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Enfin une baisse du chômage réalisée sans trucages… qui ne durera pas pour autant
©Reuters

Une bonne et une mauvaise nouvelle

Si les chiffres du chômage du mois de janvier sont satisfaisants, plusieurs prévisions économiques laissent penser qu'ils ne dureront probablement pas.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico : Que diriez-vous des résultats sur le nombre de demandeurs d'emploi au mois de janvier ?

Pierre-François Gouiffès :Le rituel républicain de la publication des chiffres du chômage atteint maintenant un niveau probablement inédit d’hystérisation pour plusieurs raisons.

La première tient au fait que la France connait depuis huit ans une hausse ininterrompue de son nombre de demandeurs d’emploi : pour les DEFM A, on est passé de 2,16 millions en janvier 2008 à 3,81 millions huit ans plus tard soit une hausse de 76% !!!

Mais il y a en plus le positionnement de la période dans le cycle électoral avec la perspective des élections présidentielles du printemps 2017 pour lesquelles François Hollande a conditionné sa candidature à une baisse du chômage, propos réitéré vendredi 19 février dernier sur France Inter (« j’ai été candidat pour que nous créions les conditions pour qu’il y ait une baisse du chômage et il doit y avoir baisse du chômage. Et s’il n’y a pas baisse du chômage, vous savez quelle conclusion j’en tirerai. ».

Il y a enfin le contexte du plan d’urgence annoncé par l’exécutif en janvier 2016 avec le doublement à 500.000 des formations des demandeurs d’emplois avec la critique plus ou moins explicited’un risque de pilotage politique de la liste des demandeurs d’emploi. Pour faire bon poids, rajoutons la polémique interne à la majorité concernant la réforme du droit du travail…

C’est dans ce contexte qu’intervient en janvier une importante baisse mensuelle (moins 27 100 DEFM A pour toute la France ou moins 27 900 si on se limite à la seule métropole), soittout simplement la baisse mensuelle la plus importante depuis 2008, à l’exception d’août 2013 (moins 31.800), une baisse mensuellealors totalement entachée par l’affaire du bug SMS ayant conduit à gonfler les désinscriptions. La dernière publication est d’ailleurs marquée par une nouvelle incertitude statistique certes de moindre importancemais néanmoins fortement signalée par le ministère du travail (rebond inhabituellement élevé de sorties des listes de catégories A, B et C pour cessation d’inscription pour défaut d’actualisation) que tous les analystes ne manquent de signaler dans le lourd contexte évoqué précédemment, ce qui gâche un peu la séquence médiatique d’une ministre de travail bien occupée par ailleurs.

Cette baisse concerne-t-elle des véritables reprises d'emploi ? Comment se décompose cette baisse de 27 900 demandeurs d'emplois ?

Le ministère du Travail (DARES) et Pôle Emploi fournitles motifs des sortiespour les demandeurs d’emploi A/B/C (demandeurs d’emploi sans ou avec activité limitée). Ces presque500 000 sorties des listescorrespondent pour 20 % à une reprise d’emploi connue par Pôle Emploi, pour 9 % à des entrées en stage, pour 9 % à un arrêt de recherche, pour 43 % (!) à un défaut d’actualisation de la situation de demandeur d’emploiet pour 8 % à des radiations administratives.

Pôle Emploi considère toutefois que 50% des sorties de son fichier correspondent à des reprises d’emploi dont elle ne connaît qu’une partie. On ne constate pas à ce stade une accélération particulièrement nette de la reprise d’emplois mais toutefois une augmentation du volume des sorties (472.000 en janvier 2015) ce qui est un signe plutôt encourageant. On est toutefois à des années-lumière des créations d’emplois privés constatés chez nos voisins allemand et espagnol, la France étant l’un des rares pays européens où le chômage ne montre pas une orientation claire à la baisse.

Le moral des chefs d'entreprise est au plus bas depuis le mois d'octobre. De même, l'indice PMI montre une contraction en février après 12 mois consécutifs en zone de croissance. Peut-on estimer que cette baisse s'inscrira dans la durée ?

Depuis août 2015, un mois de hausse succède à un mois de baisse et vice-versa et donc le chômage jouer au yoyo, mais il y a en même temps une rupture avec l’effroyable séquence de 27 mois consécutifs de hausse et près de 600.000 chômeurs supplémentaires qu’a connu le pays entre mai 2011 et juillet 2013. Les indicateurs que vous indiquez proposent un scénario de reprise économique non seulement lente mais également limitée dans son ampleur. Rajoutons à cela la sortie très récente des prévisions d’emploi de l’UNEDIC qui ne voit aucune amélioration d’ampleur de la situation du chômage avant deux ans.

Tout cela dresse un paysage d’ensemble en très légère améliorationmais sans direction nette et une nouvelle sans aucune comparaison avec certains progrès spectaculaires de nos voisins européens en matière d’emploi. Cette direction ne pourra être tracée qu’avec une séquence beaucoup plus convaincante de plusieurs mois d’amélioration continue : on n’en est pas encore là même si ce n’est pas impossible.

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