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Enjeu symbolique ou clé de la présidentielle ? Radiographie du vote ouvrier
©Reuters

En mutation

Du fait de la désindustrialisation que notre pays connait, la part des effectifs ouvriers dans le corps électoral s’est fortement rétractée depuis 30 ans.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Les ouvriers représentent encore 13% de la population et les personnes vivant dans un foyer dont le chef de ménage est ouvrier pèsent 18%. Du fait de la désindustrialisation que notre pays connait, la part des effectifs ouvriers dans le corps électoral s’est fortement rétractée depuis 30 ans. Il n’en demeure pas moins que cette catégorie continue de jouer un rôle important dans les campagnes électorales. Les représentations associées à la classe ouvrière demeurent un enjeu symbolique important et le fait de pouvoir revendiquer le statut de premier parti de la classe ouvrière constitue un attribut d’image non négligeable. A l’heure où la problématique des effets de la mondialisation sur la société prend une place de plus en plus centrale dans le débat, le comportement électoral de la population ouvrière, qui est particulièrement exposée à ces mutations, va être scrutée avec attention et ce d’autant plus que, si les ouvriers s’abstiennent massivement lors des élections intermédiaires, ils se mobilisent encore fortement lors des scrutins présidentiels.          

1/ Un rapport de force électoral très favorable au FN

Comme dans d’autres catégories de la population, les intentions de vote des ouvriers ne sont pas unanimes et le vote ouvrier ne doit pas être perçu comme un bloc monolithique. Les données cumulées des vagues du Rolling Ifop-Fiducial pour Paris-Match, CNews et Sud Radio, font en effet ressortir une grande diversité  électorale de cette partie de la population. 30% des ouvriers voteraient pour un candidat de gauche au premier tour, 17% pour Emmanuel Macron, seulement 8% pour François Fillon et une très forte proportion, 43%, pour Marine Le Pen, qui obtiendrait parmi les ouvriers son meilleur score, toutes catégories sociales confondues.    

Si la diversité des opinions politiques existe dans le monde ouvrier, le FN y est aujourd’hui hégémonique. La domination historique de la gauche est révolue sauf à intégrer l’ensemble des voix d’Emmanuel Macron dans le « total gauche » qui, même dans cette hypothèse maximaliste, atteindrait 47% soit nettement moins qu’à l’apogée du vote de gauche dans la classe ouvrière lors de l’élection présidentielle de 1981, où les candidats de gauche s’arrogeaient 66% des voix dans cette catégorie.    

Florent Gougou a identifié deux grands facteurs de la désaffection des ouvriers vis-à-vis de la gauche. Les mutations industrielles d’une part (désindustrialisation, déclin de l’industrie lourde et des grandes concentrations ouvrières) qui ont principalement affectées le PC et l’exercice du pouvoir par la gauche, d’autre part, qui a coûté cher au PS, avec un décrochage très marqué à la fin des années Mitterrand. A l’issue du quinquennat de François Hollande qui a profondément déçu une large partie du « peuple de gauche », un tel phénomène s’observe également. Alors que François Hollande atteignait 21% parmi les ouvriers en 2012, Benoît Hamon, lui aussi candidat du PS, n’en recueillerait que 12% aujourd’hui. Ce reflux du vote socialiste chez les ouvriers, consécutif au quinquennat Hollande ne profiterait pas pour autant à Jean-Luc Mélenchon qui n’améliorerait pas ses positions de 2012 : 15,5% aujourd’hui contre 18% à l’époque. Si la gauche au pouvoir a donc « déçu Billancourt », ce n’est manifestement pas vers une ligne plus à gauche que se tournent les ouvriers de gauche.

Le désamour prévaut également à droite. En 2012, Nicolas Sarkozy avait recueilli 14% des voix ouvrières, son successeur se situe aujourd’hui à un étiage deux fois moindre (8%). Le Penelopegate et les révélations sur le train de vie de François Fillon ont causé des dégâts dans l’électorat populaire de droite mais il convient de souligner que le décrochage avait commencé avant l’affaire. Le candidat de la droite était ainsi passé de 20% à 11% d’intentions auprès des ouvriers entre décembre 2016 et janvier 2017 sous l’effet notamment des critiques formulées à l’encontre de son programme de réforme de la Sécurité Sociale.

