Encore plus de fonctionnaires en 2014, ou comment le gouvernement a oublié de s’attaquer à la rente qui plombe véritablement l’économie française<!-- --> | Atlantico.fr
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En un an le nombre de fonctionnaires a augmenté de 0,7 %.
En un an le nombre de fonctionnaires a augmenté de 0,7 %.
©Reuters

Où cela s'arrêtera-t-il ?

En un an le nombre de fonctionnaires a augmenté de 0,7 %, selon les chiffres publiés par l'Insee jeudi 18 décembre. Des données officielles qui se situent en deçà de la réalité, et qui prouvent que François Hollande n'a pas tenu sa promesse de campagne sur le maintien de la stabilité des effectifs dans la fonction publique.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Le gouvernement a décidé de mener la fronde contre les rentes en s'attaquant aux professions réglementées, or d'après les calculs de la Cour des Comptes la hausse de 1% du nombre d'agents représente près de 560 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour l'Etat. Avec l'augmentation du nombre de fonctionnaires cette année, le gouvernement ne prouve-t-il pas qu'il a oublié de s'attaquer à la seule vraie rente en France?

Eric Verhaeghe : Je crains que le problème ne soit pire que vous ne le dites. En réalité, les effectifs qui ont augmenté sont "hors bilan", comme on dirait dans une entreprise, c'est-à-dire hors plafonds d'emplois discutés en loi de finances et hors effectifs comptabilisés. Ce sont surtout des emplois aidés, très précaires, très peu payés. Si je plonge dans mes souvenirs de fonctionnaire, je dirais que j'ai toujours connu cela. Il y a vingt ans, les services faisaient des efforts d'imagination pour occuper ces emplois aidés. Aujourd'hui, il est manifeste que les titulaires n'ont plus de problème d'imagination: ils y recourent à tour de bras pour combler les manques créés par les mesures de réductions de moyens récentes, sans accompagnement managérial au changement. En réalité, l'Etat n'a pas de politique de restructuration interne. Il se contente de diminuer les moyens de façon autoritaire et souvent aveugle en faisant -1% ici, -3% là (souvent au gré de la faiblesse des responsables qui doivent les gérer) et il attend que ça passe. Le recours aux emplois aidés comme "petites mains" est l'une des stratégies de survie utilisées pour renouer les bouts de ficelles. Il témoigne des résistances "locales" au changement, de ces façons de trouver des dérivatifs pour continuer comme avant malgré les changements qui s'imposent. Autrement dit, cette augmentation d'effectifs montre bien que la machine publique n'est plus sous contrôle et que les managers ont pris le pouvoir et ont décidé de ne pas appliquer les politiques officielles.

François Hollande s'était engagé à maintenir la stabilité des effectifs de la fonction publique pendant son mandat. Comment expliquer que cet engagement n'ait pas été tenu?

A mon avis pour deux raisons. La première est qu'obtenir une stabilisation des effectifs dans les services suppose une guerre de tous les jours contre les réflexes des services. L'énergie nécessaire, en l'état des protections dont les hauts fonctionnaires bénéficient, pour obtenir la stabilisation est très peu rentable : beaucoup de temps passé pour un bénéfice très maigre. Pour remédier à ce problème, il faudrait une fois pour toutes prévoir la possibilité de licencier effectivement les hauts fonctionnaires qui ne tiennent pas leurs objectifs financiers. Aujourd'hui, la seule possibilité d'un ministre est de reclasser ces hauts fonctionnaires dans des corps d'inspection où ils sont payés entre 5.000 et 10.000 euros nets par mois pour un emploi qui représente souvent à peine un quart temps.

Une deuxième raison tient aussi aux choix stratégiques du gouvernement. En principe, c'est la direction générale de la fonction publique qui devrait piloter la réforme de l'Etat. Cette direction générale a rarement été vaillante et s'est souvent battue pour neutraliser au maximum les réformes. Depuis que la gauche est au pouvoir, la direction de la fonction publique s'est vidée de sa substance et se contente de comptabiliser le naufrage sans apporter la moindre idée pour l'éviter. Là encore, il faudrait prendre une mesure forte. Par exemple, il faudrait confier la gestion de carrière des hauts fonctionnaires à des opérateurs privés qui proposeraient des choix sur des critères de compétence et non de subordination politique.

Cette augmentation est-elle à mettre sur le compte d'un trop grand optimisme du candidat Hollande ou bien y a-t-il eu "tromperie" dès le départ?

Hollande est d'abord le candidat de la fonction publique. Il est fonctionnaire, n'a jamais travaillé dans une entreprise et a passé toute sa carrière professionnelle dans les allées du pouvoir. Assez naturellement, il est trop "collé" au modèle dont il vient pour vouloir le réformer effectivement. Derrière lui, on trouve l'armée des hauts fonctionnaires europhiles, adeptes de la pensée unique et convaincus que la crise est un épisode transitoire qui ne doit pas appeler de réforme structurelle. Pour les hauts fonctionnaires français, il faut faire le dos rond en attendant un retour à meilleure fortune, et cantonner réformes et économies le plus loin possible des centres de gravité qui les font vivre. C'est pourquoi une grande partie des efforts rendus incontournables par le Pacte de responsabilité reposent sur la sécurité sociale ou sur les collectivités locales. L'Etat s'organise pour préserver ses moyens malgré tout. Cette logique découle naturellement de la pensée hollandienne, telle qu'exprimée avant mai 2012 : la crise est un fantasme, il suffit d'attendre pour que ça revienne...

Dans quelles branches de la fonction publique les effectifs ont-ils le plus augmenté ? En quoi les contrats aidés ont-ils contribué à gonfler le nombre de fonctionnaires pour l'année 2014?

Ce sont les communes et la fonction publique hospitalière qui ont le plus "consommé" d'emplois. Mais l'INSEE reste très avare de détails, ce qui est un signe. Une fois de plus, l'INSEE fait écran sur les données publiques et empêche les citoyens de savoir ce qui se passe effectivement dans les administrations. Comme d'habitude, l'INSEE protège les services de l'Etat et préfère désigner les coupables dans les collectivités et les hôpitaux. Il n'en reste pas moins que, en 2013, au global, les effectifs ont augmenté y compris dans les services de l'Etat, alors qu'ils avaient baissé auparavant. En soi, cette évolution n'est pas surprenante. Nicolas Sarkozy avait eu besoin d'annoncer une baisse des effectifs pour les stabiliser. La gauche a annoncé une simple stabilisation globale des effectifs : sans surprise, elle récolte une hausse...

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