoup de produits d’assurance arrivent en complément des systèmes sociaux de la sphère publique. Il y a, dans les sociétés d’assurance, des gisements d’outil capable de protéger l’individu, sa famille, son activité, son risque de chômage ou de vieillesse. etc. 

Le passage de la solidarité (payée par l’impôt ou les taxes) à l’assurance n’hypothèque en aucun cas, la notion de service public. L’assurance permet de desserrer l’emprise des prélèvements obligatoires, oblige les prestataires en concurrence à améliorer la qualité de service, et redonne à l’individu une totale responsabilité quant aux modalités de couverture des risques qu’il doit ou veut couvrir. Il n’y a pas de miracle. La plupart des pays de l’Europe du nord ont des systèmes de protection sociale aussi confortables et généreux que la France, mais leur mode de financement s’inscrit pour plus de la moitié dans des logiques assurancielles. Que les sociétés d’assurance soient publiques, mutualistes ou privées. 

3. La troisième condition ouvre sur la nécessité d’ouvrir une négociation avec l’Europe sur un réaménagement du règlement de copropriété qui régit les rapports entre les 27 États membres, dont la majorité sont demandeurs de changement. A ceux qui estiment que Emmanuel Macron hésitera beaucoup à faire ce type de démarche, alors qu’il cherchait à incarner l’Europe du sérieux, une Europe zéro dette, zéro défaut, on peut leur répondre que l’avenir de l’Europe vaut bien une petite humiliation, plutôt que de subir ou de causer un échec. Il y a de la place dans les règlements de Maastricht pour discuter des aménagements de fonctionnement au niveau de la Commission, et des chefs politiques des différents membres. 

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