Emmanuel Macron avec 17% des voix ferait, quant à lui,  nettement mieux que François Bayrou, qui le soutient, et qui n’avait obtenu que 6% dans l’électorat ouvrier en 2012. Le leader d’En Marche ! élargit donc sensiblement l’assise du vote « centriste » dans cette catégorie de la population en captant sans doute des déçus de la gauche et de la droite. On notera par ailleurs, que l’ancien banquier de chez Rothschild devance symboliquement le candidat de la France insoumise dans l’électorat ouvrier et qu’il surclasse nettement le représentant du PS. Si c’est parmi les cadres et les professions intellectuelles qu’il est le plus massivement soutenu (38%), Emmanuel Macron bénéficie donc également d’une audience non négligeable chez les cols bleus. Son niveau actuel dans l’électorat ouvrier (17%) est quasiment le même (15%) que celui qu’était parvenu à atteindre François Bayrou dans cette catégorie en 2007, campagne durant laquelle le Béarnais porta lui aussi un discours de dépassement du clivage gauche-droite et qui rencontra un écho auprès d’un ouvrier sur six, étiage pour un positionnement central dans cette catégorie de la population.

Toutefois, le leader d’En Marche ! est loin de rivaliser avec Marine Le Pen qui domine très largement dans cette catégorie de la population en approchant de la barre symbolique d’un électeur sur deux (43%). Alors que son père obtenait déjà ses meilleurs scores parmi les ouvriers et que cette catégorie lui resta relativement fidèle en 2007, quand Nicolas Sarkozy réalisa une OPA sur l’électorat frontiste, Marine Le Pen a considérablement renforcé et étendu l’assise du frontisme dans le monde ouvrier. Elle avait ainsi obtenu 33% en 2012 et elle gagnerait 10 points supplémentaires cette année.  

On rappellera qu’en s’appuyant sur des données d’enquêtes de l’Ifop, le sociologue Mattei Dogan estimait à 38% la part des ouvriers qui avaient voté pour des candidats communistes lors des législatives de 1962 et d’après la Sofres, le communiste Jacques Duclos recueillit 33% des voix ouvrières lors de la présidentielle de 1969. Le FN de Marine Le Pen aurait donc aujourd’hui une audience égale voire un peu supérieure dans la classe ouvrière à celle dont jouissait le PC à sa grande époque. Le poids des ouvriers dans la population a certes diminué par rapport aux années 60 et le FN ne dispose ni du réseau de mairies, ni des structures associatives, ni des dizaines de milliers de militants et de sympathisants qui incarnaient le Parti dans les quartiers ouvriers et les usines. Il n’y a donc pas aujourd’hui de contre-société frontiste dans le monde ouvrier comme il en existait une pour le PC à l’époque. Pour autant, l’audience électorale et l’influence idéologique frontiste sont aujourd’hui du même ordre que celles qui firent la puissance du PC des années 50 à la fin des années 70 dans le monde ouvrier.

2/ Une domination du FN dans tous les compartiments de l’électorat ouvrier

Cette prédominance électorale du FN dans la population ouvrière est d’autant plus impressionnante qu’elle s’exerce avec la même force dans tous les segments d’un monde ouvrier qui s’est nettement diversifié depuis une trentaine d’années. Ainsi, si l’on affine les résultats selon le type d’emploi occupé, des écarts apparaissent certes avec des univers professionnels encore plus marqués que d’autres par le vote FN mais partout Marine Le Pen atteint au moins 40%, qu’ils exercent en milieu industriel ou artisanal, le vote FN est aussi massif et homogène. Une petite différence en terme d’intensité de ce vote se fait jour entre les ouvriers qualifiés et leurs collègues non qualifiés, qui votent encore un peu davantage pour Marine Le Pen. Enfin, les chauffeurs amplifient encore cette tendance avec 50% d’intentions de vote pour la candidate frontiste.

Plusieurs spécificités propres à cet univers professionnel contribuent sans doute à ce vote encore plus massif. On peut ainsi penser que ces ouvriers, qui travaillent dans un secteur du transport extrêmement atomisé, où la conscience de classe et la syndicalisation sont encore plus faibles qu’ailleurs, sont moins sensibles à une culture ouvrière de gauche, qui peut freiner ou contenir partiellement l’essor du frontisme dans d’autres branches professionnelles. On notera ainsi qu’alors que le total Mélenchon + Hamon atteint 27,5% en moyenne chez les ouvriers, il n’est que de 19% parmi les chauffeurs, soit le niveau le plus faible observé dans les différentes catégories d’ouvriers. A cet isolement, s’ajoute également dans certains cas une proximité plus importante de ces ouvriers avec leurs patrons avec qui, dans les petites entreprises, ils peuvent partager le discours contre le poids trop lourd des taxes et des charges. Il n’est ainsi pas rare de voir des chauffeurs routiers salariés participer aux côtés de leurs patrons à des blocages pour réclamer des baisses des taxes sur le gazole ou des aménagements de la réglementation. Cette convergence de points de vue nourrit une forme de corporatisme (au sens historique du terme, s’entendant comme une alliance de classe sur une base professionnelle ou un métier) qui est, on le sait, un modèle prôné de longue date par l’extrême droite.

Enfin, last but not least, le secteur du transport est particulièrement exposé à la concurrence internationale et au dumping social. L’Europe libérale, fustigée par le FN, a un visage très concret pour cette profession : celui du chauffeur bulgare ou polonais qui, pour un salaire bien inférieur aux routiers français, enchaîne les heures passées au volant et rafle les marchés dans un secteur où la guerre des prix est reine.

Une récente enquête de l’Ifop pour Valeurs Actuelles a montré une très forte adhésion de l’opinion à la mise en place d’une « clause Molière », imposant la pratique du français sur les chantiers dépendant de la commande publique. Or, c’est chez les ouvriers que l’adhésion à cette mesure est la plus forte : 87% d’approbation (soit 7 points de plus que la moyenne nationale). De la même façon et pour illustrer la demande de protection des ouvriers français face à la globalisation sous toutes ses formes (libre-échange, travailleurs détachés…), un autre sondage indiquait que c’est dans le monde ouvrier que la demande de protection s’exprime avec le plus de force.

Si l’on a observé un petit écart en termes d’intensité du vote FN entre ouvriers qualifiés et ouvriers non qualifiés, le différentiel est beaucoup plus marqué quand on considère non plus le type de poste occupé mais le niveau de formation initiale. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’intention de vote pour Marine Le Pen atteint pratiquement 50% (46% exactement) parmi les ouvriers non bacheliers alors qu’à peine un tiers des ouvriers diplômés du supérieur ont l’intention de voter pour elle. Différentes études avaient montré le rôle structurant que jouait le niveau de diplôme sur les comportements électoraux et notamment sur le vote FN et le vote Macron. On constate ici que cette variable est extrêmement prégnante car elle fait clairement sentir ses effets au sein même d’une catégorie socio-professionnelle, à savoir le monde ouvrier. Plus le niveau de diplôme d’un ouvrier est élevé, plus il aura tendance à voter pour Emmanuel Macron et moins sa propension à opter pour la candidate du FN sera importante.

3/ La fin du clivage générationnel

Autant la stratification éducative segmente le vote ouvrier, autant le clivage générationnel a très peu d’influence. Ceci est relativement nouveau. Florent Gougou avait en effet montré que la montée en puissance du vote FN et le déclin de la gauche en milieu ouvrier s’expliquait en bonne partie par un phénomène de renouvellement générationnel. Parmi la « génération héroïque » qui avait atteint l’âge adulte à l’époque du Front populaire, la gauche était hégémonique. Cette domination était encore en vigueur au sein de la « génération de la modernisation » née après-guerre. Le déclin de la gauche s’opérait parmi la « génération de la crise » qui est née à la fin des 30 glorieuses, qui a grandi dans une période marquée par la désindustrialisation et le développement du chômage et dans laquelle l’audience FN est importante. Les données d’enquêtes de l’Ifop pour l’élection présidentielle de 2002 illustraient bien ces écarts d’orientation politiques des différentes générations ouvrières.

Mais depuis cette élection, quinze ans se sont écoulés. Et pour reprendre la segmentation proposée par Florent Gougou, la « génération héroïque » née dans les années 20 a quasiment disparu. La « génération de la modernisation », née après la guerre et dans les années 50, est pour l’essentiel partie à la retraite. La disparition dans les effectifs ouvriers en activité de ces deux générations les plus à gauche conduit mécaniquement à un affaiblissement de la gauche dans cette catégorie. Elles ont été remplacées par la « génération de la crise » (née entre le milieu des années 60 et le début des années 80) mais aussi par ce que l’on pourrait appeler la « génération de la mondialisation » qui a grandi après le tournant de la rigueur de la gauche au pouvoir et dans un environnement où la globalisation s’est traduite par une accélération de la désindustrialisation et la montée en puissance des enjeux migratoires et identitaires. Cette génération ouvrière, âgée aujourd’hui de moins de 35 ans, accorderait 46% au FN. 

Cette approche générationnelle est importante car elle permet de tordre le cou à l’idée selon laquelle, dans les régions ouvrières, les électeurs du FN seraient pour beaucoup d’anciens électeurs de gauche et souvent communistes. S’il est exact que le FN réalise des scores importants dans d’anciennes terres communistes (comme dans le bassin minier du Pas-de-Calais par exemple), beaucoup de ses électeurs ouvriers sont en fait des enfants ou des petits-enfants d’ouvriers communistes ou socialistes, car du fait du renouvellement générationnel, les strates les plus âgées et acquises à la gauche ont été remplacées par plusieurs générations largement acquises au FN.

Alors que jusqu’en 2002, les ouvriers ayant au moins un parent ouvrier votaient un peu plus FN que les ouvriers sans ascendance ouvrière, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Le vote FN a considérablement progressé dans le cœur de la population ouvrière, constitué par les personnes issues de lignées ouvrières, mais aussi dans le segment plus périphérique des ouvriers de « première génération » (dont aucun parent n’était ouvrier). 

4/ Des disparités selon les territoires

La majorité des ouvriers réside aujourd’hui en milieu rural ou dans des villes petites et moyennes. Or, comme le note Laurent Davezies , la mondialisation économique a modifié en profondeur la géographie sociale de notre pays avec, d’un côté, les grandes métropoles dynamiques connectées à l’économie internationale et certaines zones touristiques favorisées et, de l’autre, un arrière-pays moins compétitif et plus fragilisé. Cette situation s’est encore aggravée avec la crise économique ayant éclaté en 2008 et qui s’est soldée par une kyrielle de plans sociaux et de fermetures de sites industriels dans des petites villes de province (Molex à Villemur-sur-Tarn, Continental à Clairoix, New Fabris à Châtellerault ou bien encore SKF à La Roche-sur-Yon par exemple ). Les ouvriers de cette France périphérique, pour reprendre l’expression de Christophe Guilly, sont donc objectivement plus menacés économiquement par la mondialisation et la perspective d’une perte d’emploi y est encore plus inquiétante car les possibilités de retrouver un emploi y sont moins nombreuses que dans les grandes métropoles. Ce n’est donc pas un hasard si le discours d’opposition à la mondialisation et la promesse de la mise en place d’un protectionnisme économique portés par le FN rencontrent un écho maximal parmi les ouvriers des campagnes et des petites villes. 

49% des ouvriers ruraux et 45% de ceux résidant dans des agglomérations de moins de 20.000 habitants envisagent de voter pour Marine Le Pen contre 40% de leurs homologues des villes plus importantes et seulement 24% de ceux qui vivent dans l’agglomération parisienne. Les votes en faveur des deux candidats de gauche (Mélenchon et Hamon) et d’Emmanuel Macron suivent, quant à eux, une trajectoire totalement inverse comme le montre le graphique suivant.

Ces résultats illustrent l’utilité d’une analyse à partir de gros échantillons qui permettent de mettre en lumière l’impact important des contextes locaux qui font varier parfois très sensiblement les votes au sein d’un même groupe social.

Cela s’observe également au niveau régional où l’intensité du vote frontiste diffère d’une région à une autre. Mattei Dogan avait, en son temps, insisté sur les différentes cultures ouvrières régionales qui permettaient de comprendre l’absence de corrélation statistique forte entre vote PC et présence ouvrière. Si de nombreux ouvriers étaient sensibles au communisme, dans des régions catholiques (Ouest, Alsace, Jura…), la droite disposait de solides appuis dans la population ouvrière locale. Dans d’autres départements ou bassins d’emploi, c’est l’influence du courant socialiste qui bloquait le développement du vote communiste. On observe aujourd’hui un processus assez similaire pour ce qui est du vote frontiste. Il est hégémonique dans le Grand-Est (Champagne-Ardenne, Alsace, Lorraine, Franche-Comté) et dans son fief nordiste (Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie) où il concerne un ouvrier sur deux. Mais, comme le montre le graphique ci-dessous, le niveau est un peu moins important en Auvergne-Rhône-Alpes et en Centre-Bourgogne et dans une région comptant encore l’une des plus fortes proportions d’ouvriers dans la population locale, qu’est le Grand-Ouest (Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie), le vote FN atteint 40%, un étiage élevé mais moins impressionnant que dans le Nord ou l’Est.

Le taux de chômage, la délinquance et le poids de l’immigration sont moins élevés dans l’ouest que dans le grand quart nord-est de la France. Ces paramètres jouent sans doute dans la moindre pénétration du vote FN dans la population ouvrière de l’ouest. Mais à cela s’ajoute un autre paramètre. Comme le montrent les trois cartes suivantes, la perception du degré de prospérité et de dynamisme économique de sa région par les populations locales a suivi des trajectoires radicalement opposées sur une cinquantaine d’années. Alors qu’au début des années 60, les habitants des régions industrielles du nord et de l’est se voyaient comme vivant dans des zones tirant l’économie nationale, ils se perçoivent comme résidant aujourd’hui dans des régions en déclin. Le processus de désindustrialisation a très durement frappé ces régions dont les populations locales, et notamment ouvrières, ressentent un sentiment de décrochage par rapport aux générations précédentes, ce sentiment de déclin collectif et individuel nourrissant le vote FN. Dans l’ouest à l’inverse, les habitants ont actuellement l’impression de vivre dans des régions économiquement plutôt préservées et assez dynamiques, sentiment qui n’était pas du tout présent il y a 50 ans. Même si la situation actuelle peut parfois être difficile, le sentiment majoritaire qui prévaut est celui d’une élévation du niveau de vie par rapport à la génération précédente, climat psychologique nettement moins propice au développement du vote FN.

Ces différences en termes de situation objective comme de ressenti, se traduisent très concrètement au plan électoral. Comme on peut le voir sur le graphique suivant, le FN obtient un score sensiblement moins élevé dans le Grand Ouest que dans l’ensemble Hauts-de-France – Haute-Normandie alors, qu’inversement, le vote pour Emmanuel Macron est nettement plus présent parmi les ouvriers de l’ouest que chez ceux du nord.

Dans le Grand Sud-Ouest (Nouvelle Aquitaine et Midi-Pyrénées) où le sentiment d’un progrès économique par rapport aux générations précédentes est également présent, le vote FN dans la population ouvrière locale se situe en-dessous de la moyenne nationale. C’est également le cas en Ile-de-France, où seulement 31% des ouvriers voteraient FN contre 32% qui voteraient à gauche : 20% pour Jean-Luc Mélenchon (ce dernier bénéficiant de l’assise communiste dans les restes de la banlieue rouge) et 12% Benoît Hamon. 26% des ouvriers franciliens soutiendraient Emmanuel Macron, qui apparaît ainsi comme le candidat de « la France qui va bien » (ou des territoires qui vont relativement mieux que d’autres). Enfin, on notera que sur la façade méditerranéenne, relativement peu industrialisée, l’audience frontiste se situe à un niveau juste inférieur à la moyenne nationale (40% contre 43%). Ceci signifie que ce sont, plus qu’ailleurs, d’autres groupes sociaux qui contribuent à faire de PACA et du Languedoc-Roussillon des bastions du FN.

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